Si les fonds d’investissement responsable (IR) représentent encore une mince fraction des actifs sous gestion, leur rythme de croissance s’accélère et de plus en plus d’acteurs prennent conscience de leur importance.
Selon une récente étude de Strategic Insight, de Toronto, les fonds d’investissement responsable (IR) accumulaient 10,9 G$ d’actifs au total, à la fin de 2017. Cela représente une part minime de 0,007 % (sept dixièmes de pourcentage) d’actifs totaux de 1,51 B$ en fonds d’investissement au Canada à la même date, selon l’Institut des fonds d’investissement du Canada.
Toutefois, le secteur gagne du terrain. Par rapport à 2011, les actifs sous gestion, qui s’élevaient à 4,45 G$, ont augmenté de 146 %, tandis que les actifs totaux des fonds d’investissement, alors de 770 G$ au Canada, n’ont que doublé.
De 2011 à 2012, les entrées nettes d’argent dans les fonds IR s’élevaient à 39 M$. Depuis, elles n’ont cessé de croître, atteignant un total de 1,22 G$ en 2017, le double des 655 M$ d’entrées en 2016.
Les manufacturiers de fonds pourchassent évidemment la tendance. L’année 2015 voyait le lancement d’un seul fonds IR, 2016 en a vu neuf, et 2017, onze, ce qui porte le total de fonds à 46. À ce jour, 13 manufacturiers offrent des fonds IR, en tête de liste Placements NEI, suivi de Desjardins Gestion internationale d’actifs et d’Ocean Rock Investments. Ces trois acteurs absorbent 75 % des actifs sous gestion dans le secteur.
En 2017, les manufacturiers québécois ont pris la tête du secteur. Desjardins menait la ronde, toujours selon Strategic Insight, son fonds SociéTerre Actions canadiennes représentant la part du lion des entrées nettes d’argent, suivi de Placements IA Clarington et de RBC Gestion mondiale d’actifs.
On peut s’attendre à ce que Desjardins garde le haut du pavé encore en 2018, puisque la société annonçait à la fin de septembre la mise en marché de huit fonds négociés en Bourse IR. À ce jour, seulement trois FNB, totalisant 150 M$ d’actifs, occupaient le territoire IR. «On va devenir le plus important manufacturier au Canada en termes de nombre de produits dans le secteur», affirme Christian Felx, directeur, stratégies systématiques, chez Desjardins Gestion internationale d’actifs, à Montréal.
Objectifs multiples
À ce moment-ci, le thème dominant dans l’IR est celui des changements climatiques, observe Christian Felx, et c’est d’ailleurs sous ce thème que s’inscrivent les huit FNB à venir de Desjardins. Ils répondent évidemment à la principale demande du marché, une demande qui provient surtout de la génération des milléniaux, note Loren Frances, vice-présidente et directrice chez Highview Financial Group, à Toronto.
On peut s’attendre toutefois à ce que l’IR épouse de plus en plus les contours des 17 objectifs d’investissement durable définis par l’ONU en 2015, et où prennent place au premier chef l’éradication de la pauvreté et de la faim, l’éducation et l’égalité des sexes.
Investissement à impact
Un domaine appelé à gagner du terrain est celui de l’investissement à impact social, un secteur dont Loren Frances déplore l’absence presque totale encore dans les fonds d’investissement au Canada. Ici, il ne s’agit plus simplement de privilégier des entreprises dont la conduite ESG est exemplaire, mais plutôt de promouvoir des causes diverses par l’intermédiaire de l’investissement, qu’il s’agisse de logement abordable ou d’égalité des sexes.
Exception à la règle, Placements IA Clarington a récemment acheté une obligation de CIBC visant la participation des femmes à hauteur de 30 % dans les postes de gestion de niveau senior. «CIBC vise ainsi à faire avancer la cause de l’égalité en s’alignant sur les objectifs de l’ONU, et on voit d’autres entreprises épouser ces objectifs», rapporte Dermot Foley, gestionnaire de portefeuille, analyse ESG, chez Placements IA Clarington, à Toronto.
L’IR a définitivement gagné le monde des gestionnaires, qu’ils soient institutionnels ou de fonds communs. À présent, note Loren Francis, «la plupart des gestionnaires de fonds intègrent les facteurs ESG dans leur analyse de risque des entreprises».
Il reste maintenant à convaincre les investisseurs individuels du bien-fondé de l’investissement IR, et au premier chef, leurs conseillers financiers, reconnaît-il. «Il y a encore beaucoup de travail à faire, dit-il. La croyance qu’avec l’IR on sacrifie du rendement reste bien ancrée. Notre rôle est d’écarter cette idée fausse.»
En effet, trimestre après trimestre, Fundata rapporte sur le site de l’Association pour l’investissement responsable des rendements pour les fonds IR qui, dans certains cas, dépassent sensiblement ceux des fonds classiques. Par exemple, dans la catégorie championne des fonds équilibrés, les fonds IR dépassent de près de 2 points de pourcentage les fonds non IR, tant pour des périodes d’un an que de trois et cinq ans.