Étant donné leur place au coeur de nombreux portefeuilles d’investisseurs particuliers, les fonds communs de placement (FCP) ont longtemps été un point de mire de la réglementation. Cette surveillance reste toutefois un travail en continu, en raison des problèmes de protection des clients qui ne sont pas encore tous résolus.
Au fur et à mesure de la croissance de l’industrie des fonds, les organismes de réglementation ont constamment poussé l’industrie à rehausser la transparence et à limiter les conflits d’intérêts, tout en intensifiant les exigences envers les conseillers. Ces exigences sont appelées à augmenter à l’avenir, car les efforts des régulateurs jusqu’à présent n’ont pas réussi à calmer les inquiétudes concernant la compréhension des investisseurs quant aux produits qu’ils achètent, et à leur assurer une transaction équitable dans ce cas.
L’an dernier, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) ont proposé deux importantes séries de réformes : l’une ciblant spécifiquement le secteur des fonds communs, et l’autre visant à renforcer la protection des investisseurs particuliers. En même temps, l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (ACCFM) poursuit ses efforts en vue d’améliorer les connaissances du conseiller et d’augmenter sa transparence face aux investisseurs.
Si les réformes des ACVM aboutissent, ces propositions pourraient entraîner des changements radicaux. L’automne dernier, les ACVM ont proposé d’interdire les structures de fonds communs à frais d’acquisition reportés (FAR) et ont cherché à interdire aux fonds communs de payer des commissions de suivi aux firmes de courtage à escompte pour le conseil en placement.
Ces propositions suivaient un ensemble antérieur de réformes des ACVM – appelées réformes des ACVM axées sur le client et publiées en juin 2018 – qui revoyaient la convenance existante, la connaissance du client et les règles touchant les conflits d’intérêts, dans un effort de rehausser les normes de protection de l’investisseur en général (elles ne s’appliquaient pas seulement aux fonds communs).
Mises ensemble, ces propositions de changements réglementaires pourraient remodeler profondément l’industrie en la poussant à modifier les structures traditionnelles de rémunération. Elles pourraient ainsi intensifier le passage à des produits indiciels moins chers, depuis des fonds à gestion active plus coûteux, et modifier l’équilibre concurrenciel entre les produits maison et les produits manufacturés par des tiers.
Habituellement, de tels changements transformateurs prendraient des années à finaliser, car les organismes de réglementation s’engagent en général dans une longue consultation de l’industrie. À ce stade, toutefois, les perspectives de réforme sont encore plus incertaines, car les régulateurs sont aussi maintenant en plein milieu d’un vaste effort de simplification de la réglementation, déclenché par le nouveau gouvernement de l’Ontario qui supervise l’organisme de réglementation le plus important et le plus influent du pays, la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (CVMO).
Non seulement le nouveau gouvernement de l’Ontario s’oppose explicitement à la tentative des ACVM d’interdire les FAR, mais il incite aussi la CVMO à examiner le coût de la conformité à la réglementation et à chercher des façons de diminuer ces coûts dans le cadre d’une plus vaste initiative visant à réduire la réglementation dans toute la province.
Malgré cette incitation à la déréglementation, des ACVM n’ont pas abandonné leurs efforts de réforme, mais feront face à de forts vents contraires.
La CVMO indique que les organismes de réglementation visent à réviser les deux ensembles de propositions (les réformes concernant les frais des fonds et axées sur le client) et à les publier pour consultation approfondie pendant l’exercice financier se terminant le 31 mars 2020.
Que ceci se passe à un moment où les ressources sont redirigées vers la réduction des fardeaux réglementaires reste à voir, il semble peu probable que ces propositions seront bientôt mises en oeuvre. Des propositions révisées seront soumises pour commentaires ultérieurs, et cela prendra des mois, voire des années, à les finaliser.
En attendant, le secteur des fonds fait face à des initiatives de l’ACCFM qui modifieraient également le contexte réglementaire, bien que de façon moins radicale.
L’ACCFM explore la perspective d’augmenter davantage la transparence en étendant les exigences de rapport de coûts qui avaient été adoptées dans le cadre des réformes touchant le Modèle de relation client-conseiller (MRCC 2). Le MRCC 2 exige que les firmes fournissent aux investisseurs des rapports annuels présentant les coûts en dollars imposés par le courtier, et l’ACCFM mène une initiative pour explorer l’extension de ce rapport de façon à ce qu’il couvre les coûts facturés par les fonds eux-mêmes (tels que les frais de gestion et les coûts d’opération du fonds).
L’objectif est de fournir aux clients un rapport de frais encore plus exhaustif et une meilleure vision des coûts globaux d’investissement. Ceci peut également mener vers des règles du jeu équitables entre les firmes intégrées verticalement, soit celles dont la manufacture et la distribution des fonds sont sous le même toit, et les courtiers indépendants du secteur.
En général, l’industrie soutient cette inititiative. Si le processus de finalisation des détails spécifiques des exigences du MRCC 2 constitue un guide, cela prendra probablement quelques années avant que les régulateurs n’établissent les exigences du rapport détaillé. Puis, l’industrie devra commencer à mettre en oeuvre les changements.
Ainsi, alors que le calendrier de réforme et le rythme du changement restent suspendus dans les airs, la direction du parcours n’est pas mise en cause – les exigences des régulateurs concernant le secteur des fonds ne font qu’augmenter.