Cet exercice ne doit pas être pris à la légère, car il peut nuire de manière importante à certains membres de l’industrie financière. Cela peut indirectement réduire la concurrence et faire du tort aux investisseurs.
Comme dans tout changement réglementaire, les ACVM doivent effectuer une fine analyse des coûts et des bénéfices qui s’appliqueront à toutes les parties prenantes. Elles doivent également mettre en place des mesures afin de répondre aux difficultés que rencontreront les membres de l’industrie les plus touchés négativement par une réforme. Et plus spécialement, elles doivent tenir compte des particularités du modèle d’encadrement du Québec, notamment ses avantages en matière de multidisciplinarité.
L’équipe de F in an c e et Investissement n’a pas encore pris position sur la meilleure stratégie à adopter par les ACVM, mais ce qui est mentionné précédemment constitue des principes sur lesquels elles devraient fonder leurs actions.
D’abord, rappelons certains objectifs de la consultation des ACVM. Celles-ci cherchent à améliorer le cadre réglementaire de l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM) et de l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (ACFM). Elles visent notamment à ce que ce cadre réduise au minimum les redondances n’apportant aucune valeur sur le plan réglementaire et les possibilités d’arbitrage réglementaire. Ce cadre devrait protéger les investisseurs et leur offrir un accès homogène à des produits et à des services similaires, et laisser place à l’innovation.
En lisant de nombreux mémoires soumis aux ACVM dans le cadre de cette consultation, on se rend compte que les différentes parties prenantes font de nombreuses mises en garde aux ACVM. Les articles «Vers une fusion des OAR ?»et «Craintes et occasion ratée», à lire en pages 1 et 6 du présent journal, en évoquent un bon nombre.
Permettez-nous de mettre l’accent sur certains éléments et mises en garde.
D’abord, il semble clair que les courtiers qui sont membres à la fois de l’ACFM et de l’OCRCVM bénéficieraient d’une fusion des deux organismes. Une diminution des coûts administratifs (ressources humaines, structure administrative, etc.) attribuable à la rationalisation issue de la fusion a de bonnes chances de réduire les coûts de certaines firmes.
Toutefois, il y aura des perdants dans la transition et la fusion.
On peut penser aux sociétés qui sont uniquement membres des ACFM, aux acteurs régionaux ou aux firmes dont la taille est inférieure à celle des grands groupes qui sont membres des deux régulateurs. Ces firmes, qui jugent parfois que le rythme de réformes réglementaires est difficile à suivre et coûteux, devront investir d’autres ressources afin d’adapter leur cadre réglementaire à celui du nouvel OAR. Ces coûts risquent de provoquer une autre vague de consolidation, comme ç’a été souvent le cas par le passé lors d’importantes perturbations du cadre réglementaire. Les firmes de petite ou moyenne taille pourraient également voir leurs coûts d’adhésion à l’OAR augmenter.
De plus, la consultation des ACVM passe sous silence la possibilité pour les représentants encadrés par l’ACFM de partager des commissions avec leur société par actions personnelle, chose qui n’est pas permise par l’OCRCVM. Les représentants perdront-ils un avantage fiscal important ? Les ACVM devront se pencher sur cette question délicate.
Une autre préoccupation, cette fois spécifique au Québec, concerne la conséquence de créer un nouvel OAR pour le régime réglementaire de la province. Cela forcera l’Autorité des marchés financiers (AMF) à faire un choix:reconnaître ou non le nouvel OAR, sachant qu’elle délègue déjà des pouvoirs à l’OCRCVM. Tout un dilemme.
La décision de l’AMF aura des conséquences sur son inf luence auprès du nouvel OAR ainsi que sur l’influence du consommateur québécois de produits et services f inanciers et de l’indust r ie québécoise auprès de cet OAR. Quel sera l’effet sur la Chambre de la sécurité financière que le Parlement du Québec a choisi de conserver en 2018 ? La position de l’AMF et des ACVM à ce chapitre doit être clarifiée et précisée en toute transparence.
Le Québec et son industrie financière risquent d’être parmi les perdants de la création d’un nouvel OAR pancanadien, selon certains acteurs québécois de ce secteur. Ceux-ci expriment une crainte légitime qui mérite d’être dissipée.
Loin de nous l’idée de favoriser l’immobilisme réglementaire et le statu quo à tout prix. Toutefois, nous reconnaissons les risques d’un regroupement d’OAR bâclé, d’où notre appel à la prudence. Les ACVM doivent réellement considérer les avis des perdants et des gagnants dans une décision aussi importante. En ces temps difficiles, faire preuve d’empathie et d’équité envers toutes les parties prenantes, y compris les consommateurs, devrait être encore plus une seconde nature pour les ACVM.
L’équipe de Finance et Investissement