Une éventuelle baisse des marchés boursiers, les nombreux changements apportés à la réglementation ou encore la concurrence sur les prix offerts dans l’industrie des services financiers : voilà les principales menaces qui pèsent sur les revenus des conseillers en placement.
C’est ce que révèlent les sondages menés lors du Top des courtiers québécois et du Top des cabinets multidisciplinaires. À ces occasions, les conseillers répondants devaient déterminer, parmi six vents de face potentiels, celui qui constitue la principale menace pour leurs revenus dans la prochaine année.
Les résultats, présentés dans le tableau ci-contre, montrent un écart entre l’importance moyenne accordée à ces menaces par les conseillers en placement interrogés et celle accordée par les conseillers liés à des cabinets multidisciplinaires sondés.
Le spectre d’un écroulement boursier après plus d’une décennie de croissance est la principale crainte des conseillers. La moitié des conseillers en placement répondants ont considéré que la chute des marchés est la principale menace et 24,2 % des conseillers liés à des cabinets multidisciplinaires interrogés ont fait de même.
«Une baisse importante des marchés, c’est toujours notre pire ennemi», affirme un conseiller en placement sondé.
«Après 11 années de hausse presque en continu, tout le monde s’attend à un recul du marché. C’est inévitable, mais on ne sait évidemment pas quand, ni quelle en sera l’ampleur», souligne Gino-Sébastian Savard, président de MICA Cabinets de services financiers.
Or, «comme il y a de plus en plus de comptes à honoraires basés sur la valeur des actifs que gère le conseiller, une chute des marchés entraînera du même coup une baisse de ses revenus», précise Richard Legault, président-fondateur de la firme Phoenix Stratégies Conseils. Il a été président d’Industrielle Alliance Valeurs mobilières de 2012 à 2018.
Par ailleurs, il n’est pas étonnant qu’une proportion plus grande de conseillers en placement considère une baisse des marchés comme une menace par rapport aux répondants liés à un cabinet multidisciplinaire.
«Les conseillers de plein exercice sont beaucoup plus rivés sur leur écran d’ordinateur, à surveiller plus attentivement les marchés boursiers, que des conseillers qui sont, par exemple, dans l’industrie des fonds communs dont la gestion est assurée par d’autres», fait valoir Sara Gilbert, fondatrice de la firme Développement des affaires Strategist(e). De plus, «les comptes à honoraires sont plus répandus chez les conseillers de plein exercice», ajoute Richard Legault.
En revanche, les questions de réglementation viennent au premier rang des menaces exprimées par les conseillers liés à des cabinets multidisciplinaires, et cette crainte (35,9 %) est nettement plus prononcée chez eux que chez les conseillers de plein exercice (17,9 %).
«Ces dernières années, il y a eu toute une série de mesures, comme les différentes phases du Modèle de relation client-conseiller, qui ont alourdi le travail des conseillers et entraîné des dépenses additionnelles, en particulier pour les conseillers qui doivent eux-mêmes les assumer», note Sara Gilbert, qui agit comme stratège et coach auprès de conseillers en placement.
Cette différence de perception concernant la menace de la réglementation s’explique aussi du fait que «le mode de rémunération des courtiers de plein exercice n’est pas sous la loupe des régulateurs», constate Gino-Sébastian Savard.
La lourdeur engendrée par le fardeau de la réglementation ainsi que les coûts augmentent sans cesse, se plaignent d’ailleurs bon nombre de conseillers interrogés. «Les coûts de la réglementation sont énormes considérant tout le temps qu’on doit y consacrer. Il y a beaucoup de changements et nous devons constamment nous ajuster à ces contraintes», déplore un représentant en épargne collective qui souhaite un peu d’accalmie.
«On fait tellement de travail pour la réglementation qu’on a moins de temps pour nos clients», déplore aussi un conseiller lié à un cabinet multidisciplinaire. «C’est lourd et devenu très bureaucratique. Je n’ai pas le goût de développer mes affaires», déplore un conseiller en placement, alors qu’un de ses collègues va jusqu’à dire : «Nous sommes devenus des secrétaires».
Concurrence et grille de rémunération
La concurrence sur les prix offerts dans l’industrie des services financiers est perçue comme la principale menace par 14,2 % des conseillers en placement et par 16,1 % des conseillers liés à des cabinets multidisciplinaires.
«L’avènement de certains produits comme les fonds négociés en Bourse (FNB), du courtage à escompte et des robots-conseillers met une pression sur les prix. L’investissement est pratiquement devenu un produit de consommation courante qui se différencie principalement par les prix», note Richard Legault.
En tout, 11,7 % des conseillers en placement sondés considèrent comme principale menace les réductions dans leur grille de rémunération faites par leur firme de courtage ou l’augmentation des dépenses qu’ils doivent assumer. Cette proportion est de 3,1 % pour les conseillers liés à un cabinet multidisciplinaire.
«Avec la pression sur les prix et sur les marges de profit, les firmes de plein exercice ont donc sabré les grilles de rémunération. Et les conseillers craignent qu’il y ait encore d’autres réductions», constate Richard Legault. Pour les conseillers liés à des cabinets multidisciplinaires, «il n’y a pas eu de changement dans la rémunération depuis 20 ans et ce n’est pas non plus prévu à l’horizon», explique Gino-Sébastian Savard.
L’émergence des fintechs et des robots-conseillers n’est pas une préoccupation majeure pour les conseillers. «Cette menace était plus forte il y a deux ou trois ans. Or, les conseillers comprennent maintenant que les robots-conseillers viennent en appui à leur travail», estime Richard Legault.
N’empêche, «les plateformes de robots-conseillers commencent à offrir des conseils, et ça représente une menace pour les conseillers», affirme Sara Gilbert.
Enfin, le vieillissement de la population est une autre menace qui pèse sur les revenus, indiquent certains conseillers. «Les clients vieillissent, les comptes sont en décaissement et il y a des comptes de succession qui vont disparaître. Et il y a beaucoup de conseillers qui n’ont pas bâti de relation d’affaires avec la génération suivante», note Sara Gilbert. Sans compter, ajoute-t-elle, que «les conseillers qui comptent une majorité de clients âgés auront de la difficulté à revendre leur business [bloc d’affaires]».