Le message en provenance d’Ottawa est bien clair : les sociétés privées sous contrôle canadien (SPCC) seront moins avantageuses sur le plan fiscal. Les mesures annoncées en juillet 2017 par le ministre des Finances du Canada, Bill Morneau, – et qui ont fait l’objet d’un projet de loi en décembre – rendent l’investissement passif dans une SPCC beaucoup plus coûteux à ce chapitre.
Avant d’aller plus loin, rappelons que le revenu de placement passif est notamment constitué des intérêts, des dividendes et du gain en capital imposable que génère une SPCC. Lorsque le total excède 50 000 $, chaque dollar additionnel viendra réduire le plafond des affaires, soit les fameux 500 000 $ donnant droit au «petit taux» d’imposition, de 5 dollars pour toutes les sociétés associées. Cela signifie qu’à compter de 150 000 $, le plafond des affaires est réduit à zéro et, ainsi, la déduction pour petite entreprise donnant droit au «petit taux» est entièrement perdue.
Dans ce nouveau contexte, les conseillers doivent donc trouver des solutions avantageuses pour le client d’un point de vue fiscal, sans être pénalisantes d’un point de vue financier. Le fait d’accumuler des sommes en dehors de la société aidera au maintien du plafond des affaires.
Parmi la gamme de solutions possibles, on peut penser à la convention de retraite et au régime de retraite individuel, le RRI. Une convention de retraite est une fiducie où 50 % d’impôt remboursable doit être payé sur tous les dépôts et les revenus de placement. Plus courant, le RRI est un régime de retraite à prestations déterminées (PD) s’adressant aux hauts dirigeants d’une entreprise. Comme c’est un régime de retraite, aucun revenu de placement n’est imposable. Toutefois, il y a encore mieux que ces deux options, soit le PPP.
Une entreprise torontoise, INTEGRIS Pension Management Corp., a fait ses débuts en 2014 en lançant le personal pension plan ou le plan de pension personnel (PPP). Cette firme a commercialisé un type de régime de retraite novateur qui répond à la nouvelle donne. À l’instar du RRI, le PPP est un régime de pension agréé, mais dont l’application est restreinte aux actionnaires de l’entreprise, aux membres de leur famille s’ils oeuvrent au sein de la société et aux cadres supérieurs.
Heureux mariage de régimes de retraite
Le PPP est bâti sur la charpente des trois types de comptes bien connus des spécialistes qui élaborent des régimes de retraite pour les grandes entreprises canadiennes, soit un volet à prestations déterminées, un volet à cotisation déterminée (CD) et un compte à cotisations facultatives. Cet entrelacement des types de comptes d’épargne que la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR) autorise donne au PPP des attributs uniques qui font qu’il constitue la stratégie offrant aux contribuables le plus de déductions fiscales permises pour la constitution d’une rente de retraite.
En plus de permettre plusieurs déductions supplémentaires à celles du REER, le PPP présente même plusieurs avantages par rapport au RRI, dont les premières dispositions légales remontent à 1991.
Par exemple, lorsqu’un RRI est en surplus parce que l’actif de sa caisse dépasse de plus de 25 % son passif, c’est-à-dire le coût du financement des prestations prévues, la société doit prendre un congé de cotisation. Elle voit ainsi ses déductions fiscales disparaître. Et quand ce même RRI offre une nouvelle année de service crédité au participant, la société doit tout de même calculer un facteur d’équivalence, ce qui a comme conséquence d’éliminer presque tous les droits de cotisation au REER du participant au régime.
Le PPP constitue ainsi une solution simple et élégante lorsque le régime est en surplus : basculer du volet à prestations déterminées aux deux autres volets pour l’année suivante. Lorsqu’un régime à prestations déterminées est en surplus, les cotisations doivent cesser. Cependant, le service crédité au régime continue de s’accumuler et un facteur d’équivalence doit être déclaré quand même. Ceci a pour effet de réduire – presque d’éliminer – les droits de cotisations à un REER. Dans le PPP, lorsqu’on ferme le volet à prestations déterminées pour passer au volet à cotisation déterminée, on peut continuer à cotiser pleinement au régime à cotisation déterminée (ou à un REER l’année suivante). L’argent ainsi cotisé peut ultérieurement être transféré sans imposition dans le volet à prestations déterminées du PPP lorsqu’on le rouvrira, le cas échéant.
Contrairement à un REER, la société par actions du client peut déduire les frais de gestion d’un régime de retraite. De plus, les sommes sont à l’abri des créanciers de l’entreprise et du participant au PPP.
Le PPP permet également l’utilisation d’une partie des surplus pour cotiser au volet CD. Quelques avantages en découlent alors :
La société peut ainsi se soustraire plus tôt du congé de cotisation et recommencer à bénéficier des déductions auxquelles elle aurait normalement droit.
Ces cotisations minimisent les actifs éventuellement transférés. La Loi de l’impôt sur le revenu impose une limite sur l’argent provenant du régime PD pouvant faire l’objet d’un transfert à l’abri de l’impôt. C’est souvent la principale critique que j’entends au sujet des RRI : ce fameux excédent imposable lors de la terminaison du régime. En effet, le règlement 8517 de la LIR ne s’applique pas aux actifs économisés dans le volet à cotisation déterminée.
Il faut noter que ces avantages existent également si la société décide de ne pas contribuer au financement du régime, vu que ses participants sont des personnes rattachées et qu’une bonne partie des dispositions de la Loi sur les régimes complémentaires de retraite sont sans effet pour de tels régimes (y compris l’obligation patronale de cotiser).
Le PPP permet une planification efficace non seulement pour la retraite, vu les sommes plus importantes qu’on fait fructifier à l’abri de l’impôt, mais également lors d’un décès.
Prenons, par exemple, une entreprise familiale qui compte un père et ses deux filles qui reçoivent tous des salaires de la société. Ces dernières sont dans la trentaine et y travaillent depuis quelques années. En offrant une participation à un PPP familial aux trois membres de la famille, on peut éviter l’imposition de sommes importantes lors du décès du père si celui-ci reçoit une rente du régime. Bien sûr que la conjointe du père, si elle lui survit, peut être couverte par une rente de conjoint survivant, mais faisons l’hypothèse ici que le père décède sans conjointe.
Plus avantageux que le REER
On connaît bien l’impact du décès sur un REER : il y a une disposition réputée du compte REER. À moins d’exceptions, la succession doit acquitter l’impôt du défunt avant de verser le reste aux bénéficiaires du REER. Cependant, étant donné que le PPP est un régime de pension agréé, l’arrêt des versements de rente au père ne déclenche pas cette disposition réputée au sens de la LIR, mais plutôt la constitution d’un surplus important dans le volet PD. Ce surplus, appartenant au régime et non distribué, n’est donc pas assujetti à une imposition immédiate. L’impôt commencera à être payé quand les filles décideront de commencer le service de leurs propres rentes à la retraite. Entretemps, tout l’argent mis de côté pour la retraite du père continue à fructifier à l’abri de l’impôt.
On pourrait penser que cette stratégie familiale est également possible dans un RRI conventionnel mais, malheureusement, il y a deux inconvénients majeurs.
Premièrement, un participant de moins de 40 ans dans un RRI est assujetti à une limite de cotisation inférieure à celle des REER. Avec le PPP, cet inconvénient n’existe pas puisque les jeunes participants peuvent utiliser le volet CD jusqu’à ce qu’ils atteignent l’âge de 40 ans et, par la suite, racheter leur service passé dans le volet PD.
Deuxièmement, un décès génère nécessairement un surplus au régime. Un congé de cotisation est alors demandé à la société, ce qui n’est pas le cas du PPP.
À part les avantages fiscaux supérieurs du PPP sur le RRI – donc très supérieurs au REER – le PPP offert par INTEGRIS présente également un autre avantage important : il est administré comme un grand régime d’envergure avec une gestion dite de type «fiduciaire». Cela signifie que la complexité administrative propre aux régimes de retraite et qui nécessite normalement l’intervention d’experts est déléguée à INTEGRIS et à ses partenaires financiers. Le manque de soutien pour bien comprendre et gérer ces «super-REER» explique en large partie leur prévalence modeste au sein de la communauté des affaires. Selon nos informations, l’Agence du revenu du Canada aurait moins de 12 000 RRI/PPP enregistrés au Canada, alors qu’environ 1,2 million de Canadiens pourraient en profiter !
Si vous désirez faire un réel travail d’optimisation fiscale avec votre client, vous devez considérer intégrer un PPP à vos projections de retraite, particulièrement lorsqu’on considère les nouvelles règles fiscales. De mon côté, vous aurez deviné que c’est déjà fait.
Avantages chiffrés
Prenons un exemple pour quantifier les avantages dont on vient de parler. Imaginons une avocate de 40 ans qui gagne un salaire de 100 000 $ depuis cinq ans, et qui se paie en dividendes au-delà de cette compensation de base. Elle a réussi à mettre de côté 200 000 $ dans son REER et n’a aucun droit de cotisation.
Bien qu’elle aime la pratique du droit, elle aimerait pouvoir prendre sa retraite à 58 ans, c’est-à-dire dans 18 ans, quitte à vivre de dividendes seulement si elle y est obligée à ce stade de sa vie. Avec un taux de rendement annuel de 5 %, elle pourrait obtenir les résultats suivants :
Compte REER à 58 ans : 1 113 062 $
Compte PPP à 58 ans : 1 406 409 $
Différence : 293 347 $
L’avocate aura ainsi droit à 192 793 $ de déductions supplémentaires – à titre de déductions pour régime de pension agréé – au cours des 18 ans d’accumulation. Ces déductions peuvent s’appliquer à l’encontre des revenus d’entreprise de la société.
Pas de magie
Or, il n’y a quand même pas de magie… Il faut également être conscient du fait que chaque dollar investi dans un PPP est un dollar de moins que la société investit elle-même dans ses coffres. En fin de compte, la différence d’accumulation totale (compte de société plus comptes personnels) n’est souvent pas significative selon les hypothèses utilisées. Cependant, certains avantages de l’implantation d’un PPP restent inaccessibles en son absence.
Pour revenir à notre exemple, lorsque l’avocate aura 58 ans, la société pourrait également effectuer une déduction forfaitaire allant jusqu’à 712 864 $ de plus pour permettre de majorer la rente de base – de 59 284 $ – afin d’obtenir une rente annuelle de 119 682 $. Si notre avocate décidait plutôt d’acheter une rente viagère auprès d’une société d’assurance, un montant important pourrait également être déduit selon les paramètres qu’elle choisirait.
On comprend vite que de telles déductions, inconnues des gens qui ne cotisent qu’à un REER, remboursent les frais d’administration encourus pour le PPP à plusieurs reprises. Cette solution est donc une stratégie autofinancée dès le jour un et reste incontournable pour ceux qui désirent minimiser leur facture fiscale.
Il faut également souligner que si le client a un ou une conjointe à la retraite, le fractionnement du revenu de retraite est possible avant 65 ans (au fédéral). Cela peut représenter des milliers de dollars d’économie d’impôt dans certains cas.
En résumé, lorsque votre client en affaires désire maximiser ses REER, pourquoi ne pas lui proposer d’implanter un PPP ?
* Directeur, planification financière et fiscale, Centre financier SFL, Cité de Montcalm