Les conseillers en services financiers ont un rôle important à jouer en aidant les Canadiens fortunés à établir et à mettre en oeuvre des stratégies de dons de bienfaisance. Ces clients attribuent une plus grande importance à la philanthropie en tant que question financière que ceux qui ont des niveaux d’actifs à investir moindres, selon une récente recherche effectuée par Credo Consulting, de Mississauga, en Ontario.
«Il existe une forte corrélation positive entre les actifs à investir et l’importance accordée au dond de bienfaisance», affirme Hugh Murphy, directeur général chez Credo.
Lorsqu’on leur a demandé d’évaluer l’importance du don de bienfaisance en tant que question financière sur une échelle de 1 à 10, la note de 10 représentant la plus grande importance, les participants au sondage ayant un actif à investir de 1 M$ ou plus ont donné une note moyenne de 5,34, alors que les participants ayant un actif à investir de 500 000 $ à 1 M$ ont donné une note moyenne de 5,21. En comparaison, les participants au sondage ayant un actif à investir inférieur à 500 000 $ ont donné une note moyenne de 4,78.
Ces résultats proviennent de l’étude sur la Zone de confort financier, un sondage pancanadien en cours effectué par Credo en partenariat avec le Groupe Finance de TC Media, de Montréal, qui publie Finance et Investissement.
Il est vrai qu’il y a des clients qui sont prédisposés à faire des dons de bienfaisance et d’autres qui ne le sont pas – et ce, indépendamment du montant d’actif qu’ils ont à investir, dit Brad Smith, conseiller senior en gestion de patrimoine chez IPC Securities, à Kitchener, en Ontario : «Ce n’est pas tout le monde qui est charitable de façon naturelle. C’est une expérience ; il faut en quelque sorte explorer et voir où votre client se situe.»
Cependant, diverses raisons font que les personnes fortunées peuvent être davantage attirées par la philanthropie que les clients ayant moins d’actif à investir, dit Craig Hughes, directeur, planification financière avancée, chez Groupe Investors, à Winnipeg.
D’une part, ayant bien réussi dans la vie sur le plan financier – et bénéficié en cours de route de l’appui de leur famille, leurs amis, leurs voisins et leurs collègues – les clients fortunés peuvent considérer qu’ils ont un devoir, ainsi que les moyens, «d’aider la collectivité qui d’une certaine manière les a aidés au cours de leur vie», dit Craig Hughes.
Faire perdurer leurs valeurs
D’autre part, les clients fortunés peuvent aussi s’intéresser au don de bienfaisance comme à une manière de cimenter un héritage – peut-être par un don à un hôpital ou une école. Selon Craig Hughes, «Ces [clients] disent [souvent] : « J’ai été un membre éminent de la société ou de la collectivité, et je veux que mon nom perdure après mon décès. »»
Le don de bienfaisance peut également être un moyen pour les clients fortunés de montrer leurs valeurs et leurs croyances personnelles et de les transmettre à la génération suivante, dit Tony Maiorino, vice-président et directeur, chef des services de gestion de patrimoine, chez Banque Royale du Canada, à Toronto.
En fait, les clients fortunés qui mettent sur pied une fondation de bienfaisance et qui font participer leurs enfants à sa gestion offrent à leurs descendants une précieuse expérience en gestion d’affaires financières, dit Tony Maiorino : «Nous voyons un certain nombre de familles fortunées dans lesquelles le compte de la fondation [de bienfaisance] constitue la première incursion de l’enfant dans la gestion d’une partie du patrimoine familial.»
Bien sûr, le don de bienfaisance fait partie intégrante de nombreuses stratégies de planification fiscale et successorale, particulièrement intéressantes pour les clients plus riches. Souvent, les clients fortunés pensent au départ à la philanthropie comme un moyen de réduire leurs impôts, mais ils éprouvent très vite davantage de satisfaction à long terme dans l’impression de changer les choses dans le monde grâce à leur don de bienfaisance.
«Pour beaucoup de familles, dit Tony Maiorino, [le don de bienfaisance] commence en étant motivé par les avantages fiscaux et se termine par la joie de l’action philanthropique.»
Nourrir la relation professionnelle
Ainsi, les conseillers qui guident et conseillent leurs clients en matière de don de bienfaisance se placent en position de bâtir des relations plus profondes et plus durables avec leurs clients fortunés.
«Vous accédez vraiment au coeur de l’identité d’une personne et de ses expériences de la vie, et ceci, en soi – en y allant étape par étape avec le client [sur le plan de ses valeurs] – va bâtir la confiance», dit Craig Hughes.
Sara Gilbert, fondatrice de Strategist(e) Développement des affaires, ajoute : «Avoir un but est un besoin humain fondamental. [Les discussions sur] le don de bienfaisance mènent à la question « Où voulez-vous changer les choses ? » C’est là où les conseillers ont avec les clients des conversations totalement différentes de celles qui portent sur les portefeuilles de placements.»
Craig Hughes dit qu’il adopte une approche proactive pour parler du sujet du don de bienfaisance avec ses clients. Il l’aborde avec eux au cours du processus de planification financière de sa firme.
Si un client a plus que suffisamment d’argent pour les besoins de sa famille, il y a là une occasion de parler de don de bienfaisance, dit Craig Hughes, non seulement en termes de planification fiscale et successorale, mais en partie pour aider le client à affirmer ses valeurs.
«Le don monétaire à un organisme caritatif offre un énorme rendement de l’investissement [pour le client] et ce rendement ne peut pas s’évaluer en dollars», dit Craig Hughes.
Aux clients qui n’ont pas pensé au don de bienfaisance auparavant, Craig Hughes suggère de commencer par faire des dons modestes. Il fait ensuite un suivi quelques mois plus tard pour voir comment ils se sentent par rapport au don qu’ils ont fait et vérifier s’ils pourraient vouloir faire davantage.
«Chacun se situe quelque part sur l’échelle [du don de bienfaisance], dit Craig Hughes. [À titre de conseiller], vous devez trouver où. C’est malgré tout une conversation importante parce tout le monde veut finir sa vie de façon positive. La plupart des gens ne savent simplement pas comment.»
L’étude en ligne sur la Zone de confort financier a sondé jusqu’ici 34 500 Canadiens. Le sondage vise à explorer les relations entre le conseil financier, le bien-être financier et la satisfaction globale de la vie dans la société canadienne. Les Canadiens sont sondés tous les mois, et le nombre de personnes sondées augmentera chaque mois.
L’étude de Credo Consulting présente des tendances quant au profil des clients les plus enclins à effectuer un don de bienfaisance. En voici quelques-unes.
Les femmes accordent une plus grande importance aux dons de bienfaisance que les hommes, note Credo : «En tout, 53 % de toutes les personnes qui considèrent que les dons de bienfaisance ont une grande importance étaient des femmes.»
Les Québécois accordent une importance plus grande aux dons que les Ontariens ou les répondants résidant dans d’autres régions du pays. Il est intriguant que les Québécois soient cependant moins enclins que les autres à être d’accord avec l’affirmation «Je devrais donner davantage aux organismes de bienfaisance», d’après Credo. «Il y a deux interprétations potentielles : ils donnent déjà à des oeuvres de bienfaisance et ne se sentent donc pas obligés de donner davantage, ou il existe une certaine dissonance cognitive entre l’importance de la question en termes financiers et leur responsabilité personnelle. Notre enquête ne recueille pas d’informations sur les montants versés à des oeuvres caritatives. Il n’y a donc aucun moyen de comparer sur cette base.»
Les clients qui accordent le plus d’importance aux dons de bienfaisance sont ceux de la tranche d’âge des 65 ans et plus, suivie de celle des 18 à 24 ans. «Ces données racontent une histoire intéressante sur les stades de vie d’un individu. Lorsque vous êtes plus jeune, vous êtes plus susceptible de considérer les dons de bienfaisance comme importants. À mesure que vous vieillissez et que vos responsabilités changent, les dons caritatifs deviennent moins importants jusqu’à ce que vous approchiez de la retraite ou du décès, moment où cela devient un élément beaucoup plus important», note Credo.
Les répondants qui ont obtenu un diplôme universitaire estiment qu’ils devraient donner davantage à des organismes de bienfaisance, en moyenne, que leurs homologues moins éduqués. Les premiers accordent également une importance plus grande aux dons caritatifs que les seconds, d’après l’étude.