Les conseillers devraient prêter une attention particulière aux politiques de distribution des produits qu’ils utilisent. Celles-ci peuvent avoir des conséquences importantes sur le portefeuille des clients, que ce soit pour des raisons liées à la gestion, à la fiscalité ou aux meilleurs et pires moments pour acheter des parts d’un fonds commun. Voici pourquoi.
L’ABC des distributions
On entend généralement par distribution un montant payé à l’investisseur par un manufacturier de fonds communs. Il est cependant pertinent d’apporter certaines nuances.
Le taux de distribution, exprimé en pourcentage ou en montant par unité, peut signifier différentes choses. Il peut être variable et plus ou moins calqué sur les revenus des valeurs mobilières sous-jacentes, nets des frais. Il peut être fixé selon une politique de distribution visant à générer un certain pourcentage par année, considérant les besoins en revenus des clients.
On parle aussi souvent de distributions de gain en capital de fin d’année, tout comme, de façon plus générale, de distributions fiscales, voire de distributions sous forme de remboursement de capital non imposables. De plus, distribution ne veut pas forcément dire distribution imposable. Cet aspect est crucial.
Le choix d’une politique de distribution
Qu’est-ce qui motive les manufacturiers à choisir une politique de distribution ? Le plus souvent, trois raisons distinctes :
L’aspect principal que la majorité des manufacturiers privilégient afin de déterminer la fréquence et le montant des distributions est le type de fonds et sa stratégie d’investissement. Cet aspect est lié à l’objectif d’utilisation des produits.
Par exemple, si un produit porte un nom qui inclut «revenu» et, à plus forte raison, «revenu mensuel», il est fort probable que celui-ci distribue des revenus sur une base régulière et qu’il soit davantage utilisé par des investisseurs souhaitant recevoir des revenus réguliers.
Dans cette logique, deux mandats ayant des répartitions de l’actif très similaires pourraient avoir des politiques de distribution différentes. On pourrait, par exemple, penser à un fonds portant la mention «équilibré mondial» et un fonds étiqueté «revenu mensuel» dont les actifs sous-jacents seraient très semblables, ou encore un fonds de «revenu de dividende» par rapport à un fonds «d’actions nord-américaines valeur».
Les mauvaises langues pourraient y voir une intention davantage liée au marketing, mais les manufacturiers y voient d’abord un souci de clarté et d’opérations conséquentes avec l’objectif du client.
Pour les fonds de revenu constitués en fiducie, la pratique commune de l’industrie est de verser les intérêts nets sur une base trimestrielle. Bien qu’elle ne soit pas normée, c’est une convention respectée par un nombre important de manufacturiers. Cette façon de faire simplifie le volet opérationnel et permet aux clients de savoir à quoi s’attendre. L’avantage de cette méthode est que l’investisseur peut avoir une bonne idée du rendement «réel» que lui procure son placement, indépendamment de la hausse ou de la baisse de la juste valeur marchande du placement.
L’aspect fiscal est un autre des points examinés. Par exemple, un fonds qui distribue beaucoup de revenu imposable est davantage équitable envers ses différents détenteurs si la société attribue ses revenus sur une base régulière, par exemple sur une base trimestrielle. Elle peut ainsi ne pas pénaliser les investisseurs qui achètent des parts de fonds en fin d’année civile. Lorsqu’un manufacturier de fonds ne distribue qu’en fin d’année, celui-ci risque d’envoyer à un client des distributions imposables pour toute l’année, même si ce client ne détient des parts d’un fonds que depuis un mois.
Par exemple, la société de fonds communs Turtle Creek attribue ses gains réalisés sur une base de détention mensuelle. Si l’on a détenu un de ses produits pendant les six premiers mois de l’année et que les 2/3 des gains ont été réalisés au cours des six mois en question, un détenteur des six derniers mois de l’année se verra attribuer uniquement le tiers des gains réalisés de l’année, même s’il détient le fonds lors de la distribution de fin d’année.
Pour les fonds d’actions, les politiques de distribution n’ont pas une aussi grande importance que pour les fonds de titres à revenu fixe, puisque la majeure partie du rendement provient de la croissance du capital plutôt que du revenu. Même d’un point de vue fiscal, il n’est pas rare que des fonds d’actions, même en fiducie, ne versent que peu de revenu, voire pas du tout, au cours d’une année, si les revenus ne sont pas plus élevés que les dépenses de gestion.
Pour les fonds constitués en fiducie tout comme pour les fonds constitués en société par actions, aussi désignés par «en catégorie de société», un réflexe important à développer est de se renseigner sur la distribution de gain en capital de fin d’année. Si celle-ci est très importante, on pourrait vouloir réfléchir à deux fois avant d’investir.
Il ne faut cependant pas oublier que l’aspect financier prévaut sur l’aspect fiscal. En effet, attendre avant d’investir peut nous priver d’un rendement plus important que l’économie fiscale réalisée en ne recevant pas la distribution de gain. De plus, la distribution de gain en capital réduit d’autant notre facture fiscale future, ce qui signifie que l’on est perdant maintenant, mais gagnant plus tard. Si les aspects fiscal et financier ont du sens, une décision encore plus pertinente émerge davantage qu’en n’examinant qu’un seul des deux facteurs.
En outre, si l’on souhaite recevoir des revenus réguliers provenant d’un fonds d’actions, le fait qu’il y ait une politique de distribution ou non n’a pas énormément d’importance. On peut toujours décider de vendre des unités afin de générer les liquidités nécessaires aux retraits.
Cette logique peut aussi s’appliquer aux fonds de revenu, par ailleurs. Évaluer le rendement à l’échéance net des frais du portefeuille sous-jacent donne une bonne idée du montant généré à l’interne, ce qui permet de déterminer ce que l’on doit vendre pour atteindre le niveau de distribution souhaité.
Quête d’optimisation fiscale
Si l’on recherche une solution fiscalement avantageuse, il peut être intéressant d’utiliser les fonds de série T. Pour ces fonds, les distributions seront, en tout ou en partie, sous forme de remboursement de capital plutôt qu’en intérêt, dividende, dividende étranger ou gain de capital, ce qui peut rehausser la distribution nette d’impôt d’un fonds. Mais attention :
Le mécanisme de remboursement de capital est un outil de report d’impôt. On doit par conséquent se méfier de la facture fiscale au moment de la disposition ;
Les fonds structurés en société sont généralement plus efficaces que les fonds en fiducie puisqu’ils éliminent entièrement la possibilité de recevoir de l’intérêt ou du dividende étranger.
Quant aux fonds de revenu, on pourrait théoriquement éviter les distributions en vendant et en rachetant un produit avant et après les dates de distributions trimestrielles, de la même manière que certains investisseurs voudront se procurer ou céder une action à dividende avant ou après la date ex-dividende. Le bénéfice réel d’une telle stratégie, qui tiendrait compte des coûts de transaction, pourrait être intéressant à valider.
Les flux nets sont importants
Intuitivement, on pourrait croire que la question des distributions a une influence sur la gestion quotidienne du fonds par les gestionnaires de portefeuille. Or, il n’en est rien.
Les gestionnaires de portefeuille sondés dans le cadre de cette analyse indiquent plutôt que ce sont les flux nets qui influencent le plus la gestion des fonds. Un fonds qui enregistre des entrées nettes (ventes nettes), même s’il effectue des versements de revenus, aura à gérer un déploiement de capital (accumulation d’idées actuelles ; génération de nouvelles idées ; augmentation du niveau de liquidités si le gestionnaire demeure prudent ; etc.). Inversement, un fonds en sorties nettes (rachats nets) aura à liquider des positions pour générer les liquidités nécessaires aux rachats et devra décider s’il vend des titres ayant mieux ou moins bien performé.
Le fait de devoir verser des revenus influence très peu la gestion – si une politique de distribution cible prévaut, le gestionnaire peut la planifier. Si la politique est de distribuer les revenus nets, le gestionnaire saura qu’il ne peut réinvestir systématiquement les revenus et gérera en excluant les distributions de son attribution de capital aux nouveaux achats de titres financiers.
Connaître les modalités des distributions de fonds communs devrait faire partie d’un exercice de diligence complet pour tout produit qu’un conseiller souhaiterait ajouter à son offre. Et aussi de toujours avoir à l’esprit de répondre aux besoins de son client.
*Conseiller en placement à la Financière Banque Nationale (FBN). Le présent article ne constitue pas des conseils juridiques, fiscaux ou comptables et les opinions exprimées peuvent ne pas refléter celles de la FBN.