La nouvelle réglementation, qui précise des articles de la Loi visant principalement à améliorer l’encadrement du secteur financier, la protection des dépôts d’argent et le régime de fonctionnement des institutions financières adoptée en juin 2018, spécifie notamment que toute personne morale qui offre un produit ou un service financier par Internet, y compris un assureur, doit être inscrite à titre de cabinet.
Elle établit également que, bien qu’un cabinet soit autorisé à conclure avec un client qui le désire un contrat par Internet sans qu’un représentant intervienne, il a l’obligation de s’assurer qu’un représentant, qui lui est rattaché et est autorisé à agir dans la discipline requise, agit en temps utile auprès du client qui en exprime le besoin.
Notons aussi que le cabinet doit respecter des obligations applicables à un représentant. «Le Règlement impose aux cabinets et aux sociétés autonomes les mêmes obligations que celles imposées aux représentants, permettant ainsi au consommateur d’être protégé peu importe le moyen qu’il utilise pour se procurer un produit ou un service financier», a souligné Frédéric Pérodeau, surintendant de l’assistance aux clientèles et de l’encadrement de la distribution à l’AMF, lors de la publication du Règlement.
Les modifications législatives destinées à encadrer la vente de produits d’assurance par Internet pour les assureurs et les cabinets entreront en vigueur au Québec le 13 juin 2019, soit précisément un an après l’adoption du projet de loi 141.
Le test de la réalité
Jusqu’à l’adoption du projet de loi 141, toute la question de l’encadrement de la vente d’assurance par Internet a suscité des débats enflammés, nourris par certaines craintes liées à la protection du client. Mais depuis, cette question ne fait plus l’objet de grands débats. Il faut dire que la vente d’assurance par Internet avait déjà cours, mais sans encadrement, comme le soulignait Richard Boivin, ancien sous-ministre adjoint au ministère des Finances, dans un entretien avec Finance et Investissement publié en avril 2019. «Il ne faut pas se mettre la tête dans le sable, la technologie est là et se développe rapidement. Est-ce qu’elle va un jour remplacer l’humain ? J’espère que non, mais elle va peut-être l’aider passablement et certainement aider les représentants», disait-il.
Il faut également considérer le fait que certains acteurs de l’industrie perçoivent la vente de produits d’assurance par Internet comme «un bon moyen de rejoindre les jeunes consommateurs et de favoriser la croissance des affaires des conseillers. C’est l’une des grandes voies d’avenir de la profession», comme l’affirmait François Blanchet, vice-président développement des affaires provinciales d’Aurrea Signature, dans notre numéro de décembre 2018.
L’autorisation de la vente par Internet de produits d’assurance de personnes vient répondre notamment à l’évolution des habitudes de consommation. Néanmoins, notre plus récent sondage, dont les résultats se trouvent en pages 20 à 25, montre qu’une majorité de conseillers sont assez indifférents à l’égard de ce mode de distribution. Ils jugent même que celui-ci aura peu d’effet sur leur pratique.
Il est possible que l’engouement pour la vente par Internet soit tempéré par les coûts élevés liés à une éventuelle transformation du modèle d’affaires. Pensons aux coûts engendrés par le développement ou l’adoption d’une technologie robuste qui satisfait aux règles de conformité et de sécurité.
L’Avis relatif à l’application du Règlement sur les modes alternatifs de distribution indique d’ailleurs que le régime de la distribution sans représentant repose sur la transmission d’une information adéquate, précise et complète au client. S’il permet une certaine souplesse dans la façon de présenter l’information, l’Avis spécifie les renseignements sur le produit offert qui doivent être fournis au client, dans une fiche dont le contenu est prescrit par l’AMF.
Le développement du contenu des formulaires est l’un des principaux enjeux des assureurs, selon Jean-François Gagnon, avocat associé et chef de la direction chez Langlois avocats. «Dans la mesure où il n’y a pas d’individu à l’autre bout, il va falloir que le questionnaire soit cohérent et compréhensible afin que les questions posées soient bien comprises par le client, et que la réponse donnée ait une résonance avec les normes de souscription de l’assureur», disait-il dans un entretien avec Les Affaires, à la suite de l’adoption du projet de loi 141.
«Qui aura le courage et la patience de passer des heures sur un site web afin de conclure une transaction ? Selon moi, cette exigence de responsabilité limite énormément le potentiel de vente de produits d’assurance de personnes sur Internet», soutient pour sa part l’ancien vice-président exécutif d’AXA Canada Robert Landry. Celui-ci jugeait «très exigeantes» les demandes du régulateur à l’égard des responsables de sites transactionnels, dans un récent entretien avec Finance et Investissement.
Estimant s’être assurée de bien comprendre les enjeux et les perspectives des intervenants et des consommateurs, l’AMF est d’avis que son Règlement propose un «encadrement robuste, qui protège les consommateurs tout en permettant à l’industrie d’innover», indique Louis Morisset, président-directeur général de l’AMF.
Il faut dire que c’est seulement au moment de la réclamation que nous connaîtrons véritablement la valeur de ce processus. Si l’on s’aperçoit alors que l’assuré n’a pas bien compris les questions, qu’il se sent floué, il faudra intervenir en gardant en tête que l’objectif de tout ce processus est d’assurer la tranquillité d’esprit des consommateurs et d’augmenter l’accessibilité à des produits d’assurance vie.