Pour l’industrie financière, et c’est le cas pour toutes les industries, trouver constamment des façons de mieux servir les clients tout en maintenant sa rentabilité doit demeurer une priorité. C’est d’autant plus vrai à la lumière d’une nouvelle étude des Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM), basée sur une série de sondages menés de 2016 à 2019.
Les ACVM ont sondé les investisseurs pour mesurer les effets de la deuxième phase du Modèle de relation client-conseiller (MRCC 2) et du régime d’information au moment de la souscription sur leurs connaissances, leur attitude et leur comportement. L’enquête des ACVM présente certaines facettes de l’industrie du conseil financier qui risquent de motiver le groupe de régulateurs provinciaux à lancer d’autres vagues de réformes. Examinons quelques constats.
D’abord, la proportion de personnes ayant déclaré avoir un plan d’investissement écrit varie de façon importante selon les segments d’investisseurs. En 2019, 61 % des investisseurs servis par un conseiller détenant une autorité discrétionnaire avaient un plan d’investissement écrit. La proportion tombe à 52 % pour les investisseurs dont le compte principal se trouve auprès d’une société de gestion de portefeuille, et à 45 % pour ceux dont le conseiller n’a pas une autorité discrétionnaire.
Bien entendu, certains répondants peuvent avoir oublié l’existence de leur plan écrit. Néanmoins, de telles proportions n’ont pas de quoi rassurer les régulateurs, qui semblent s’attendre à ce que ce plan soit la fondation d’une relation client-conseiller.
L’enquête montre également qu’en 2019 72 % des investisseurs canadiens à qui leur conseiller a parlé des frais au cours des 12 derniers mois se sont fait recommander par celui-ci des changements à leurs placements alors qu’il y en avait d’autres à moindre coût.
On note là aussi un écart important selon les segments de répondants. La proportion est de 81 % chez les investisseurs servis par un conseiller détenant une autorité discrétionnaire, comparativement à 59 % chez ceux qui sont servis par une société de gestion de portefeuille.
Même si le rendement après frais et après impôt devrait être la préoccupation principale du client et de son conseiller, il reste que les ACVM semblent s’attendre à ce que les frais des placements des clients diminuent de manière générale au Canada, surtout lorsqu’il existe des solutions de rechange de placements à moindre coût.
Certaines études concluent d’ailleurs que, en règle générale, l’écart de rendement entre les fonds ayant des frais élevés et ceux ayant de faibles frais découle principalement de cette différence de coût. L’industrie devrait être proactive dans la divulgation des frais et de leurs effets sur les rendements à long terme, afin d’éviter que ses clients ne l’apprennent par d’autres.
D’autant plus qu’en 2019, seulement 51 % des investisseurs sondés par les ACVM ont estimé qu’ils avaient des frais à payer pour l’achat, la possession ou la vente de placements. La même proportion de répondants, soit seulement 51 %, jugeaient que les frais associés à leurs placements avaient un impact sur leur rendement.
«La connaissance des divers types de frais a généralement suivi une courbe ascendante depuis 2016. Toutefois, seuls 42 % des répondants ont dit avoir vu les renseignements sur les frais indirects sur leur relevé annuel en 2019. Bien que ce soit davantage qu’en 2016 (29 %), il n’en demeure pas moins que plus de la moitié n’a pas déclaré y avoir vu de tels renseignements», révèle l’enquête des ACVM.
Par ailleurs, de 2016 à 2019, tant à l’échelle nationale qu’à l’échelle provinciale, les ACVM n’ont constaté qu’une faible hausse du pourcentage d’investisseurs qui, selon leur compréhension du rendement et des frais liés à leur compte, avaient procédé à un changement de l’entente relative aux frais qu’ils ont avec leur firme, ou étaient enclins à le faire. Cette proportion était de 23 % en 2016 et de 25 % en 2019.
Difficile de savoir pourquoi cette proportion a peu évolué. C’est peut-être parce que les investisseurs envisagent de congédier leur conseiller ou leur firme. En 2016, 19 % des investisseurs avaient signalé qu’ils avaient déjà changé de firme ou qu’il était très probable ou plutôt probable qu’ils le fassent. Cette proportion est passée à 23 % en 2019.
Encore une fois, on note de grands écarts selon les segments d’investisseurs. Parmi ceux dont le conseiller a une autorité discrétionnaire, 32 % en 2016 et 33 % en 2019 ont répondu qu’ils avaient déjà changé de firme ou le feraient probablement, indique l’enquête des ACVM. Les proportions chutent à 13 % en 2016 et à 24 % en 2019 chez les investisseurs dont le compte principal se trouve auprès d’une société de gestion de portefeuille.
C’est peut-être aussi parce que la proportion d’investisseurs qui lisent la totalité ou une bonne partie de leurs relevés n’a pas augmenté de 2016 à 2019, passant même de 70 % à 69 %.
Comment les régulateurs interpréteront-ils ces données ? Jugeront-ils que l’industrie en fait assez afin d’amener les clients à prendre conscience des coûts liés à la gestion et à la distribution de produits et services financiers ? Probablement que non. Forceront-ils les conseillers à discuter davantage des rendements obtenus par rapport à l’indice de référence et par rapport aux objectifs financiers de leurs clients ? Peut-être. Exigeront-ils que les discussions et les documents d’information soient encore plus explicites quant aux coûts et à leurs effets sur les rendements ? Possible.
Quoi qu’il en soit, l’industrie financière devrait y voir une occasion d’élever encore son jeu d’un cran. Elle peut s’adjoindre des outils technologiques pour être plus productive afin de miser sur l’une de ses forces : nouer une relation de confiance avec les clients et leur offrir du conseil financier à haute valeur ajoutée.
La pandémie actuelle et la période de confinement ont démontré que les conseillers et les firmes sont résilients. Ils peuvent ajuster rapidement leur modèle d’affaires en utilisant des technologies qui leur permettent d’être plus pertinents et plus productifs. Tout cela est encourageant. L’industrie peut profiter de cet élan pour améliorer l’expérience client… avant que les régulateurs ne songent à la forcer à le faire.
L’équipe de Finance et Investissement