À l’automne 2017, un coup de tonnerre éclate dans le ciel d’Optimum Gestion de Placements : le chef des placements et deux gestionnaires de portefeuille d’expérience se joignent à Fiera Capital.
Le coup est rude. L’équipe des titres à revenu fixe d’Optimum Gestion de Placements comptait alors cinq gestionnaires de portefeuille et trois directeurs de gestion de revenu fixe. Plus du tiers de l’équipe se volatilisait d’un seul coup.
Quelques mois plus tard, en février 2018, la direction ripostait en faisant l’acquisition du gestionnaire émergent Les Conseillers en valeurs Razorbill et en cooptant la totalité de ses effectifs.
Fondée en 2013 par d’ex-spécialistes de dérivés de crédit de la Banque Nationale, Razorbill avait développé son expertise en crédit d’entreprise, finance quantitative et stratégies de rendement absolu.
Les cofondateurs de Razorbill, Pierre-Philippe Ste-Marie, Robert Hesselbo et Sylvain Crouzet, sont ainsi passés chez Optimum à titre, respectivement, de chef des placements des titres à revenu fixe ; vice-président, technologie financière ; et vice-président, modélisation financière.
Un quatrième dirigeant de Razorbill, Hugues Sauvé, a été nommé vice-président, gestion active. Le chef des ventes, Roger Kenyon, ainsi que le directeur des opérations et responsable de la conformité, Arthur Tishkevich, ont également été repêchés par Optimum dans des fonctions reliées à leurs champs de compétence.
«Le train était lancé»
La quasi-totalité de l’actif géré de Razorbill était constituée d’un mandat de Gestion de portefeuille Landry et de deux mandats du Programme des gestionnaires en émergence du Québec (PGEQ), dont l’un en gestion alternative.
Le site du PGEQ précise que le mandat en gestion alternative se rapportait au Fonds Razorbill Valeur Relative Actifs croisés. En avril dernier, ce fonds affichait 32,8 M$ en actif sous gestion. Le second mandat, en gestion traditionnelle, concernait le Fonds d’obligations canadiennes Razorbill Beta Plus. En avril dernier, ce fonds avait 47,2 M$ en actif sous gestion.
«Le PGEQ nous a permis de démontrer notre efficacité. La tendance à la levée d’actif s’est mise à s’accélérer en 2017», raconte Pierre-Philippe Ste-Marie, qui était alors responsable de l’exécution et des méthodes d’analyse de la jeune pousse de Westmount.
Toutefois, il est bien connu que les gestionnaires émergents comme Razorbill qui ne s’adressent qu’aux investisseurs institutionnels doivent s’armer de patience, de beaucoup de patience. En effet, il faut de longs et convaincants historiques de rendements avant d’obtenir des mandats de gestion.
«En décembre 2016, nous nous sommes mis à étudier divers scénarios d’alliances stratégiques. Nous avions alors environ 50 M$ en actif sous gestion. Nous avions tenté de lever du capital pendant trois ans, ce n’était pas facile», se remémore Pierre-Philippe Ste-Marie, maintenant chef des placements des titres à revenu fixe d’Optimum.
En 2017, poursuit-il, diverses firmes de gestion d’actif se sont intéressées à Razorbill dans le cadre de la planification de plans de succession. «Les organisations sont toujours à l’affût de gestionnaires. À un moment donné, il y a eu l’offre d’Optimum. Le train était lancé !» évoque Pierre-Philippe Ste-Marie.
Fondée en 1969, Optimum Gestion de Placements est une filiale du réassureur montréalais Groupe Optimum. La direction de la firme signale, sur son site web, gérer un actif de 6 G$. Sa clientèle est composée de caisses de retraite, de fondations, de communautés religieuses et d’assureurs. La société dispose également d’un service de gestion privée.
Un «virage»
Optimum Gestion de Placements aurait pu jeter son dévolu sur des gestionnaires de firmes bien établies avec des historiques de rendements étoffés. Pourquoi avoir misé sur les gestionnaires émergents aux profils atypiques de Razorbill ?
Brigitte Gascon, vice-présidente principale, développement chez Optimum, décrit l’acquisition de cette jeune pousse comme un «virage basé sur l’étude de tendances d’industrie».
Le vice-président exécutif d’Optimum Gestion de Placements, Patrick Lamontagne, explique qu’Optimum a considéré trois facteurs dans sa décision.
La capacité à s’intégrer à une équipe et à une culture de travail : «Il y avait risque de briser la chimie d’équipe. Nous avons eu plusieurs rencontres et beaucoup d’échanges avec les gens de Razorbill. Nous avons pu constater leurs grandes qualités humaines», dit-il.
La capacité à comprendre les modèles quantitatifs : «Optimum Gestion de Placements a été créée par des actuaires. L’approche et les stratégies sont naturellement quantitatives. Nous avions besoin de gens qui les comprennent et qui peuvent les faire évoluer. La façon de penser des actuaires d’Optimum rejoignait celle des gens de Razorbill», précise Patrick Lamontagne.
L’apport en technologies financières innovantes : «Les gens de Razorbill ont construit une plateforme informatique qui analyse en temps réel plus de 30 000 titres issus de plus de 750 émetteurs. Pour nous, cela est inespéré», dit Patrick Lamontagne.
Soulignons que sur les trois fondateurs de Razorbill, deux sont titulaires d’un doctorat, l’un en physique théorique, l’autre en programmation mathématique. Le troisième a, pour sa part, une maîtrise en finance computationnelle de l’Université Carnegie Mellon.
«La plateforme est le fruit de plusieurs années d’efforts !» précise Pierre-Philippe Ste-Marie.
De nouveaux produits
L’acquisition de Razorbill pourrait raccourcir le cycle de production de nouveaux produits d’Optimum Gestion de Placements. «Nous sommes des leaders en gestion de revenu fixe avec une majeure quantitative et nous entendons le demeurer. Toutefois, la persistance des bas taux d’intérêt nous incite à retourner à la planche à dessin. Il faut élargir la gamme de produits et ajouter une autre dimension à notre offre. L’expertise en stratégies de rendement absolu de Razorbill nous aidera à y parvenir», affirme Patrick Lamontagne.
Aux yeux du vice-président exécutif d’Optimum Gestion de Placements, «l’organisation a pris un virage tout en conservant son ADN. Avec l’expertise des gens de Razorbill et la plateforme informatique, Optimum accélère son développement. On a peut-être gagné 10 ans, le temps qu’il aurait fallu pour développer une plateforme de ce genre !» estime Patrick Lamontagne.