Le fait d’être un acteur d’importance n’est plus aujourd’hui un gage de réussite. Cet avantage aurait été supplanté par la rapidité et l’agilité à adapter ses modèles d’entreprise, constate Claude Paquin, président, Québec, IG Gestion de patrimoine.
Celui qui dirige cette enseigne au Québec depuis juin 2011 s’en montre toutefois fort enthousiaste. « On vit des choses extrêmement stimulantes. Je crois fermement qu’on va voir plus de changements dans l’industrie au cours des 3 prochaines années qu’on en a vécu au cours des 30 dernières », dit-il en évoquant notamment l’adoption massive de nouvelles technologies.
La pandémie de la COVID-19 contribue à conforter son analyse. « Nous savions qu’un jour, la technologie allait prendre une place prépondérante dans nos modèles d’affaires, mais nous avons fait en trois mois ce qu’on devait faire en trois ans. »
Cette crise a accéléré énormément de choses. Nous avons été catapultés dans un monde pour lequel nous n’étions pas vraiment prêts, témoigne-t-il. « Nous pensions l’être, mais nous ne l’étions pas complètement. Puis, une fois que l’adrénaline est retombée, nous avons adapté nos façons de communiquer et de faire les choses et en avons trouvé de nouvelles. »
Notre plan stratégique n’a pas changé, ajoute Claude Paquin. « Nous avons juste accéléré certaines sphères et mis beaucoup de ressources sur le volet technologique. » Cela a fait qu’en l’espace d’environ deux semaines, « sans dire que c’était business as usual, tout le monde dans nos équipes était fonctionnel et nous étions organisés d’un point de vue technologique ».
Claude Paquin trouve particulièrement intéressante la vitesse à laquelle son organisation a adapté ses plateformes technologiques au cours des trois derniers mois. « Aujourd’hui, nous sommes capables de tout faire à distance, que ce soit de faire des affaires virtuellement avec nos clients ou même d’amener un nouveau client sur notre plateforme. » D’un point de vue de l’apprentissage, ç’a été fascinant, dit-il.
Des sciences à la finance
On ne peut s’étonner d’une telle réaction de la part de Claude Paquin. Son parcours semble en effet l’avoir préparé à faire face aux imprévus et à s’adapter.
Natif de Trois-Rivières, Claude Paquin a grandi entouré de trois frères, dans un quartier de la classe moyenne où vivaient une quarantaine de jeunes de son âge. « J’aimais beaucoup l’activité physique et j’ai passé mon enfance à jouer dehors », raconte-t-il.
Au sortir de l’adolescence, un imprévu l’envoie toutefois bien loin de la maison, alors que la journée où il doit entrer au cégep de Trois-Rivières, l’établissement est confronté à une grève. La situation le décourage un peu, mais il cherche immédiatement un plan de rechange.
« J’ai grandi dans un environnent sportif et j’aimais beaucoup les sciences. J’avais entendu parler de l’Université de Moncton, qui était très reconnue pour le hockey. Nous étions à la fin des années 1970, et à Moncton, il n’y avait alors pas d’exigence de diplôme collégial. À l’époque, il n’y avait pas d’Internet, alors trois jours plus tard, je m’y suis rendu et on m’a accepté. »
Bien que Claude Paquin n’ait jamais eu l’occasion de jouer au hockey à Moncton en raison d’une blessure à un genou, il y termine son baccalauréat en sciences de l’activité physique. Fraîchement diplômé, il doit reporter son retour en Mauricie. « J’ai été diplômé au début des années 1980 et une récession très importante frappait l’est du pays, particulièrement le Québec », explique-t-il.
Devant des « taux de chômage astronomiques », il opte pour un programme fédéral d’immersion qui lui procure un poste d’enseignant de sciences et de mathématiques, à Winnipeg, au Manitoba. L’année que Claude Paquin prévoit passer là-bas s’étire finalement sur près de 10 ans. « Dès le jour un, je savais que je ne ferais pas ça toute ma vie, mais j’ai tout de même enseigné 3 ans et j’ai adoré ça. »
En 1985, on lui offre même la direction d’une école. Un signal que sa carrière doit prendre un autre chemin. Son intérêt grandit d’ailleurs pour le milieu professionnel dans lequel travaille un ami, soit la finance. Claude Paquin n’hésite pas à retourner sur les bancs d’école, à l’Université du Manitoba, afin d’étudier la finance, tout en se joignant comme conseiller en 1986 à IG Gestion de patrimoine, alors connu comme le Groupe Investors.
« Cela fait maintenant 34 ans et les choses ont vraiment bien tourné pour moi », signale Claude Paquin, qui se considère comme chanceux d’être tombé sur un modèle d’entreprise qui lui convenait, un modèle entrepreneurial. « Je ne sais pas si j’aurais eu la même carrière si j’étais entré dans une institution plus conventionnelle, par exemple dans un environnement bancaire », se questionne-t-il.
Quoi qu’il en soit, son esprit d’entrepreneur est mis à profit, et en 1992, il fait son retour au Québec avec le mandat d’ouvrir le bureau de Trois-Rivières. « C’était comme une page blanche, car tout était à bâtir. J’ai appris beaucoup », dit Claude Paquin concernant cette première occasion dans un poste de gestion.
« À Winnipeg, entre 1986 et 1992, j’avais compris que j’avais beaucoup plus d’intérêt pour la gestion que de demeurer conseiller », ajoute-t-il. L’expérience en Mauricie le conforte dans son impression et, en 1996, on lui confie la responsabilité du bureau de Québec, qui couvre le territoire de la Beauce et de tout l’Est du Québec.
Il occupera ce poste jusqu’en 2007 avant de converger avec sa famille à Montréal, afin d’occuper le poste de vice-président principal. Il sera nommé président pour le Québec en 2011.
Un joueur d’équipe
Évoquant son passage à Québec, Claude Paquin dit y avoir mené « l’une des équipes les plus performantes, sinon la plus performante au pays ». Il en parle comme d’une « équipe diversifiée, compétente et polyvalente, qui était très avant-gardiste à l’époque, dans un modèle très technique qui comprenait toutes sortes de profils de professionnels, y compris des fiscalistes et des comptables, et une majorité de planificateurs financiers ».
« Claude est un rassembleur, un joueur d’équipe. Il n’hésite pas à reconnaître le travail de chacun des membres de l’équipe. Quand on atteint une cible, c’est en équipe que se fait la reconnaissance », témoigne Christine Décarie, qui a travaillé avec Claude Paquin sur plus de 20 ans, dont une douzaine
d’années directement au sein de son équipe.
« Pour moi, un grand leader, c’est quelqu’un qui a une vision pour son entreprise, la communique et motive son équipe afin d’atteindre cet objectif. De plus, c’est quelqu’un qui s’entoure de personnes compétentes et engagées, car il sait qu’il ne peut y arriver seul. Je trouve que Claude remplit toutes les “cases” », ajoute Christine Décarie, nommée « Gestionnaire de portefeuille de l’année » en marge du gala 2015 du Top 25 de l’industrie financière de Finance et Investissement.
Miser sur la compétence
La « polyvalence » et la « compétence » sont des aptitudes chères à Claude Paquin. Elles teinteront constamment sa volonté d’ajouter de la valeur à l’offre de services de l’enseigne, en misant sur l’amélioration continue du niveau de connaissances et de compétences des conseillers de son réseau.
IG Gestion de patrimoine a développé des liens étroits avec le réseau universitaire au Québec et implanté un programme de stages. Après une dizaine d’années, ce programme arrivé à maturité permet aux différents bureaux du réseau québécois d’accueillir entre 25 et 30 stagiaires annuellement, issus d’une « génération de jeunes qui arrivent déjà formés en finance ou en comptabilité », souligne Claude Paquin.
Ces stagiaires, qui sont jumelés à des conseillers d’expérience dans le cadre de programmes de mentorat et de coaching, peuvent même prendre part à une transition de la clientèle lorsque le conseiller d’expérience prévoit partir à la retraite. « C’est devenu notre pépinière », dit Claude Paquin. Le nombre de conseillers au Québec s’élève à 731, incluant 219 associés, au 30 avril 2020.
En 2015, Claude Paquin confirme ensuite sa volonté d’imposer l’obtention du titre de planificateur financier (Pl. Fin.) au sein de son réseau de conseillers. Environ la moitié sont alors déjà diplômés de l’Institut québécois de planification financière (IQPF), soit un peu plus de 250 conseillers.
Rétrospectivement, il est d’avis qu’il s’agit de l’une « des décisions les plus importantes qu’on ait prises dans les dernières années », puisqu’elle est venue « mettre la barre à un certain niveau de connaissances ».
Une barre qui sera de nouveau relevée à la suite d’une rencontre tenue en février 2016, au cours de laquelle il isole toute son équipe de direction pendant plus de deux jours.
L’exercice « a été un moment important dans la recherche et l’évolution de notre modèle d’affaires. Je ne saurais dire s’il s’agit d’un événement charnière dans ma carrière, mais sans ces deux jours et demi, je ne sais pas si on serait rendu où on en est présentement. »
« C’est vraiment intéressant de constater le chemin qu’on a parcouru depuis, en matière de prestation de services et d’uniformisation de l’expérience client », ajoute Claude Paquin.
Cette prestation de services s’articule autour du conseiller et de son équipe, qui demeurent le point de contact avec le client. Elle est bonifiée de plusieurs niveaux d’expertise technique, par l’entremise d’experts attachés aux bureaux régionaux et au siège social, par exemple des fiscalistes, des comptables et des notaires.
Une autre décision importante a été, à compter de 2017, d’abandonner progressivement l’option d’achat avec frais d’acquisition reportés (FAR) pour ses fonds communs de placement, même si les régulateurs provinciaux n’avaient pas encore décidé s’ils allaient ou non les interdire. Cette transition s’est bien faite, note Claude Paquin : « Il n’y a jamais eu de diminution des revenus des conseillers. [Au contraire], les revenus ont continué à augmenter. »
Grand amateur de baseball, Claude Paquin, qui est président et cofondateur du Centre régional de baseball haute performance de Québec, estime qu’une équipe, pour être performante, doit réunir des gens dont le rôle, l’expérience et l’expertise sont complémentaires. Pour compléter son « équipe », il aimerait maintenant développer un centre d’expertise en planification financière, fiscale et successorale.
Claude Paquin estime que si, historiquement, « notre entreprise en est vraiment une de gestion de placements, l’évolution de notre modèle d’affaires a fait qu’elle est devenue multidisciplinaire ».
Résultat de cette dynamique insufflée par Claude Paquin : l’actif sous gestion (ASG) en fonds communs de la firme au Québec est passé de 10,4 G$ au 31 mars 2013 à 15,98 G$ au 30 avril 2020. Durant cette période, l’ASG a crû à un rythme annuel composé de 6,25 %.