Les courtiers de plein exercice n’ont pas une approche uniforme lorsqu’il est question de distribuer des produits d’assurance de personnes, selon le Pointage des courtiers québécois de 2020.

Le sondage mené à l’occasion de cette étude révèle que le tiers (34 %) des conseillers en placement peuvent distribuer ces contrats. Toutefois, il y a un écart entre les échantillons de chacune des firmes. Ainsi, 70 % des conseillers sondés de CIBC Wood Gundy (CIBC WG) pouvaient eux-mêmes en distribuer et c’était le cas de 65 % des conseillers de RBC Dominion valeurs mobilières (RBC DVM), comparativement à ceux de la Financière Banque Nationale (FBN) et de Raymond James (RJ), où très peu d’entre eux avaient cette possibilité.

Parmi ceux qui pouvaient en distribuer, en moyenne 3,8 % de leurs revenus bruts provenaient de l’assurance de personnes. Cette proportion s’établissait à 5 % chez CIBC WG, à 4,8 % chez RBC DVM, à 4,6 % chez Industrielle Alliance valeurs mobilières (iAVM), à 2,5 % chez BMO Nesbitt Burns, et à 2 % chez Valeurs mobilières Desjardins (VMD).

Malgré ces écarts, il y a des ressemblances entre les modèles d’affaires. Qu’ils soient eux-mêmes des représentants en assurance de personnes ou non, les conseillers en placement ont généralement accès à des spécialistes ayant ce titre au sein de leur firme afin de les épauler. Ils sont aussi sensibilisés à l’importance d’intégrer l’assurance et les rentes aux stratégies de gestion de patrimoine des clients, même si ce n’est pas leur activité principale.

À l’occasion du Pointage des courtiers, Finance et Investissement a demandé aux conseillers d’évaluer leur courtier par rapport au soutien qu’il leur accorde pour l’analyse des besoins en assurance de personnes et pour l’exécution de stratégies d’assurances de personnes. En moyenne, la note donnée est de 8 sur 10. RJ et RBC DVM ont toutes deux obtenu la note de 9,5 sur 10, soit la plus haute parmi les sept firmes de notre pointage. Les notes les plus faibles à ce critère reviennent à Valeurs mobilières Desjardins (VMD) (5,8) et à la FBN (7,2).

Un conseiller de VMD a déploré le «manque de ressources et d’accompagnement» à ce chapitre, alors qu’un de ses collèges s’est plaint du soutien déficient, notamment sur le plan du référencement.

Quelques conseillers ont indiqué qu’ils servent rarement les clients en matière d’assurance.

C’est là que réside l’un des problèmes du secteur du courtage de plein exercice, selon Richard Rousseau, vice-président du conseil du Groupe gestion privée, Québec, chez RJ. Certains conseillers ont travaillé pendant des années sans se soucier de l’assurance et leur faire changer leurs habitudes reste un défi. Résultat, l’industrie, y compris RJ, a un certain retard à rattraper afin de bien servir ses clients, admet-il.

L’industrie devrait donc, selon lui, accroître la part de ses revenus provenant de l’assurance de personnes. En juin 2017, celle-ci s’élevait à environ 4 % pour les courtiers des six grandes banques et à environ 1,5 % pour les autres courtiers, rapportait Finance et Investissement en 2018, qui citait alors une étude d’Investor Economics.

«Les conseillers qui font plus d’assurance ont de bonnes chances de faire une meilleure job pour leur client, indiquait Richard Rousseau, en avril dernier. [Or,] il n’y a pas assez de conseillers qui le font.» Il convient que davantage de conseillers en placement devraient obtenir le titre de conseiller en sécurité financière.

Chez RJ, on prône ainsi de lier les conseillers avec un spécialiste de l’assurance comme André L’Espérance, conseiller en sécurité financière et membre de l’équipe des services-conseils en planification successorale de RJ, afin d’éviter que les représentants ne s’improvisent experts en la matière.

«Quand on parle avec un client fortuné qui a des besoins plus compliqués, c’est important d’avoir les bons experts autour de la table, tant du côté des fiducies que du côté de l’assurance», a dit Richard Rousseau.

C’est entre autres par la présentation d’études de cas que RJ forme les conseillers aux besoins en assurance.

Les règles qui encadrent le partage de commissions en assurance entre un conseiller en placement et un représentant en assurance de personnes expliqueraient pourquoi peu de conseillers ont aussi un permis de distribution d’assurance, selon Denis Gauthier, premier vice-président et directeur national à la FBN.

«En Ontario, les conseillers sont obligés d’avoir leurs permis d’assurance pour pouvoir diriger les clients vers le spécialiste en assurance. C’est une question de compétence réglementaire. Au Québec, on n’a pas ces mêmes exigences, ce qui explique pourquoi il y a moins de conseillers avec ce genre de permis ici par rapport aux autres firmes», expliquait-il en avril dernier.

Denis Gauthier convenait que la proportion de son chiffre d’affaires provenant des assurances (environ 2 % en décembre 2019) était inférieure à celle de ses concurrents, mais assurait être «en train de refermer l’écart par rapport à [ces derniers]».

Comme ailleurs, les conseillers de la FBN sont formés à l’importance des assurances en gestion de patrimoine, mais sont plus à l’aise de s’allier à des spécialistes, selon Denis Gauthier. La FBN en a d’ailleurs embauché ces dernières années. «Nos spécialistes de Cabinet d’assurance Banque Nationale apportent tellement de valeur ajoutée que le conseiller aime mieux diriger le client vers quelqu’un dont c’est l’expertise», déclarait-il récemment. Le fait que ces experts se consacrent aux conseillers et aux clients de la FBN aide également, d’après Denis Gauthier.

Chez iAVM, 35 % des conseillers sondés lors du pointage détenaient leur permis de distribution d’assurance de personnes. Les conseillers d’iAVM travaillent également avec des spécialistes, soit ceux de PPI, une filiale d’iA Groupe financier, notait Frédéric Paquette, vice-président exécutif, affaires et ventes nationales d’iAVM, en avril dernier : «Plusieurs de nos conseillers ont leur permis en assurance et procèdent eux-mêmes à l’analyse des besoins en assurance. Pour ceux qui ont plus besoin de soutien, ils font équipe avec PPI et leurs spécialistes, tels que fiscalistes, comptables, actuaires et tarificateurs, pour s’assurer qu’un client ayant des besoins en assurance est bien servi.»

Une approche qui porte ses fruits

Paul Balthazard, vice-président et directeur régional, Québec, chez RBC DVM, se félicite de son approche en distribution d’assurance, mise en place il y a plus d’une décennie. Pour pouvoir discuter d’assurance avec leurs clients, les conseillers devaient obtenir le permis de conseiller en sécurité financière, si bien qu’une grande majorité d’entre eux l’ont aujourd’hui. Encore ici, RBC DVM a embauché des spécialistes pour travailler avec les conseillers. Les seconds partagent leurs commissions avec les premiers.

L’approche a porté ses fruits : «En 2016, RBC DVM se classait en quatrième position parmi les 15 plus gros acteurs de l’industrie sur le plan des ventes de nouvelles primes en assurance vie, d’après Strategic Insight», rapportait Finance et Investissement en 2018.

«Un ami proche qui était dans une autre firme a bâti un modèle différent. Il a fait des ententes avec des courtiers en assurance à l’externe. Bâtir cela, c’est plus vite. Pour nous, ç’a été plus long, mais 10 ou 15 ans plus tard, on se retrouve avec 45 % du volume de l’industrie en assurance. Ç’a été une plus grosse roue à faire partir, avec une inertie plus grande. Mais maintenant qu’elle roule, attention !», illustrait Paul Balthazard, en avril dernier.

«On voulait pousser nos conseillers à avoir le plus d’outils possible, expliquait au même moment Jérôme Brassard, vice-président et administrateur de RBC DVM et successeur désigné de Paul Balthazard. On a engagé les professionnels qui sont les vrais experts. Nos conseillers ont de très bonnes bases et les compétences nécessaires pour entreprendre des conversations avec le client.»