Même si des solutions existent, encore faut-il avoir les moyens de les appliquer et le soutien pour y parvenir.
Les plus récents sondages menés à l’occasion du Pointage des courtiers québécois montrent bien les différents effets de la situation de plein emploi vécue au Québec. Voici quelques exemples.
Beaucoup de conseillers ont la chance de travailler avec un adjoint administratif ou une adjointe administrative. Ceux-ci sont souvent indispensables à la productivité d’un conseiller, surtout s’ils détiennent un permis pour exécuter certaines opérations. L’inflation, combinée à la pénurie d’emploi, a naturellement poussé à la hausse leur rémunération chez bon nombre de courtiers. Pour les conseillers qui assument en partie ou en totalité les coûts d’embauche d’un adjoint, cette situation a accru la pression sur leur structure de coûts.
De plus, comme on peut le lire dans le dossier du présent numéro, la pénurie de personnel s’est fait sentir dans bon nombre de services offerts aux conseillers par leur courtier. Elle a notamment nui à la qualité et à la rapidité du service en provenance des activités de soutien informatique au conseiller et au client, du soutien pour les fonctions administratives de back office et du soutien en provenance d’experts-conseils en développement des affaires ou en meilleures pratiques d’affaires.
Les équipes de planificateurs financiers, fiscalistes et experts en planification successorale, normalement vouées aux conseillers, se sont également retrouvées par moments débordées chez certains courtiers. C’est sans compter le fait que des conseillers n’ont parfois pas eu accès à un spécialiste en assurance de personnes à l’interne chez leur courtier pour répondre façons à certains besoins de protection de leur client, ces spécialistes étant surchargés et forcés de se concentrer sur les dossiers les plus importants.
Un conseiller répondant au Pointage des courtiers québécois 2023 évoque même l’hypothèse de la pénurie de main-d’oeuvre dans le secteur du financement bancaire pour expliquer l’absence de suivi de banquiers qui devaient analyser le dossier de crédit d’un client qu’il avait recommandé.
Cette pénurie mine bien entendu la qualité de l’expérience client qu’un représentant peut offrir, laquelle risque d’être touchée par les failles ou les erreurs en provenance d’autres services. Elle peut également nuire à la croissance d’un conseiller ou d’un courtier, car certaines occasions d’affaires s’en trouvent perdues.
Difficile de savoir quand cette pénurie devrait se résorber, car elle découle d’une multitude de facteurs structurels et conjoncturels qui vont bien au-delà du vieillissement de la population ou de la pandémie. Combien de travailleuses ont été forcées de quitter leur emploi faute de place en service de garde pour leurs enfants ? Combien de proches aidants d’une personne vieillissante ou malade ont tourné le dos à certaines occasions de travailler ? Combien de travailleurs ont dû prendre une pause en raison de maladies physiques ou mentales découlant de problèmes personnels, professionnels ou familiaux ? La liste de situations qui ajoutent de la pression sur le marché du travail est bien sûr infiniment plus longue et il n’est pas ici question de nous substituer à un économiste, démographe ou sociologue pour la détailler.
Dans toute difficulté résident toutefois des occasions et l’industrie financière devrait travailler de concert avec les conseillers afin de composer avec cette pénurie.
Manifestement, on devrait envisager toutes les mesures qui visent le bien-être et la productivité du personnel, comme maintenir à l’emploi des travailleurs qualifiés, mais qui souhaitent diminuer la cadence pour diverses raisons. C’est aussi une occasion pour l’industrie d’embaucher des talents issus de communautés sous-représentées dans le secteur financier, comme les minorités ethniques et les groupes racisés.
L’industrie devrait aussi « penser à l’extérieur de la boîte », comme on dit, et évaluer d’autres options.
Parmi celles-ci, les conseillers et les courtiers devraient favoriser les modèles d’affaires qui rendent les conseillers les plus productifs, dont les possibilités qu’offre la gestion discrétionnaire.
Ils devraient également passer en revue l’ensemble des technologies financières offertes sur le marché qui pourraient accroître leur productivité et celle de leur personnel. Il en existe une foule et certaines sont parfois sous-utilisées dans l’industrie.
Un bon exemple est celui qu’a donné lason Pereira, associé et gestionnaire de portefeuille à Woodgate Financial, une organisation liée à IPC Valeurs mobilières, à Toronto, à l’occasion d’Inside ETFs Canada, tenue en octobre dernier. L’intégration de l’outil numérique de prise de rendez-vous Calendly a permis à son adjointe administrative de consacrer 10 % de son temps à la prise de rendez-vous et à la confirmation de ceux-ci, alors que ces tâches accaparaient auparavant 60 % de son temps.
« Imaginez le gain de productivité ! J’ai gagné environ la moitié [du temps de travail] d’un être humain, pour un logiciel qui coûte moins de 120 $ par année par personne. Et qui est assez convivial pour que les gens puissent choisir leurs propres rendez-vous », soulignait-il.
Combien d’autres technologies, une fois intégrées sécuritairement chez un courtier, permettraient d’autres gains de productivité ? Possiblement une grande quantité.
Avec leur équipe, les conseillers constituent souvent de petites entreprises qui gagneraient à être accompagnées pour être plus productives et pouvoir, ainsi, composer avec cette pénurie de personnel. L’industrie financière a la responsabilité d’y voir afin d’assurer sa croissance à long terme.