Tant les courtiers de plein exercice que les cabinets multidisciplinaires distribuent de l’assurance de personnes. Toutefois, pour cet élément commun, la réalité de chaque secteur apparaît bien différente.
C’est ce que montrent les sondages menés à l’occasion du Top des courtiers québécois et du Top des cabinets multidisciplinaires. Pour ceux-ci, les conseillers de chacun des secteurs devaient évaluer la firme avec laquelle ils sont liés par rapport au soutien accordé à l’analyse des besoins en assurances de personnes et à l’exécution de stratégies en la matière.
Leurs commentaires décrivent des réalités distinctes. En résumé, chez les courtiers de plein exercice, la vente d’assurance est un greffon relativement récent qui accuse encore des ratés et pour laquelle les conseillers ne maîtrisent pas tous l’offre de produits d’assurance. Les conseillers en placement travaillent avec d’autres experts en assurance. Du côté des cabinets multidisciplinaires, il s’agit d’un secteur au coeur de la pratique d’une majorité de conseillers, qui maîtrisent l’offre de produits. Les conseillers ont parfois besoin d’outils et du soutien de spécialistes en droit afin de les aider à conclure leur vente.
Deux commentaires tirés des sondages illustrent bien les deux mondes. «Ce n’est pas notre gagne-pain principal», dit un intervenant de RBC Dominion valeurs mobilières, tandis qu’un autre, du Groupe financier PEAK, lance : «Je fais tout ça moi-même».
Certains commentaires recueillis expriment ces réalités : «Il y a beaucoup de demandes et on manque de personnel. Le personnel est débordé. On aurait besoin d’être épaulés», rapporte un conseiller en placement qui fait part d’un certain manque d’appui alors qu’il en aurait bien besoin. Il n’est pas le seul, car une poignée de répondants oeuvrant en plein exercice déplorent le roulement élevé du personnel ou son manque de formation.
Les conseillers en placement sondés ont accordé une note moyenne de 8,1 sur 10 à ce critère d’évaluation, et une importance moyenne de 8,3 sur 10, ce qui témoigne d’une certaine satisfaction à l’égard du soutien en assurance. Or, quelques conseillers déplorent de ne pas avoir les outils nécessaires pour combler les besoins en assurance : «Je n’ai pas l’impression que la firme fait son bout de chemin pour nous présenter les informations. C’est nous qui devons gratter.»
Ce son de cloche est différent de celui des conseillers liés à des cabinets multidisciplinaires, qui ont accordé une note moyenne de 7,9 sur 10 à cet élément et une importance de 8,7 sur 10. «On a beaucoup de formations ; c’est bien», souligne un répondant. «J’ai un très bon soutien», dit un autre. «Ils ont développé des outils et c’est à nous de les utiliser», affirme un autre. Ces bonnes notes ne sont toutefois pas universelles. «Notre cabinet a beaucoup réduit le soutien en assurance», commente un répondant. «On a plus ou moins de soutien. On est pas mal laissés à nous-mêmes pour l’analyse des besoins», lance un autre.
Émergence récente
La vente de produits d’assurance n’a émergé que récemment chez les courtiers de plein exercice, reconnaît Paul Lalonde, président de BMO Services conseils en assurances et planification successorale, à Montréal, et conseiller en sécurité financière chez BMO Nesbitt Burns. Le «courtier», aujourd’hui encore, «demeure un spécialiste du placement qui cherche du rendement», constate-t-il. L’assurance n’est plus une activité marginale, mais chez bon nombre, «ce n’est pas encore un réflexe automatique».
Le virage chez les «courtiers» n’a commencé qu’au début des années 2000. Pendant tout le 20e siècle, les gens appelaient «leur courtier» uniquement pour faire des transactions sur des titres individuels. Vers 2000, rappelle Paul Lalonde, le «courtier» est devenu un «conseiller en placement», un rôle auquel «on greffait les fonds communs, une stratégie de portefeuille plus élaborée avec des éléments de planification de retraite et de patrimoine». Puis, en 2010, le «courtier» est devenu un «gestionnaire de patrimoine» impliqué en retraite, fiscalité, fiducies familiales, etc.
Cependant, ces rôles sont le plus souvent joués par des spécialistes qui gravitent autour du conseiller en placement : fiscaliste, avocat, représentant en assurance de personnes. Dans les grands courtiers comme BMO Nesbitt Burns, c’est toute une équipe qui gravite autour du conseiller en placement. Ce dernier demeure le principal point d’accès des clients, mais selon son analyse des besoins, il fait intervenir un spécialiste de chaque secteur, entre autres l’assurance. Aujourd’hui encore, «le courtier demeure un spécialiste du placement qui cherche du rendement», constate Paul Lalonde. Le réflexe «assurance» s’installe progressivement. «On ne le trouve plus seulement chez une minorité, mais ce n’est pas encore nécessairement le fait d’une majorité», reconnaît-il.
Un secteur plein d’assurance
La réalité est très différente du côté des cabinets multidisciplinaires, selon une démarcation que fait Michel Kirouac, vice-président et directeur général au Groupe Cloutier. De ce côté, on trouve un gros contingent de représentants qui se spécialisent uniquement en produits d’assurance, tandis qu’un autre groupe s’occupe de fonds communs de placement, auxquels se greffent surtout les produits d’assurance individuelle.
«La plupart des conseillers développent une grande connaissance des produits d’assurance individuelle, et on peut dire qu’ils en font une spécialité, ou en deviennent des spécialistes», dit Michel Kirouac. Ils ne sont toutefois pas des experts.
«Il y a au moins 15 assureurs, chacun ayant de 10 à 15 produits différents ; c’est plus de 200 produits à maîtriser, poursuit-il. Pas facile pour quelqu’un qui consacre son temps à plusieurs choses. Alors, la plupart du temps, les conseillers recueillent tous les renseignements pertinents, analysent les besoins, suggèrent une gamme de produits susceptibles de répondre aux besoins et, par la suite, viennent consulter nos experts pour la « touche finale ».»
Il reste qu’un client qui entrera chez un courtier de plein exercice ou dans un cabinet multidisciplinaire se sentira dans des mondes de plus en plus semblables. Car, chez les premiers, dont les principaux appartiennent aux institutions de dépôt, on met les bouchées doubles pour rejoindre l’offre des cabinets, et même la dépasser. «Notre équipe d’assurance ne cesse de croître, affirme Paul Lalonde. J’ai ajouté des spécialistes en assurance, mais aussi augmenté le soutien administratif aux courtiers pour veiller à une bonne vente et à un bon suivi après-vente. Nous avons une équipe dédiée au siège social, consacrée au soutien et au service à la clientèle.»