Avec l’adoption du projet de loi 141, elle refait surface : pourquoi ne pas transférer la responsabilité de l’inspection des cabinets de l’Autorité des marchés financiers (AMF) à la Chambre de la sécurité financière (CSF) ? Certains le souhaitent d’emblée, d’autres affichent plus de prudence.
Rappelons-le, l’AMF est chargée de l’inspection des cabinets, alors que la CSF se charge de l’inspection des représentants. «Comme ils viennent pour inspecter les individus, pourquoi n’inspecteraient-ils pas le cabinet en même temps ? Dans 95 % des cas, c’est la même affaire !» fait valoir Gino-Sébastian Savard, président de MICA Cabinets de services financiers.
Vice-président du conseil d’administration de la CSF, Gino Savard se dit satisfait du travail de l’AMF. Cependant, il croit que le transfert se traduirait par une seule inspection, ce qui correspondrait au souhait de simplification du processus formulé par le ministre des Finances, Carlos Leitão, lors des débats concernant le projet de loi 141.
«Je vois davantage l’Autorité comme l’instance suprême de vérification, la police des services financiers, mais pas nécessairement un organisme de terrain», juge Gino Savard.
Un ex-ministre favorable
«Je voudrais encore évaluer l’ensemble des éléments, mais je pense qu’on est plus près que jamais de cela», estime Alain Paquet, économiste et professeur titulaire au Département des sciences économiques de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).
Député libéral de Laval-des-Rapides à l’Assemblée nationale de 2003 à 2012, Alain Paquet a été ministre délégué aux Finances en 2011 et 2012. Pendant ces neuf années, il a suivi de près l’évolution du secteur financier au Québec et continue de s’y intéresser aujourd’hui.
En 2011, il était d’avis que le fruit n’était pas mûr pour le transfert de la responsabilité d’inspection de l’AMF à la CSF. Selon lui, la CSF était, à l’origine, une association qui se souciait surtout de l’intérêt de ses membres.
«Il fallait correctement mettre en oeuvre l’élément d’autoréglementation pour bien protéger le public, et ainsi distinguer les deux tâches», soutient-il. Il considère maintenant que le principe d’autoréglementation a clairement fait ses preuves.
Alain Paquet déplore que le projet de loi 141 permette maintenant la vente de produits financiers par Internet, une autre raison qui vient renforcer, selon lui, l’idée de confier la responsabilité de l’inspection des cabinets à la Chambre. «Ce serait tout à fait logique et défendable. L’inspection se ferait de la même façon, mais l’Autorité conserverait bien sûr le volet vérification. Cela maintiendrait le contrepoids qui permet de bien protéger le public et d’avoir une évaluation rigoureuse du travail des représentants.»
Des bémols
«Je suis partagé. Le système actuel fonctionne, mais on peut grandement l’améliorer», avance de son côté Maxime Gauthier, chef de la conformité de Mérici Services Financiers. Il rappelle qu’un courtier en épargne collective comme Mérici est assujetti à la Loi sur les valeurs mobilières, alors que ses activités de cabinet de services financiers sont régies par la Loi sur la distribution de produits et services financiers. *
«En tant que courtier en épargne collective, l’inspection de l’AMF se déroule généralement bien. Je ne souhaite pas nécessairement qu’on change pour que ça soit plus compliqué et qu’on doive refaire l’exercice», précise-t-il. Il reconnaît qu’il peut y avoir des avantages à ce que la CSF s’occupe de l’inspection à la fois des cabinets et des représentants, mais il escompte une proposition concrète en ce sens.
Dans l’industrie, les réactions se font rares. iA Groupe financier a décliné notre demande d’entrevue, de même que le Mouvement Desjardins. Le porte-parole de ce dernier, Jacques Bouchard, a indiqué qu’aucun interlocuteur n’était disponible en raison de la période des vacances.
Finance et Investissement a également communiqué avec six conseillers. Certains n’ont pas donné suite à notre demande ou l’ont déclinée, d’autres se sont dits très satisfaits du travail d’inspection de l’AMF sans entrer dans les détails, ou encore ont répondu qu’ils n’étaient pas à l’aise avec la question.
Quant aux principaux intéressés, l’AMF a répondu qu’«en tout respect pour ces idées», elle n’accordera pas d’entrevue sur le sujet.
De son côté, la Chambre a fait connaître sa position par courriel : «Si jamais c’est ce que souhaite l’industrie, un processus de consultation en accord avec le régulateur devra se tenir et, le cas échéant, la CSF verra à se prononcer sur la question. Nous n’avons pas d’autres commentaires à formuler pour le moment.»
* Dans ce texte, l’expression cabinet retroupe les courtiers en épargne collective et les cabinets de services financiers.