En quoi consisteront-ils ? Quelques leaders de l’industrie financière à qui nous avons posé la question nous ont donné leur avis sur les défis que les conseillers devront relever dans les prochaines années. En quoi consisteront-ils? Quelques leaders de l’industrie financière à qui nous avons posé la question nous ont donné leur avis.
Le vieillissement de la population crée des défis et des occasions sur différents plans. «On doit demeurer productif et profitable dans une industrie qui s’aligne plus vers le décaissement, à cause de la démographie», indique Denis Gauthier, premier vice-président et directeur national, Financière Banque Nationale, Gestion de patrimoine.
L’accroissement du nombre de clients en phase de décaissement changera la teneur des conversations. «Nous avons basé notre business sur le fait d’amener un client à la retraite. Là, notre approche sera: “Je vais te faire vivre une belle retraite. Ça va être agréable, compréhensif, ça va être efficient sur le plan fiscal et géré en fonction de tes besoins de décaissement.”»L’industrie devra donc valoriser ce genre de conseils.
Ensuite, bon nombre de conseillers prendront eux-mêmes leur retraite et passeront le flambeau à la génération suivante de représentants. Les sociétés de courtage devront continuer de les épauler afin que la transition se fasse du mieux possible, selon Robert Frances, président et chef de la direction du Groupe financier PEAK. Selon lui, la culture du conseil indépendant qui prime sur la vente de produits devra être transmise à la relève.
Les nouveaux conseillers risquent de trouver l’entrée en carrière de plus en plus difficile, entre autres en raison des changements réglementaires, selon Gino-Sébastian Savard, président de MICA Cabinets de services financiers. Depuis juin 2022, les nouvelles ventes de fonds d’investissement ne peuvent plus se faire selon la formule des frais d’acquisition reportés. Les autorités réglementaires prévoient aussi abolir ces frais dans le secteur des fonds distincts dès juin prochain, en plus de remettre en question les séries de fonds distincts à rétrofacturation. «Avec toutes les formes de commissionnement qui disparaissent, transmettre son cabinet est un grand défi de nos jours», dit Gino-Sébastian Savard.
Ces contraintes réglementaires devraient pousser les conseillers à être plus productifs, selon Denis Ricard, président et chef de la direction d’iA Groupe financier, à la fois sur le plan de la prospection et sur celui de la gestion de la clientèle:«Les conseillers ont intérêt à s’organiser pour augmenter leur productivité, dans un environnement qui devient un peu plus difficile.»
L’accroissement de la productivité passe entre autres par la création d’une équipe autour d’un conseiller, à l’instar d’un conseiller du réseau carrière au Québec d’iA qu’il juge très performant, illustre Denis Ricard. «Il s’est constitué une équipe multidisciplinaire, ce qui fait qu’il ne s’occupe pas de la paperasse ni de gérer son agenda. Il est donc plus productif et passe sa journée devant les clients.»
Utiliser judicieusement la technologie peut accroître la productivité des conseillers, ont souligné certains leaders qu’a interrogés l’équipe de journalistes ayant contribué au cahier rédactionnel, soit Yan Barcelo, Richard Cloutier, Jean Décary, Carole Le Hirez, Sylvie Lemieux et Guillaume Poulin-Goyer.
«Il faut aujourd’hui tout automatiser et il y a des changements à venir du côté des régulateurs, observe Robert Frances. Pour nos conseillers, cela représentera des changements auxquels ils devront une fois de plus s’adapter.»
Les gains de productivité découlant des technologies permettront aux conseillers de servir davantage de clients, estime Gino-Sébastian Savard.
La nécessité de créer des équipes autour des conseillers pour que ceux-ci soient plus productifs entraîne des défis sur le plan de la gestion des ressources humaines, selon Denis Gauthier: «Ce n’est plus rare de voir une équipe d’une dizaine de personnes, soit trois conseillers en placement [CP], un planificateur financier et quatre adjointes. Nous disons à nos CP qu’ils sont devenus des chefs de PME, et que ça vient avec des bénéfices et son lot de défis.» Les sociétés de courtage devront épauler les conseillers sur ce plan, notamment en leur précisant quelles sont les meilleures pratiques d’affaires.
Éducation et bienveillance
Plus que jamais, les conseillers devront éduquer leurs clients et les aider à rester vigilants par rapport à certains types d’actifs, comme les cryptoactifs. «Quand ta coiffeuse te parle des “cryptos ”, c’est que quelque chose ne marche pas, dit Gino-Sébastian Savard. Les conseillers vont se faire interroger et remettre en question par leurs clients et ils devront être bien informés pour garder la tête froide et maintenir leurs clients les deux pieds sur terre. On parle des actifs de retraite des gens; il ne faut pas jouer avec ça.»
Jean-Philippe Lemay, qui était président mondial et chef de la direction de Fiera Capital jusqu’au 23 janvier, croit que les conseillers devront être très attentifs aux besoins de leurs clients afin de les aider à faire face au nouvel environnement économique marqué par un contexte inflationniste qui pourrait durer et par l’urgence climatique. «Il s’agira de leur offrir des solutions plus que de leur vendre un produit pour qu’ils puissent atteindre leurs objectifs, que ce soit de conserver leur pouvoir d’achat, préserver leur capital ou compter sur une croissance élevée à long terme, dit-il. Ils ont de plus le défi de bien faire comprendre les risques mais aussi les très grands bénéfices d’investir dans des domaines nouveaux, comme l’agriculture durable.»
«Leur rôle est d’éduquer les investisseurs afin de leur faire connaître les outils qui sont à leur disposition pour mettre en place des stratégies d’investissement qui rejoignent leurs attentes», poursuit-il.
Le ralentissement économique anticipé risque d’accroître l’anxiété des clients, qui est déjà élevée, juge Guy Cormier, président et chef de la direction du Mouvement Desjardins. Ainsi, les conseillers devront faire preuve de bienveillance envers les clients et être proactifs pour aller au-devant de leurs attentes et de leurs besoins, estime-t-il.
De plus, les jeunes clients qui ont commencé à investir au cours des années où les rendements étaient en hausse sont susceptibles d’avoir besoin des services d’un conseiller pour les rassurer face au changement de paradigme et les aider à bâtir un plan financier, d’après Guy Cormier.
La volatilité des marchés constituera un grand défi pour les conseillers, selon Mélissa Gilbert, vice-présidente exécutive et leader, vice-présidente exécutive et leader, Affaires financières chez Beneva. «L’économie est certainement un enjeu, on parle de récession, il y a l’inflation, la hausse des taux d’intérêt, donc ça amène beaucoup d’instabilité. Les gens ne savent pas trop comment gérer leur portefeuille.»
L’investissement selon les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) pose une autre difficulté, dit-elle. «On constate un plus grand souci à cet égard et c’est pourquoi nous avons commencé à lancer des portefeuilles ESG. Toutefois, on le sait, il n’y a pas encore de réglementation et d’encadrement uniformes et standards, ce qui amène certaines firmes à créer leur propre reddition de comptes ESG. Alors, même s’il y a des institutions qui viennent régir cela, ça peut être très marketing et cela devient un défi pour les conseillers qui désirent accompagner les clients à cet égard.»