L’autorité des marchés financiers (AMF) entend mener une nouvelle consultation sur la distribution de produits d’assurance par Internet à l’automne 2021.

C’est l’une des priorités figurant au plan stratégique de l’AMF pour la période de 2020 à 2024, qui sera mis en oeuvre en avril prochain. Ces priorités ont été présentées par Louis Morisset, président-directeur général de l’AMF, lors du 14e Rendez-vous de l’AMF, le 25 novembre.

Le parcours qui a mené à l’adoption du règlement sur les modes alternatifs de distribution a été riche en débats. Dans le cadre des consultations, la Coalition des associations de consommateurs du Québec a souligné les problèmes potentiels liés à la distribution par Internet, dont le fait de permettre un cadre qui favorise la comparaison des produits uniquement en fonction de leur prix plutôt qu’axée sur leur qualité.

Certains représentants se sont opposés au règlement qui permet la distribution sans passer obligatoirement par un représentant en assurance de personnes. Enfin, les assureurs ont réclamé un cadre souple afin de répondre aux besoins des clients.

Le règlement, qui est entré en vigueur en juin 2019, fait en sorte «que le consommateur soit aussi bien protégé, peu importe le canal, a dit Louis Morisset. On voulait éviter d’être un frein au développement des nouveaux modèles d’affaires.»

«Nos équipes ont développé un cadre de surveillance robuste qui vise bien sûr à ce que les obligations soient respectées. On ne constate rien de non anticipé», a assuré Louis Morisset.

«Mais on le sait, avec l’avènement de l’intelligence artificielle, les choses pourraient se complexifier au cours des prochaines années. Et c’est pour ça qu’on suit de près le dossier et on souhaite, à l’automne 2021, lancer une nouvelle consultation. On veut faire part de nos constats, obtenir votre rétroaction sur ce que vous constatez et voir si la réglementation mériterait à nouveau d’être améliorée», a-t-il expliqué aux participants au Rendez-vous de l’AMF.

Fardeau réglementaire allégé ?

Parmi les enjeux qui feront partie du plan stratégique de l’AMF 2020-2024, Louis Morisset prévoit mieux tirer parti des données dont son organisation dispose, notamment avec l’intelligence artificielle.

«Nous pensons pouvoir développer grâce à l’intelligence artificielle, grâce aux techniques de traitement du langage naturel, grâce au machine learning [apprentissage automatique], des façons de mieux faire notre travail», a-t-il dit. L’AMF veut aussi favoriser les regtechs, ces entreprises qui aident les assujettis à mieux se conformer à la réglementation.

«On veut s’intéresser à la charge de conformité. On est conscient que depuis la dernière crise, beaucoup de réglementation a été développée. Elle était nécessaire, mais on ne s’est pas beaucoup arrêté à réfléchir aux obligations et aux impacts de celle-ci», a indiqué Louis Morisset.

«Est-ce qu’on peut l’alléger ? Est-ce qu’on peut l’optimiser ? On va s’intéresser à ces questions au cours des prochaines années.»

Protéger les clients vulnérables

La protection des clients vulnérables, dont les personnes âgées, est un autre chantier qui occupera l’AMF au cours des prochaines années.

L’industrie québécoise des services financiers compte environ 149 000 travailleurs, a souligné Frédéric Pérodeau, surintendant de l’assistance aux clientèles et de l’encadrement de la distribution à l’AMF, en marge du Rendez-vous de l’AMF.

Selon lui, ce sont autant de «sentinelles sur le terrain qui sont susceptibles de faire une différence dans la trajectoire des personnes les plus vulnérables». Comme régulateur, il vise à les outiller pour prévenir les situations de maltraitance, les détecter et y intervenir.

Les cas de maltraitance des personnes vulnérables sont souvent extrêmement délicats à gérer pour un courtier, un cabinet ou un représentant. Souvent, l’abuseur est une personne de l’entourage proche d’une personne âgée ou vulnérable.

Or, le cadre réglementaire actuel est contraignant pour l’industrie, même lorsqu’un de ses membres constate un abus. Par exemple, un représentant ne peut pas refuser un ordre de rachat si celui-ci provient d’un client apte, même s’il sait que son client est sous l’influence d’un abuseur. Au mieux, il peut retarder la transaction en lui expliquant qu’il a besoin de temps pour revoir son plan et s’assurer de la convenance.

De plus, l’encadrement légal et réglementaire interdit à un représentant de communiquer à un tiers les informations confidentielles d’un client.

«C’est une question juridique complexe qui touche des notions de déontologie, de discipline, de responsabilité professionnelle, de droit civil, et de protection des renseignements professionnels», a dit Frédéric Pérodeau.

Pour aider les représentants à avoir les bons réflexes en cas de maltraitance, Frédéric Pérodeau invite les représentants et leurs patrons à consulter le guide pratique intitulé Protéger un client en situation de vulnérabilité .

«Ils peuvent aussi nous appeler s’ils ont des questions. Nous avons développé notre expertise sur le sujet.»

Pouvoirs accrus aux conseillers

L’AMF travaille actuellement avec les Autorités canadiennes en valeurs mobilières afin de créer un cadre réglementaire convenable pour protéger les clients vulnérables. Celui-ci se déclinera en quatre volets.

Le premier permettra aux assujettis de demander les coordonnées d’une personne de confiance à laquelle le représentant pourra s’adresser s’il a des motifs raisonnables de penser que son client est victime de maltraitance. «Idéalement, ce n’est pas la personne qui détient une procuration ou un mandat. Il y a déjà plusieurs firmes qui le font contractuellement», a dit Frédéric Pérodeau.

Le deuxième consistera à donner explicitement la permission de refuser un ordre ou un retrait lorsqu’on a un motif raisonnable de croire que la personne est victime de maltraitance.

Le troisième accordera une sorte d’immunité (safe harbor) au représentant selon les balises suivantes : «Si vous avez des motifs raisonnables de penser que votre client est victime de maltraitance ou de déclin cognitif, vous obtiendrez une certaine immunité.»

Le dernier volet obligera les firmes de l’industrie à accorder suffisamment de temps à un représentant pour gérer la situation lorsqu’il a un motif raisonnable de penser que son client est en position de vulnérabilité. Le but est qu’il puisse suivre les meilleures pratiques, respecter l’autonomie, le rythme et la volonté de son client.

«Si les impératifs de production sont trop importants, je ne voudrais pas qu’une personne puisse détourner le regard devant une situation de maltraitance, parce que ce sont des situations qui prennent du temps à gérer», a expliqué Frédéric Pérodeau.

Il s’attend à mettre en place un cadre réglementaire semblable dans le secteur de la distribution d’assurance.