Jérôme Brassard est devenu directeur régional, Québec, de RBC Dominion Valeurs mobilières (RBC DVM) en octobre dernier. Il succède ainsi à Paul Balthazard, après avoir été son bras droit quelques années.
«J’ai toujours été curieux et intéressé par la finance, mais il y a encore des jours où je me pince. Comment un petit gars de Chicoutimi a pu se rendre là ? Chicoutimi, c’est quand même un peu loin de Wall Street», lance Jérôme Brassard.
C’est le 9 juin 1997 que ce diplômé en Administration et gestion des affaires de l’Université du Québec à Chicoutimi (1995) a intégré le bureau que RBC DVM ouvrait alors au Saguenay-Lac-Saint-Jean, à titre de conseiller en placement (CP). «Et je saigne bleu, car je n’ai connu que RBC DVM dans toute ma carrière», précise-t-il.
Jérôme Brassard avait alors 24 ans. «J’essayais de convaincre des entrepreneurs fortunés de me faire confiance. C’était difficile et j’en ai fait du millage dans ma petite Volkswagen Golf. Mais la beauté du Saguenay-Lac-Saint-Jean, c’est qu’il s’agit d’un petit monde et que ma famille avait une bonne réputation, alors ça m’a aidé», dit celui dont le père était entrepreneur dans le secteur de la construction.
Jérôme Brassard a ensuite développé des marchés sur la Côte-Nord, «de Baie-Comeau jusqu’à Sept-Îles, où personne ne voulait aller», puis a été promu directeur de la succursale après trois ans en poste.
Ce premier mandat à titre de gestionnaire lui a permis de découvrir les coulisses de la firme, tant sur le plan de l’organisation du travail, des relations avec la banque, de la technologie, que de la conformité. Tout cela l’a beaucoup intéressé.
Lorsque David Agnew, alors responsable pour le Québec [aujourd’hui chef de la direction, RBC Gestion de patrimoine –Canada], a communiqué avec lui en février 2002 pour l’informer qu’on recherchait un directeur adjoint à la succursale de la Place Ville Marie afin de travailler avec Paul Balthazard, il a foncé.
«Quitter ma clientèle a été un moment difficile, car j’adorais servir les clients et toute la dimension de développement des affaires», témoigne Jérôme Brassard. Néanmoins, son bagage de CP est sans doute ce qui lui est le plus utile tous les jours depuis ce temps.
«À Chicoutimi, nous étions quatre conseillers et j’avais une adjointe, alors je faisais pas mal tout moi-même. Cela m’a permis de comprendre les rouages de cette business. Quand tu travailles en région, tu deviens une sorte “d’infirmière de brousse”, car tu dois être prêt à faire face aux situations les plus banales et les plus complexes. Ce fut une très bonne école.»
En 2003, Paul Balthazard est nommé responsable pour le Québec; Jérôme Brassard devient l’adjoint de François Breton à la succursale de la Place Ville Marie pendant deux ans, avant d’être nommé directeur de la succursale de Québec.
Il est demeuré six ans en poste à Québec avant de prendre la relève de François Breton à titre de directeur de la succursale de la Place Ville Marie. Jérôme Brassard a assumé ce rôle jusqu’en juillet 2019, soit jusqu’au moment où Paul Balthazard a annoncé son intention de prendre sa retraite, et que s’est amorcée la transition.
«J’ai de gros souliers à chausser, bien que j’aie de grands pieds», dit en riant Jérôme Brassard, qui mesure 6 pieds et 8 pouces.
Courtier en mutation
L’arrivée en poste de Jérôme Brassard a d’abord marqué la réingénierie des succursales du centre-ville. Ainsi, la succursale de la Place Ville Marie a été scindée en deux, et celle du 1000 de la Gauchetière a été relocalisée à la Place Ville Marie, ce qui en fait maintenant trois dans l’iconique édifice. Cette réorganisation a d’ailleurs été soulignée par des départs à la retraite et un changement de garde dans l’équipe de direction.
«Faire de la place au leadership féminin semble toujours être un défi dans l’industrie, mais nous avons pris ce tournant. Le comité managérial de RBC DVM compte maintenant beaucoup de sang neuf et une présence féminine plus importante. Nous avons notamment deux directrices de succursales au Québec, et mon bras droit est une femme», indique Jérôme Brassard.
Il réfute d’ailleurs l’étiquette de Old Boys’ Club que certains associent à RBC DVM. Il y a là beaucoup plus de perceptions que de réalités, selon lui:«Nos compétiteurs sont assez bons pour promouvoir ces légendes urbaines, mais depuis que Paul a pris la direction de la province, en 2003, cette perception s’est beaucoup atténuée, et depuis que je suis dans l’équipe de direction, je n’ai jamais vraiment eu ce sentiment.»
Idem pour cette image de firme de Bay Street, à Toronto. «Au Québec, RBC DVM est une firme très provinciale. On continue d’avoir une présence importante au Saguenay-Lac-Saint-Jean, tout comme en Beauce, et nous avons un bureau en Abitibi-Témiscamingue depuis deux ans», dit Jérôme Brassard. Il évoque également un important projet destiné à améliorer la présence de la firme en Montérégie, qui est en voie d’être achevé.
«Je suis un gars de l’Est-du-Québec qui connaît très bien les plus petits marchés. La représentation provinciale est importante pour moi, alors tout en maintenant notre position dominante sur l’île de Montréal, nous allons continuer de grossir notre force de vente en région», dit-il.
L’important étant de «bien répartir le talent et [de] ne pas tomber dans la complaisance en imaginant qu’on couvre tous les angles. Ce n’est jamais le cas et il faut continuellement être allumé et chercher les opportunités», ajoute Jérôme Brassard.
Dans les dernières années, RBC DVM a profité de quelques vents de dos. La firme a recruté chez ses concurrents des conseillers ayant d’importants blocs d’affaires, entre autres en raison de la bonne réputation du courtier et de la satisfaction de ses conseillers. Ceux-ci apprécient sa culture, son soutien offert aux clients fortunés, l’ampleur de ses investissements technologiques, sa grille de rémunération stable depuis quelques années, selon le Pointage des courtiers québécois de 2021.
La hausse du taux d’épargne découlant du confinement de la population et la croissance des marchés financiers l’ont aussi aidé à croître.
Pour la période d’un an se terminant le 28 février 2021, l’actif sous gestion (ASG) de RBC DVM est passé de 56,1 G $ à 65,79 G$, soit une croissance de 17,3 %. En guise de comparaison, l’actif sous gestion cumulatif d’un groupe de cinq courtiers qui ont fait partie du Pointage des courtiers québécois de 2020 et de la même enquête en 2021 a crû de 11,8 % pour la même période.
De même, le nombre de conseillers ayant un code de représentant est demeuré stable durant cette période, passant de 241 à 242. Ce nombre était de 244 le 4 mai 2021, alors que l’ASG était de 67 G$ à cette date.
RBC DVM cherche d’ailleurs toujours à bonifier son équipe. «La démographie est une réalité avec laquelle toute l’industrie doit composer. Maintenir la croissance du nombre de CP est un défi colossal, ne serait-ce qu’en raison des départs à la retraite. Il faut donc continuellement recruter et dénicher le talent où qu’il se trouve», estime Jérôme Brassard.
Il évoque ainsi le recrutement de conseillers établis, mais aussi celui de nouveaux conseillers. «Nous cherchons constamment à convaincre des jeunes à faire leur place dans cette industrie», dit Jérôme Brassard. Il signale d’ailleurs un programme de formation à l’intention des jeunes conseillers, qui est «très élaboré et dans lequel nous investissons beaucoup».
Tourné vers l’après-crise
L’entrée en scène de Jérôme Brassard a été marquée par la conjoncture résultant de la crise sanitaire. «Je n’ai pas encore eu la chance d’être dans une salle de conférence avec des gens de mon équipe, de leur parler et de connecter en personne avec eux», déplore-t-il.
S’il était résigné à subir les deux premiers trimestres de 2021 assez lourds en raison du contexte, il voit évoluer la campagne de vaccination et nourrit certains espoirs pour les deux trimestres à venir. «Je n’ai pas de boule de cristal, mais l’été pourrait nous apporter de l’énergie et un rebond pour le 4e trimestre, alors que nous pourrions commencer à réintégrer un peu des employés en succursales», indique Jérôme Brassard.
Il aimerait pouvoir relancer la machine en 2022 avec une toute nouvelle énergie et un «retour à notre vieille zone de confort, mais en utilisant ce qu’on a acquis dans les 15 derniers mois comme initiative», dit-il. Jérôme Brassard évoque particulièrement l’important déploiement technologique qui a marqué cette période.
«Lorsque tout s’est arrêté, nous avons accéléré des projets sur lesquels on travaillait depuis des mois, si ce n’est des années, par exemple sur la manière dont on ouvre les nouveaux comptes ou dont on obtient les signatures des clients.»L’impact a été révélateur, témoigne Jérôme Brassard. Cela a permis à RBC DVM de maintenir efficacement ses services et de continuer à accueillir de nouveaux clients.
Il reste encore du travail à faire avant d’atteindre l’intégration de nouveaux clients de manière 100 % numérique, entre autres pour les comptes d’entreprise. «C’est un peu plus compliqué, mais en voie de se régler», indique Jérôme Brassard.
Selon lui, ses CP rendent disponible une expertise qui aura toujours une grande valeur aux yeux du client. Il faut maintenant y ajouter la bonne technologie, car la vie des clients se complexifie. «Qu’il soit question de fiscalité, de succession ou de philanthropie, ils s’attendent non seulement à ce qu’on puisse les aider dans leur processus décisionnel, mais que ce soit fait de manière efficace, et même à avoir l’information en temps réel», estime Jérôme Brassard.
Lorsqu’elle se compare, la firme possède une très bonne plateforme technologique. Ses conseillers lui accordent des notes enviables pour les critères d’évaluation qui y sont liés, montre le Pointage des courtiers québécois. On apprécie l’efficacité de la techno pour le soutien administratif (back office) et la production de relevés de compte. En plus de recevoir le relevé dicté par le cadre réglementaire, les clients peuvent recevoir un rapport complémentaire produit par leur conseiller en fonction de leurs intérêts ou de la pertinence des données.
Or, sur le plan technologique, on ne peut jamais penser qu’on est à destination, estime le dirigeant. C’est pourquoi «investir dans des technologies qui vont faire la différence pour le futur de nos conseillers, mais surtout pour le futur de nos clients, est notre chemin des prochains mois et des prochaines années», selon Jérôme Brassard.
RBC DVM peut compter sur une équipe de 750 personnes au Québec pour atteindre ce but, dit-il. «On parle de 244 conseillers, mais ils sont appuyés par des associés, des experts, qui apportent eux aussi énormément de valeur au client.»