tout d’abord, laissez-moi vous souhaiter une très bonne année 2018, à la hauteur de vos attentes.
Revenons maintenant en arrière de quelques jours… Le 13 décembre dernier, le gouvernement fédéral précisait certaines notions relatives à l’élargissement de l’application de l’impôt sur le revenu fractionné (IRF), ou kiddie tax, en anglais. Voyons ensemble ces précisions.
Tout d’abord, rappelons que cet impôt spécial, que l’on retrouve à l’article 120.4 de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR) est égal au taux d’imposition maximal. Il frappe les contribuables ayant gagné du revenu d’entreprise ou de location généré par une personne ou une entité liée.
Le 18 juillet dernier, lors de l’annonce de son intention de revoir la fiscalité des PME, le ministère fédéral des Finances avait indiqué qu’un critère de raisonnabilité devrait s’appliquer pour qu’un contribuable puisse recevoir des sommes provenant, notamment, de l’exploitation d’une entreprise. Afin de clarifier le tout, des éléments, venant d’être précisés, viendront modifier l’article 120.4 LIR. Examinons-les pour constater comment certaines situations pourraient être plus claires.
Les mots-clés : «montant exclu»
Le principe est simple : lorsqu’une somme fait l’objet d’un fractionnement de revenus, elle sera frappée par l’IRF dans la mesure où elle n’est pas un «montant exclu». Les sommes ainsi «non exclues» seront appelées «revenu fractionné».
Pour ce qui est du fractionnement de revenus, il s’agit d’une entente visant à réduire le revenu d’un particulier ayant un taux d’imposition élevé, maintenant appelé «particulier source», au profit d’un autre particulier lié ayant un taux d’imposition inférieur, appelé «particulier déterminé».
À noter que les nouvelles règles ont trait à du revenu de dividendes et d’intérêt ou du gain en capital. La raisonnabilité du salaire est traitée à l’article 67 LIR qui interdit une déduction non raisonnable.
Reste à savoir comment un montant peut être «exclu»…
Entreprise exclue
Si une entreprise est considérée comme «exclue» des revenus d’un particulier, le montant total reçu de cette entreprise ne sera pas frappé par l’IRF. On veut reconnaître, ici, la contribution d’une personne sous forme de main-d’oeuvre.
Pour réussir à obtenir un revenu d’une «entreprise exclue», une personne doit avoir 18 ans ou plus à la fin de l’année et doit avoir participé «activement de façon régulière, continue et importante» aux activités de l’entreprise :
Soit au cours de l’année où le revenu est reçu ;
Soit au cours de cinq années dans le passé. Ces cinq années n’ont pas besoin d’être consécutives.
La durée, ici, est donc claire. Ce qui l’est moins, c’est le degré de participation. On clarifie l’une des situations possibles en indiquant que si une personne a travaillé pendant au moins 20 heures par semaine, en moyenne, pendant les activités de l’entreprise – même saisonnières -, le critère est respecté.
Sinon, on doit analyser les faits afin de savoir si la participation est suffisante. On dit que «plus un particulier est impliqué dans la gestion et/ou dans les activités courantes de l’entreprise, plus il est probable qu’il sera considéré comme participant dans l’entreprise de façon régulière, continue et importante».
Par exemple, si Jeannot, 23 ans, a travaillé pendant au moins 20 heures par semaine de l’âge de 16 ans à l’âge de 22 ans pour l’entreprise de son père, il est qualifié «à vie» pour recevoir des dividendes, des intérêts ou du gain en capital à la disposition de parts de cette entreprise sans faire l’objet de l’IRF.
Actions exclues
Une autre façon de ne pas être touché du tout par l’IRF est de recevoir des revenus – ou un gain en capital à la suite de la disposition – d’«actions exclues». Sauf en cas de décès, la détention de telles actions ne sera possible que pour les actionnaires âgés de 25 ans ou plus seulement à la fin d’une année.
Pour que des actions se qualifient comme exclues, les critères suivants devront être respectés :
Moins de 90 % du revenu d’entreprise de la société provient de la prestation de services ;
La société n’est pas une société professionnelle (comptable, dentiste, avocat, médecin, vétérinaire, chiropraticien) ;
Le particulier détient 10 % ou plus – en votes et en valeur – des actions du capital-actions de la société ;
Le revenu de la société n’est pas tiré, directement ou indirectement, d’une autre entreprise liée.
Pour le critère des 10 %, exceptionnellement en 2018, il pourra être respecté en fin d’année seulement (et non pas au moment du versement des revenus).
Par exemple, un conjoint détenant 20 % des actions votantes et participantes d’une société par actions pourra recevoir des dividendes sans limites et ne pas être assujetti à l’IRF, même s’il n’est pas impliqué dans l’entreprise si les autres critères sont respectés.
Rendement exonéré
Dans le cas des personnes de moins de 25 ans, si le rendement du capital investi de leur part n’est pas plus élevé que celui du taux prescrit (le plus élevé des quatre taux prescrits dans une année) en vertu du règlement 4301c) du Règlement de l’impôt sur le revenu, le montant de ce rendement sera un montant exclu.
Si le revenu est supérieur au rendement exonéré, l’excédent ne sera pas un montant exclu et fera partie du revenu fractionné.
Par exemple, si Julien, 22 ans, investit 10 000 $ provenant de dividendes versés dans le passé par les actions de la société majoritairement détenue par son père et que le taux prescrit est de 1 % par année, le rendement exonéré sera de 100 $.
Rendement raisonnable
Dans le cas de sommes provenant d’entreprises ou d’actions non exclues et qui ne seront pas considérées comme un rendement exonéré, les montants versés à une personne majeure devront respecter certaines limites pour être considérés comme «raisonnables» et ainsi être exclus du revenu fractionné.
À l’instar du rendement exonéré, si une portion du revenu est considérée non raisonnable, ce sera l’excédent du montant considéré comme raisonnable qui sera assujetti à l’IRF, et non le montant total.
Pour les personnes de moins de 25 ans, ce «rendement raisonnable» sera calculé uniquement sur le «capital indépendant» contribué par la personne, contrairement au rendement exonéré qui pourra être calculé sur d’autres types de contribution, par exemple sous forme de prêt.
Le «capital indépendant» d’un particulier ne doit pas avoir été :
acquis par le particulier en tant que revenu ou provenir de gain tiré de la disposition d’un autre bien lorsque le revenu ou le gain provient, directement ou indirectement, d’une entreprise liée au particulier (contrairement à l’exemple sur le rendement exonéré ci-dessus) ;
emprunté ;
transféré au particulier, par une personne qui lui est liée, autrement qu’en raison du décès d’une autre personne.
Pour calculer le rendement raisonnable des personnes de 18 à 24 ans, les mêmes critères que ceux qui sont applicables aux personnes de 25 ans et plus seront pris en compte, la différence se situant au niveau du type de contribution. Ces critères sont les suivants :
Le travail qu’elles ont effectué à l’appui de l’entreprise liée ;
Les biens qu’elles ont contribués, directement ou indirectement, à l’appui de l’entreprise liée ;
Les risques qu’elles ont assumés relativement à l’entreprise liée ;
Le total des montants qui ont été payés ou sont devenus payables (salaire, dividendes ou autres), directement ou indirectement, par une personne ou une société de personnes à l’une d’elles ou à leur profit, relativement à l’entreprise liée ;
Tout autre facteur pertinent.
Par exemple, si Paule, 53 ans, conjointe de Paul, a mis sa résidence principale en garantie pour un prêt octroyé à Paul pour l’exploitation d’une entreprise, elle pourrait recevoir des dividendes de la société de Paul sans IRF même si le critère de 10 % (en votes et en valeur) n’est pas respecté à cause du niveau de risque assumé par celle-ci.
On comprendra que cette dernière série de critères ouvre la porte à des interprétations différentes de la part des autorités fiscales et des contribuables. Les tribunaux devront trancher.
En résumé, les revenus reçus d’entreprises exclues, sur les actions exclues ainsi que les rendements exonérés et raisonnables versés seront ainsi considérés comme des «montants exclus» du revenu fractionné aux fins de l’application de l’IRF. Ainsi, seuls les montants qui ne seront pas considérés comme «exclus» pourront faire l’objet d’une imposition particulière en vertu du nouvel article 120.4 LIR.
À noter qu’un bien acquis à la suite du décès d’une autre personne et qui générait des «montants exclus» au défunt continuera de générer de tels montants à une personne majeure, même âgée de moins de 25 ans.
Autre point important : une personne de 65 ans ou plus pourra fractionner ses «montants exclus» avec son conjoint, même âgé de moins de 65 ans, sans craindre de voir s’appliquer l’IRF.
En conclusion, on voit que le gouvernement a fait un effort afin d’augmenter l’équité des mesures et de préciser la raisonnabilité des montants transférés d’une personne en affaires à des membres de sa famille. Cependant, comme on pouvait le prévoir, plusieurs situations sont encore nébuleuses. Il reste maintenant à ceux qui voudront «étirer l’élastique» à faire avancer la cause…
* Directeur, planification financière et fiscale, Centre financier SFL, Cité de Montcalm