En cette période où les yeux sont rivés sur les tendances inflationnistes et leur incidence sur les différentes catégories d’actifs, les prix de l’immobilier poursuivent leur envolée. Certains pourraient être intéressés par un investissement par l’intermédiaire des fonds communs de placement (FCP) afin d’obtenir une certaine exposition dans les portefeuilles des clients. Il n’est cependant pas évident de trouver le bon produit, ni même de savoir si y investir s’avère un placement judicieux dans le contexte actuel. Voici donc un survol des différents paramètres à évaluer et des principaux produits offerts sur le marché canadien du courtage de plein exercice.
Marchés publics c. marchés privés
Les fiducies de placement immobilier (FPI), mieux connues sous l’acronyme REIT (real estate investment trust), peuvent constituer une manière simple, transparente et liquide d’investir en immobilier. Le comportement du secteur a été remarquablement stable au cours de la courte, mais intense période de hausse de taux du début de l’année, si l’on se fie aux indices canadien et américain de ce secteur. On peut y investir à peu de frais avec un fonds négocié en Bourse (FNB) reproduisant le rendement d’un indice sectoriel, ou encore confier la gestion active d’un portefeuille de FPI à un portefeuilliste.
Un des grands avantages de ces options est la liquidité. Cela amène davantage de volatilité, mais permet également de clore une prise de position rapidement. Aussi, ce type de placement donne accès à des sociétés de grande envergure dans une pléiade de sous-secteurs (résidentiel, commercial, bureau, industriel, etc.).
D’un autre côté, l’offre de FCP sur les marchés privés est beaucoup plus variée et nichée, à tel point qu’il est quasiment impossible de prétendre connaître tous les fonds existants au pays. Il vaut d’ailleurs souvent mieux se fier à la liste des manufacturiers approuvés de notre firme pour cerner les gestionnaires disponibles afin de construire le segment immobilier d’un portefeuille.
Les placements sur les marchés privés sont moins liquides et ne se négocient pas sur un marché secondaire organisé. Cela fait que leur valeur ne fluctue pas selon les aléas des marchés boursiers, mais bien selon la valeur évaluée soit par le gestionnaire, soit par un vérificateur externe. L’avantage est que la volatilité est bien moindre, voire quasi nulle, mais cela peut s’avérer moins transparent et fiable qu’un placement dans des sociétés cotées en Bourse où les divulgations sont plus importantes.
Les frais des fonds privés sont généralement plus élevés et il n’est pas rare d’y voir des frais de performance. Cependant, il arrive souvent que le rendement espéré net des frais demeure plus élevé que sur les marchés publics, notamment à cause de la prime d’illiquidité, mais aussi de l’expertise souvent nichée des gestionnaires qui permet de profiter d’inefficiences plus difficiles à saisir sur les marchés publics.
Dette ou capitaux propres
On peut déceler deux grandes catégories de FCP immobiliers privés: les fonds de dette et les fonds de capitaux propres (equity).
Les fonds de dette sont davantage répandus compte tenu de leur rang de priorité sur les autres éléments de passifs dans la structure de capital, de leurs revenus récurrents et de leur (relative) liquidité par rapport au capital propre, qui constitue ni plus ni moins de la détention immobilière. Les fonds de dette sont principalement dans deux secteurs:
- Prêts hypothécaires résidentiels, généralement sous la forme de société de placement hypothécaire, ou MIC (mortgage investment corporation). On peut penser à des gestionnaires comme RiverRock ou Westboro, par exemple. Dans ces fonds, les gestionnaires prêtent directement à des particuliers pour financer ou refinancer une propriété résidentielle qui est occupée.
- Prêts hypothécaires commerciaux, sous la forme de MIC, de fiducie ou de société en commandite (LP). Les sociétés Romspen et Trez Capital sont parmi les plus connues dans ce sous-secteur du marché canadien. Les prêts s’appliquent au financement en préconstruction (par exemple, le financement de terrains), à la construction, aux acquisitions ou au refinancement de propriétés existantes pour une transaction.
Les fonds de capitaux propres sont plus rares et généralement moins liquides. Ils permettent de détenir une multitude d’immeubles dans un fonds diversifié, généralement aux côtés d’investisseurs chevronnés. L’immobilier fonctionne souvent à la manière d’un club : plusieurs investisseurs qui se connaissent se réunissent, après quoi leur succès finit par provoquer un engouement auprès d’autres investisseurs. Vient ensuite une structure plus formelle à laquelle peuvent se joindre des particuliers.
À notre connaissance, les fonds de capitaux propres sur les marchés privés sont généralement beaucoup plus nichés que des FPI publiques.
À titre d’exemple, Trez Capital, un gestionnaire de fonds bien connu dans le marché du prêt hypothécaire commercial, lance présentement un nouveau fonds permettant d’investir dans les capitaux propres de projets immobiliers, c’est-à-dire en étant propriétaire plutôt que créancier, comme dans ses fonds offerts au détail depuis plusieurs années. Selon les informations préliminaires communiquées par la société, le fonds investira initialement de manière assez spécifique dans des projets résidentiels et d’entreposage dans le sud des États-Unis.
Un autre exemple est l’offre de fonds du Groupe RMC, une société originaire de Montréal qui se spécialise dans l’acquisition au rabais d’immeubles de bureaux américains, principalement dans le Midwest.
Il existe bien sûr de grands fonds d’immobilier tels que celui offert par UBS, dont la diversification et la qualité sont très élevées. Mais cela est l’exception plutôt que la règle.
Critères à considérer
Attention: tous les fonds ne sont pas égaux sur les plans du risque et du rendement dans l’une ou l’autre des catégories. Différents critères doivent être évalués avant de choisir un ou plusieurs gestionnaires.
Voici quelques-uns des plus importants facteurs à considérer :
- Liquidité
- Frais de rachat
- Frais de gestion
- Ratio prêt/valeur, ratio d’endettement, taux de capitalisation
- Durée des prêts
- Expérience du gestionnaire (historique, antécédents)
- Actifs sous gestion.
Dans le cas des fonds de dette, il y a également d’autres questions plus fines et subtiles, mais pertinentes, à poser pour bien cerner le gestionnaire, par exemple:
- Est-ce que des garanties supplémentaires aux actifs en collatéral sont généralement offertes par les emprunteurs (par exemple, des garanties personnelles) ?
- Est-ce que l’évaluation des actifs est effectuée par une firme indépendante?
- Est-ce qu’un comité indépendant approuve et supervise l’attribution de prêts des gestionnaires?
- Quel est le processus judiciaire requis pour réaliser les garanties en cas de défaut de paiement d’un emprunteur?
- Quels frais sont imposés aux emprunteurs autres que le taux d’intérêt du prêt?
- Déduisez-vous vos frais et intérêts du montant prêté dès l’approbation ou percevez-vous plutôt ceux-ci pendant le prêt ou au remboursement?
Les gestionnaires n’auront certainement pas tous les mêmes réponses à ce type de questions. Ce genre d’intervention permet d’aller au-delà d’une simple fiche exposant les rendements et les modalités du placement et de comprendre comment le gestionnaire protège ses investisseurs de déraillements potentiels.
Du côté des fonds de capitaux propres, plusieurs questions pertinentes peuvent être posées, comme:
- Quel est le ratio d’endettement maximal prévu lors des acquisitions, des améliorations ou des refinancements?
- Quel est le ratio de distribution? Quel pourcentage des flux de trésorerie disponibles représente-t-il?
- Quel type de qualité de construction recherchez-vous ?
- Qui s’occupe de la gestion des immeubles?
- Les améliorations sont-elles capitalisées ou non?
- Les hausses de loyers sont-elles déjà contractuellement incluses dans les baux?
Ce genre de questions permet notamment de déceler si le gestionnaire est plutôt conservateur ou non dans ses prévisions financières. Cela permet de savoir comment il gère ses immeubles et, conséquemment, quel est le niveau de risque par rapport au rendement qu’il espère.
Survol fiscal
Les fonds de dette génèrent des revenus d’intérêt imposables dans l’année où ils sont reçus. Si l’on a des actifs enregistrés et non enregistrés, il est donc sage, dans une logique d’optimisation, de détenir ce genre de produit dans un compte enregistré.
Les fonds de capitaux propres sont une bestiole beaucoup plus complexe sur le plan fiscal. Tout dépendant de leur structure, plusieurs d’entre eux sont en mesure d’effectuer leurs distributions sous forme de remboursement de capital, en tout ou en partie. Cela diminue d’autant le prix de base rajusté (PBR) du placement, ce qui occasionnera du gain en capital au moment de la disposition.
On doit aussi considérer de potentiels gains ou pertes de change, selon que les gestionnaires couvrent leur fonds contre les risques de devise ou non.
Pas pour toutes les poches
Pour de plus petits investisseurs, il s’avère presque exclusivement possible d’investir dans des FNB ou FCP qui achètent des titres de sociétés cotées en Bourse.
Les fonds privés exigent souvent des investissements minimaux plus importants et ne peuvent être achetés que par des investisseurs accrédités ou dans le cadre de mandats de gestion discrétionnaire. Ainsi, cela s’adresse principalement à des investisseurs plus fortunés.
L’enjeu de liquidité appelle aussi à limiter à un petit pourcentage (5% ou moins) d’un portefeuille l’investissement dans un fonds privé, question d’éviter d’être surexposé à une sous-catégorie d’actifs trop nichée.
Si l’on peut investir dans de tels produits, on y trouvera cependant généralement son compte par rapport à d’autres catégories d’actifs, notamment dans une période de taux d’intérêt en augmentation. Les fonds de dette font souvent des prêts à relativement court terme dont les taux sont fonction de l’environnement de taux. Les fonds de capitaux propres ont des actifs qui prennent de la valeur en période inflationniste. Cela peut s’avérer un puissant outil de diversification, de diminution de volatilité et de protection contre les hausses de taux.