On se souviendra que Québec ne semblait pas, à l’origine, prêt à signer l’accord de Vancouver sur la bonification du RPC. Le 8 décembre 2016, le ministre avait même déposé à l’Assemblée nationale un document de consultation sur le Régime de rentes du Québec. Ce document, titré «Consolider le Régime pour renforcer l’équité intergénérationnelle» (http://bit.ly/2i34B7D), ainsi que le document de soutien «Constats sur la retraite au Québec» jetaient les bases d’une réflexion sur le RRQ (http://bit.ly/2jT8UDa).
On notera qu’on a également déposé le «Rapport actuariel modifiant l’Évaluation actuarielle du Régime de rentes du Québec au 31 décembre 2015» (http://bit.ly/2hMDE4i). Ce rapport vise à mesurer l’effet des modifications au régime qui sont proposées dans le projet de loi 149 sur la santé financière du régime.
Modifications passées
Au fil des ans, le RRQ a subi de nombreuses modifications. Plus récemment, entre 2012 et 2017, on a notamment augmenté le taux de cotisation, la pénalité pour rente anticipée (avant 65 ans) et l’amélioration pour rente reportée (après 65 ans). Les propositions du 2 novembre représentent fort probablement la plus grande transformation du régime depuis sa création.
Résumé des propositions
Le RRQ permet essentiellement le remplacement maximum de 25 % du salaire jusqu’au maximum des gains admissibles (MGA), soit 55 300 $ en 2017. La prestation de retraite maximale, payable à 65 ans, est fixée, en 2017, à 13 370 $. Cette rente maximale est égale à 25 % du MGA moyen des cinq dernières années.
On propose essentiellement de mettre en place un régime supplémentaire au RRQ qui, en deux étapes successives, bonifierait les rentes de retraite payables :
1er volet : Dès 2019, on propose d’augmenter le taux de remplacement de revenu de 25 % à 33 % du MGA.
2e volet : Ensuite, dès 2024, on propose d’augmenter sur deux années le MGA de 55 300 $, en 2017, à 63 000 $ (en dollars de 2017). Ce MGA bonifié sera appelé «maximum supplémentaire des gains admissibles» (MSGA).
Notons que les améliorations proposées se feront graduellement à raison de 1/40 de l’amélioration pour chaque année suivant les années précitées. Donc, seuls les participants qui auront cumulé 40 ans de cotisations au régime supplémentaire, soit après les années précitées, profiteront de la pleine augmentation des prestations. Le particulier qui n’aurait cotisé que 15 années au régime supplémentaire ne toucherait que 15/40 de l’amélioration. À terme, on passerait donc d’un régime qui remplace actuellement 25 % d’un salaire admissible sujet à un maximum de 55 300 $ à un régime qui remplacerait 33 % d’un salaire admissible sujet à un maximum de 63 000 $ (en dollars de 2017). Il s’agit bel et bien, à terme (40 ans après l’application des modifications), d’une augmentation très matérielle.
Impact sur les prestations de retraite
Ces modifications ont comme objectif d’améliorer les prestations de retraite du régime. À terme, soit 40 ans après la mise en application des modifications, la prestation de retraite maximale du régime à 65 ans, exprimée en dollars de 2017, passerait :
de 13 370 $ à 17 826 $ en raison de l’application du 1er volet ;
de 17 826 $ à 20 309 $ en raison de l’application du 2e volet.
Pour le travailleur dont le salaire est toujours égal au MGA (55 300 $ en 2017), la prestation maximale aura augmenté, à terme, de 33 %. Pour le travailleur dont le salaire est toujours supérieur au MSGA (63 000 $ en dollars de 2017), la prestation maximale aura augmenté, à terme, de 52 %. Cette augmentation est donc des plus importantes pour les plus jeunes travailleurs. En effet, les travailleurs nés en 2000 auront 25 ans en 2025. Ils pourront compter 40 années de participation au régime supplémentaire à 65 ans d’âge.
Pour un travailleur plus âgé, ce sera un peu différent. Imaginons un travailleur dont le salaire est toujours supérieur au MSGA. Imaginons qu’à ses 65 ans il n’aurait cotisé que 20 ans au 1er volet du régime supplémentaire et 15 ans au 2e volet du régime supplémentaire. Sa prestation de retraite maximale du régime, exprimée en dollars de 2017, passerait approximativement :
de 13 370 $ à 15 598 $ en raison de l’application du 1er volet ;
de 15 598 $ à 16 529 $ en raison de l’application du 2e volet.
La prestation maximale à laquelle il aurait droit aura augmenté de 24 %.
Impact sur les coûts du régime
Le RRQ est financé à parts égales par l’employé et l’employeur. Le taux de cotisation actuel au régime est fixé à 5,4 % pour l’employé et 5,4 % pour l’employeur. Un salarié cotise au RRQ sur ses gains dépassant l’exemption annuelle de 3 500 $ jusqu’au MGA (55 300 $ en 2017). Les deux volets de l’amélioration présentés ci-devant feront chacun l’objet de cotisations supplémentaires :
Pour le 1er volet, on augmentera progressivement la cotisation pour atteindre 1,0 % sur cinq années, de 2019 à 2023, pour le salaire en deçà du MGA actuel (55 300 $ en 2017) ;
Pour le 2e volet, on cotisera 4,0 % sur un salaire supplémentaire qui augmentera progressivement sur deux années, 2024 et 2025. Ce salaire supplémentaire sera la tranche de revenus située entre le MGA (55 300 $ en 2017) et le MSGA (63 000 $ en dollars de 2017).
Le Tableau 1 présente, pour l’employé seulement, l’augmentation de cotisation au cours des prochaines années en présumant que son salaire dépasse toujours le MSGA. Les cotisations de l’employeur augmenteront du même montant. Dans ce tableau, toutes les sommes sont présentées en dollars de 2017.
Une fois la transition terminée, soit en 2025, ces améliorations nécessiteront des cotisations annuelles supplémentaires d’un maximum de 826 $ (en dollars de 2017) tant pour l’employé que pour l’employeur. Ces montants s’ajouteront aux cotisations déjà établies pour le régime actuel. En 2017, les cotisations maximales sont établies à 2 797 $ pour l’employé de même que pour l’employeur. Toujours en dollars de 2017, les cotisations maximales passeraient donc de 2 797 $ à 3 623 $, une augmentation de 30 %. Cette augmentation maximale de 30 % des coûts permettra toutefois de toucher potentiellement une prestation maximale qui, elle, aura augmenté de 52 % !
Impact sur la pérennité du régime
Le projet de loi prévoit que ce nouveau régime supplémentaire devra être pleinement financé à mesure que les années passeront. Ce financement se fera également de manière distincte du régime actuellement en place. Le régime supplémentaire devra être financé en quelque sorte comme le serait un régime de retraite privé. Cet ajout au RRQ ne devra donc pas avoir comme effet de détériorer la situation financière du régime actuel et ne constituera pas non plus un transfert intergénérationnel. Il s’agit de deux excellentes nouvelles !
Comparaison des coûts des trois volets
Le Tableau 2 présente, pour les trois volets du régime, le coût des prestations pour le salarié. On présume ici que les années de cotisation constituent chacune 1/40 de la prestation maximale à 65 ans. On divise ensuite les cotisations par la prestation pour établir le coût par dollar de prestations. On remarque que le régime de base coûte 8,09 $ de cotisations par dollar de prestation tandis que les deux nouveaux volets coûteront respectivement 4,50 $ et 4,80 $ de cotisations par dollar de prestations. La petite différence entre ces deux derniers montants provient de l’exemption annuelle de 3 500 $ qui s’applique à la cotisation du 1er volet.
Puisque les deux volets supplémentaires doivent essentiellement s’autofinancer, on peut considérer que ces cotisations, 4,50 $ et 4,80 $, représentent le coût réel des prestations du régime. Le coût du régime de base, beaucoup plus élevé, compense le sous-financement passé du régime.
Conclusion
Il est clair que ces ajustements augmenteront les coûts du régime, mais, dans la très grande majorité des cas, ceux-ci ne devraient pas être vus comme une dépense supplémentaire, mais plutôt comme une épargne. Certes une épargne forcée, mais une épargne quand même. Enfin, l’impact le plus important sera probablement d’augmenter la proportion assurée des revenus de retraite des travailleurs québécois, ce qui n’est pas rien !FI