«Les Bourses et les SNP sont une composante vitale de l’écosystème de la gestion d’actifs. C’est vrai pour les FNB comme pour les gestionnaires de fonds communs : ils dépendent de plateformes boursières qui fonctionnent bien, rondement, et trouvent de la liquidité», indique Daniel Straus, directeur, recherche et stratégie sur les FNB, chez Financière Banque Nationale.
Le Canada compte 13 marchés différents où se négocient les titres cotés sur la Bourse de Toronto (TSX), la NEO Bourse (NEO), la Bourse de croissance TSX (TSXV) ou de la Bourse des valeurs canadiennes (CSE), selon BMO Gestion mondiale d’actifs.
Ces marchés se divisent en deux groupes : les Bourses et les SNP. Les Bourses vérifient et approuvent l’inscription des FNB, des sociétés ouvertes et des fonds d’investissement à capital fixe, lesquels sont soumis à un amalgame de règles. Entre autres, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières surveillent les activités des Bourses au Canada.
« Quand un manufacturier veut lancer un FNB, il doit obtenir l’approbation de ce produit par l’équipe réglementaire de la Bourse, parce que les Bourses sont toujours responsables d’une revue de tout instrument coté », dit Jos Schmitt, président et chef de la direction de NEO.
Au 31 mai 2020, la TSX cotait 750 FNB canadiens. NEO, l’autre Bourse qui en cote au Canada, en avait 47 d’inscrits au début de juillet dernier. Chacune courtise les manufacturiers de FNB avec sa gamme de services et sa tarification, et la concurrence a amélioré l’expérience des émetteurs de fonds.
«Nous recevons un bon soutien des Bourses. C’est de plus en plus difficile d’en choisir une plutôt qu’une autre. Pour ce faire, nous allons regarder plusieurs éléments, dont la qualité et la diffusion de l’information ainsi que la rétroaction que nous recevons de nos parties prenantes», indique Kevin Prins, directeur général, chef de la distribution des FNB, chez BMO Gestion mondiale d’actifs.
Les SNP ne font pas l’inscription à la cote de FNB, mais peuvent en négocier la majorité sur leur plateforme. Parmi ceux-ci on retrouve notamment Omega, TSX Alpha et Chi-X. Leurs activités de négociation accroissent la concurrence. «Ils jouent un rôle important sur les marchés organisés en offrant d’autres sources de liquidité, chaque SNP proposant au marché des services de négociation et des commissions différenciés», écrit la BMO.
Bourses et SNP fournissent ainsi une infrastructure technologique différente afin de placer des ordres d’achat ou de vente. «Chaque Bourse individualise son offre de négociation en vue d’attirer différents types d’investisseurs et de négociateurs», note la BMO.
Ce peut être un défi de maintenir une infrastructure capable, entre autres, d’accepter rapidement un fort volume d’ordres provenant des mainteneurs de marché, comme en mars dernier, alors que les marchés étaient volatils.
«Vers le 17 mars, le nombre d’ordres était 10 fois le volume habituel, indique Jos Schmitt. La volatilité était telle que les mainteneurs de marché rajustaient constamment leurs offres. Notre infrastructure, tout comme celle des autres, a été mise sous une extrême pression. Le week-end suivant cette journée, on a accru la capacité de notre plateforme avec des interventions dans nos centres informatiques.»
Par ailleurs, Bourses et SNP se livrent aussi une concurrence pour offrir des services aux courtiers assortis d’une tarification qui leur est propre afin d’attirer une part du volume de négociation.
Cette fragmentation du volume de négociation des parts de FNB, lorsqu’elle s’accompagne d’une fragmentation de l’information, peut mener certains conseillers et investisseurs à prendre des décisions basées sur des données incomplètes. (Lire : «Gare aux angles morts de la négociation»)
La concurrence crée aussi une pression à la baisse sur les coûts facturés par ces plateformes de négociation, note Daniel Straus : «Opérer une bourse apparaît, dans un sens, comme un service devenu une marchandise (commodité), mais, dans un autre, comme un service extrêmement complexe, sophistiqué et exigeant sur le plan technologique pour lequel il est nécessaire de beaucoup investir.»
Les FNB cotés à la TSX peuvent se négocier sur différentes Bourses et SNP. Actuellement, la majeure partie de leur volume est négociée sur d’autres plateformes que la TSX. Par exemple, en mai 2020, 42 % du volume de FNB canadiens a été négocié sur une plateforme appartenant à la TSX, 35 %, sur une plateforme appartenant au NASDAQ, et 18 %, sur une plateforme de NEO, selon cette dernière entreprise. Le reste du volume a passé sur d’autres SNP.
«La TSX est la première Bourse à avoir inscrit à sa cote un FNB, il y a 30 ans. Nous avons un long historique d’inscriptions à la cote de FNB, si bien que la majorité des FNB canadiens sont cotés à notre Bourse. Les gens ont confiance que les fonds seront disponibles et visibles», dit Graham Mackenzie, chef, FNB et produits structurés, Bourse de Toronto.
De manière différente, les FNB cotés à la Bourse de NEO se négocient essentiellement sur ses propres plateformes. Un gros avantage, car, selon Jos Schmitt, «ceci règle le problème des données de marché non consolidées, et la fragmentation de l’activité de négociation d’un FNB peut être utilisée par certains pour prendre l’avantage sur un investisseur à long terme». Selon lui, des négociateurs à haute fréquence (NHF) peuvent tirer profit d’un écart de prix entre un même FNB qui est négocié sur différents marchés ou prendre l’avantage sur un mainteneur de marché qui n’a pas la même technologie.
Par exemple, un NHF qui sait avant les autres que le prix de l’or a varié à New York peut profiter d’une inefficience temporaire dans le prix d’un FNB qui suit un indice aurifère et ainsi en tirer profit.
NEO vise à rétablir cette équité entre ces négociateurs et les investisseurs à long terme par l’intermédiaire de ralentisseurs de marchés, lesquels imposent un délai entre la réception d’un ordre et son exécution, notamment pour les NHF, d’après Jos Schmitt : «Les mainteneurs de marché sont beaucoup plus à l’aise de placer des ordres, parce qu’ils savent qu’ils ont le temps de se protéger s’il y a un mouvement de marché.»
D’autres plateformes de négociation ont aussi des formes de ralentisseurs, selon l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM).
Importants mainteneurs de marché
Ce n’est pas un hasard si on se soucie de l’expérience des mainteneurs de marché, qui sont souvent aussi des courtiers ou des sociétés de courtage. Ceux-ci jouent un rôle crucial dans le processus de création et de rachats de parts de FNB et, surtout, dans la détermination du prix de ces parts.
En effet, bon nombre de FNB sont constitués d’un panier de titres sous-jacents. La valeur de ce panier varie, ce qui influence le prix du fonds. Pour qu’un mainteneur de marché puisse fournir des cours acheteur et cours vendeur en continu, il doit donc se baser sur la valeur des sous-jacents et y ajouter d’autres frais, comme les frais liés à l’achat ou à la vente d’un panier de titres sous-jacents, les frais boursiers, le coût des opérations sur devises, si nécessaire, et une marge bénéficiaire.
Les prix affichés sur les plateformes électroniques peuvent provenir d’ordres d’investisseurs au détail ou de leurs conseillers, mais ce n’est pas le cas la plupart du temps.
«Pour pratiquement toutes les transactions de FNB, la contrepartie de l’investisseur est un mainteneur de marché, dit Patrick McEntyre, directeur général, négociation électronique, chez Financière Banque Nationale. Ces acteurs offrent ainsi une liquidité importante au marché des FNB, ajoute-t-il : «Comme mainteneur de marché, nous dépendons des plateformes, comme NASDAQ, TSX ou NEO, afin qu’elles nous fournissent une technologie fiable et efficace pour traiter nos ordres rapidement.»
Cette importance des mainteneurs de marché fait en sorte que les clients ne devraient pas hésiter à négocier des FNB qui ont un faible volume de transactions, selon Graham Mackenzie : «Ils devraient avoir confiance que les mainteneurs de marché maintiendront la liquidité du fonds, laquelle est basée sur celle de son actif sous-jacent.
Courtiers encadrés
Souvent, les conseillers en placement ignorent sur quel marché leur FNB sera négocié. En effet, cette décision ne relève pas d’eux, mais de leur courtier, lequel doit suivre une série de règles dont la Règle 3300 des courtiers membres de l’OCRCVM portant sur la manière de réaliser la meilleure exécution d’un ordre client.
Selon celle-ci, un courtier doit réaliser la meilleure exécution d’un ordre pour le compte d’un client en considérant le prix, la rapidité d’exécution, le degré de certitude d’exécution et le coût de l’opération.
«Pour chacun de ces éléments, le conseiller doit savoir comment le courtier chargé d’exécuter l’opération traitera son ordre pour assurer la meilleure exécution. Même si le conseiller ne doit pas nécessairement connaître tous les rouages du marché, il doit en avoir une compréhension suffisante pour pouvoir saisir ses ordres de manière éclairée, pour donner des instructions appropriées à l’égard de ses ordres, et pour comprendre comment le courtier exécutera ces instructions», écrit l’OCRCVM, dans un courriel.
«Le conseiller en placement devrait avoir pleine confiance dans la décision d’acheminement de son courtier. Il y a des politiques en place, lesquelles sont constamment révisées afin de s’assurer que les meilleures pratiques sont implantées de manière à ce que le client ait le meilleur prix tout en étant assuré que son ordre est exécuté», note Graham Mackenzie.
Bien que l’OCRCVM ne surveille pas les activités des Bourses et des SNP en tant que telles, l’organisme réglemente l’activité de négociation de FNB et de titres de capitaux propres qui s’y déroule. Entre autres, l’OCRCVM administre les Règles universelles d’intégrité du marché (RUIM) et surveille les procédures des pupitres de négociation et des personnes qui ont accès aux marchés. Le régulateur examine les opérations après leur exécution pour détecter toute contravention aux règles de négociation et peut mener des enquêtes préliminaires.
Bien que cela ne soit pas l’apanage de tous, certains conseillers et investisseurs achètent ou vendent des options sur certains FNB par l’intermédiaire de la Bourse de Montréal des produits dérivés.
En juillet dernier, le nombre de FNB et indices qui sont les titres sous-jacents d’options d’achat ou de vente était limité à environ 50. Durant le premier trimestre de 2020, le volume était concentré entre les FNB d’iShares (73,9 %), BMO Gestion mondiale d’actif (20,5 %), Horizons ETFs (5,6 %) et Vanguard (0,03 %).
Durant cette période, le iShares S&P/TSX 60 Index ETF est le FNB qui a fait l’objet du plus grand volume d’options, suivi du FINB BMO équipondéré banques, du FINB BMO S&P 500 et du Horizons Marijuana Life Sciences Index ETF.
«Dans leur critère de sélection d’un FNB ou d’une action, certains conseillers préfèrent investir dans un titre qui est le sous-jacent d’options (produits dérivés). Ils estiment que cela leur confère une couche supplémentaire de liquidité», observe Alain Desbiens, directeur général, distribution des FNB, Québec et Atlantique chez BMO Gestion mondiale d’actifs.
«Les FNB, qui font l’objet d’options cotées, sont potentiellement plus attrayants pour certains investisseurs. L’activité de couverture du mainteneur de marché du secteur des options devrait également augmenter les activités de négociation. Or, ces activités ne signifient pas nécessairement qu’un FNB est plus ou moins liquide – la liquidité d’un FNB est basée sur la liquidité de ses actifs sous-jacents», indique Catherine Kee, directrice principale, communications corporatives et relations médias, au Groupe TMX.
Par ailleurs, elle confirme que les FNB inscrits à la Bourse NEO ne peuvent pas être le sous-jacent d’une option cotée à la Bourse de Montréal.
«À ce jour, le problème n’est pas majeur, mais lorsque ça aura un impact sur la capacité d’inscrire un FNB à notre cote, on relancera un débat ou on contactera le Bureau de la concurrence, car ce type de comportement anti-compétitif n’est pas acceptable», dit Jos Schmitt, président et chef de la direction de NEO.
Répartition du volume de négociations de FNB
Volume enregistré par catégories de fonds de janvier à mai 2020 à la Bourse de Toronto.
Revenu fixe 5 %
Commodités 27 %
Actions 64 %
Catégories d’actifs multiples 2 %
Devises 1 %
Volatilité 0,5 %
Source : Groupe TMX