Au Canada, les femmes éprouvent légèrement plus de crainte que les hommes quant à la perspective de survivre à leurs économies, et ce, quel que soit leur niveau de richesse ou de revenu, selon une récente recherche réalisée par Credo Consulting, de Mississauga, en Ontario. Ceci représente pour les conseillers en services financiers une occasion de nouer le dialogue avec les femmes afin de les aider à planifier leurs dernières années de retraite.
Les résultats de cette récente recherche sont tirés de l’étude en cours sur la Zone de confort financier, un sondage pancanadien mené par Credo auprès des consommateurs en partenariat avec le Groupe Finance de TC Media, de Montréal, qui publie Finance et Investissement.
Dans le cadre de l’étude, quand on a demandé aux Canadiens sondés s’ils étaient d’accord avec l’énoncé «J’ai peur de survivre à mes économies», les femmes ont enregistré une note moyenne de 4,7 sur 10. Par contre, les hommes ont enregistré une note moyenne de 4,5 pour le même énoncé.
Lorsque les résultats ont été regroupés en fonction du niveau d’actifs à investir des participants du sondage, l’écart hommes-femmes s’est maintenu. Ainsi, les femmes qui possédaient plus de 500 000 $ d’actifs à investir ont accordé une note moyenne de 3,7 à l’énoncé, alors que les hommes qui détenaient le même niveau d’actifs à investir ont accordé au même énoncé une note moyenne de 3,6.
De la même façon, l’écart hommes-femmes est resté constant à des niveaux de revenus faibles, moyens et élevés. Les femmes situées dans la fourchette de revenus élevés ont accordé à l’énoncé une note de 4,4, alors que les hommes dans la même fourchette ont donné à l’énoncé une note moyenne de 4,1.
On peut attribuer la plus grande inquiétude des femmes quant à la perspective de survivre à leurs économies au fait qu’elles sont conscientes d’avoir une plus grande longévité que les hommes, dit Carol Bezaire, vice-présidente principale, planification fiscale et successorale, chez Placements Mackenzie, à Toronto.
L’espérance de vie des Canadiennes de 45 ans est de 92 ans, alors qu’elle est de 89 ans pour les Canadiens du même âge, selon les Normes d’hypothèses de projection de l’Institut québécois de planification financière. Toutefois, les femmes de 45 ans ont une chance sur quatre d’être encore en vie à 96 ans par rapport à 94 ans pour les hommes du même âge.
De plus, il est davantage probable que les femmes survivront à leur conjoint. En effet, on comptait environ 1,5 million de veuves par rapport à 390 000 veufs en 2017, au Canada. Ceci représente pour les femmes un risque possible de financement de retraite.
«L’accumulation de richesse et la planification à l’avance deviennent même plus importantes [pour les couples], dit Carol Bezaire, mais [les femmes] ne font pas nécessairement attention [à la planification financière] jusqu’à ce que quelque chose de grave arrive à une voisine, dont le mari décède prématurément et de façon inattendue.»
On peut également expliquer la crainte des femmes de survivre à leurs économies par d’autres facteurs, dont les impacts de l’instabilité de l’emploi et même l’écart salarial entre les hommes et les femmes au cours d’une vie. Ces deux facteurs peuvent contribuer à ce que les femmes n’aient plus assez d’économies dans leurs dernières années, dit Sara Gilbert, conférencière et fondatrice de Développement des affaires Strategist(e).
«Les femmes vivent vraiment plus longtemps que les hommes, dit-elle, et souvent, elles ne font pas autant d’argent que les hommes. Alors, mettez tout ceci ensemble et nous avons [des raisons pour éprouver] les [plus grandes] craintes.»
Une autre question peut être la tendance des femmes, en général, à être plus conservatrices que les hommes en matière d’investissement, suggère Carol Bezaire.
En effet, selon l’étude de Credo, les femmes ont laissé entendre qu’elles avaient moins confiance en elles au moment d’investir et avaient une plus grande aversion au risque que les hommes.
Par exemple, parmi les Canadiens sondés, quand on leur a demandé si elles étaient d’accord avec l’énoncé : «Je fais des investissements seulement quand j’ai la garantie de ne pas perdre d’argent», les femmes ont enregistré une note moyenne de 5,8 sur 10. Par contre, les hommes ont enregistré la note moyenne de 5,3 pour le même énoncé.
«Les portefeuilles des femmes peuvent ne pas croître aussi vite [qu’ils le pourraient avec une approche mieux équilibrée]», dit Carol Bezaire.
Un autre facteur qui contribue à la crainte des femmes de survivre à leurs économies, c’est qu’elles sont plus susceptibles d’être les aidantes naturelles des membres plus âgés de la famille, dit Sara Gilbert. Cela signifie non seulement que les femmes peuvent avoir moins de temps à consacrer à des questions comme la planification financière, mais aussi qu’elles ont une meilleure idée des conséquences du manque d’argent dans les dernières années de la vie.
«[Les femmes] voient ce qui se passe dans les soins aux personnes âgées et la maladie qui est liée au vieillissement, dit Sara Gilbert. Elles ne veulent pas être un fardeau pour leurs familles.»
Mieux aider les clientes
Ainsi, les conseillers pourraient encore mieux aider leurs clients – les femmes en particulier – à avoir une meilleure compréhension de leur portrait financier complet de façon à dissiper leur anxiété concernant le risque de longévité.
«Il est vraiment important que lorsque les conseillers étudient les planifications [financières] de leurs clients, ils fassent participer les deux conjoints à la discussion», affirme Jean Salvadore, directrice générale, Assurance de patrimoine, chez RBC Assurances, à Toronto.
Marie Phillips, conseillère chez IPC Valeurs mobilières, à Ancaster, en Ontario, ajoute : «Si vous avez un client et qu’habituellement, sa conjointe ne vient pas avec lui, convainquez-la de venir ou emmenez-la prendre un café».
Marie Phillips affirme que, selon son expérience, les clientes ont tendance à réagir plus favorablement quand la discussion tourne autour du plus large portrait d’une planification financière – «Quels sont les résultats ? Quel sera l’impact de tout ceci sur ma famille ?» – plutôt que quand la conversation se perd dans les détails des relevés et des rendements.
«Cela veut dire moins de graphiques et de langage technique et plus d’accent sur les objectifs et la façon dont nous allons les atteindre», dit-elle.
Carol Bezaire ajoute : «Les femmes cherchent des conseillers en services financiers en qui elles ont confiance, alors elles cherchent davantage la relation, tandis que les hommes qui investissent cherchent davantage la performance [d’un portefeuille].»
Collaborer avec les clientes de façon proactive, particulièrement lorsque ce ne sont pas elles qui gèrent les finances de leur famille, signifie que ces clientes ne seront pas désemparées si elles se retrouvent soudainement seules, que ce soit en raison d’un divorce ou d’un veuvage.
«Vous ne voulez pas tout à coup avoir à déterminer où vous en êtes [financièrement], quelles sont vos dettes et d’où viennent vos revenus alors que vous êtes en plein processus de deuil», dit Marie Phillips.
Les conseillers capables de nouer le dialogue avec leurs clientes et de leur montrer comment elles peuvent atteindre leurs objectifs financiers se positionnent pour stimuler leurs modèles d’affaires à long terme, selon Sara Gilbert.
«Les femmes ont souvent un double héritage, car elles héritent de leurs parents et de leur conjoint, remarque-t-elle. Il y a là beaucoup d’actifs mais, avant tout, vous devez comprendre [votre cliente].»
L’étude en ligne sur la Zone de confort financier a sondé jusqu’ici 30 000 Canadiens. Le sondage vise à explorer les relations entre le conseil financier, le bien-être financier et la satisfaction globale de la vie dans la société canadienne. Les Canadiens sont sondés tous les mois, et le nombre de personnes sondées augmentera chaque mois.