En juillet, le gouvernement du Québec a émis des obligations vertes pour donner la possibilité aux citoyens de contribuer au financement du Réseau express métropolitain (REM). Un moyen d’épargner tout en agissant pour l’environnement.
Une obligation verte fonctionne comme toute autre obligation. Celles émises pour le REM par le gouvernement ne diffèrent pas des standards : leur durée sur cinq ans et leur taux fixe de 2,4 % par an sont dans les normes. Là où elles se distinguent, c’est qu’au lieu «d’être versé dans le portefeuille du gouvernement pour servir à toutes sortes de choses, le rendement des obligations vertes finance directement et exclusivement des projets verts», explique Denis Dion, chef de produit investissement responsable chez Desjardins Gestion de patrimoine, qui gère 3 G$ d’actifs dans les investissements responsables.
Des obligations vertes avaient déjà été émises pour financer les wagons Azur pour le métro de Montréal et des autobus hybrides pour la Société de transport de Montréal (STM). Des villes comme Ottawa et Toronto ont aussi émis des obligations vertes pour financer des projets verts.
«La clientèle pour les obligations vertes est grande, atteste David Berliner, cofondateur et directeur général de CoPower, une firme qui propose des obligations vertes en ligne pour financer des projets d’énergie propre. Il y a même plus d’intérêt que de produits offerts. Les obligations vertes du gouvernement font toujours le plein. Quant aux nôtres, on a dû en réémettre en mai, car, dès le mois de février, elles avaient été toutes achetées.»
Si les jeunes investisseurs sont les clients les plus intéressés par les placements responsables, les plus âgés ne les boudent pas. «De plus en plus de gens font attention à ce qu’ils ont dans leur portefeuille et veulent que ce soit aligné sur leurs valeurs», poursuit David Berliner.
Exigence de transparence
Des cadres ont été mis en place pour rassurer la clientèle sur le fait que les rendements des obligations sont bien destinés à des projets véritablement respectueux du développement durable. «Pour qu’un projet soit admissible au financement par des obligations vertes, il doit figurer dans le Plan québécois des infrastructures» ou avoir «été approuvé par le gouvernement et […] être étayé par une étude de cas approfondie qui décrit toutes les étapes du projet, y compris les répercussions sur les plans social et environnemental», indique le Center for International Climate Research (CICERO), qui a publié une «Contre-expertise sur le cadre des obligations vertes du Québec». Les projets admissibles doivent, par exemple, faire partie du domaine des transports en commun, de l’efficacité énergétique ou encore de la gestion durable des déchets.
Dans le portefeuille d’un client, les obligations vertes appartiennent, comme les autres obligations, à la partie consacrée aux revenus fixes. «Elles représentent le même risque qu’une obligation classique», note David Berliner. Elles pourraient donc remplacer la totalité ou une partie des obligations classiques détenues par l’investisseur. Toutefois, étant donné le rendement, «il faut substituer, mais ne pas déséquilibrer le portefeuille. Ça demeure de l’investissement», souligne Denis Dion.
Même remarque de Michel-Olivier Marcoux, représentant de courtier en épargne collective et conseiller en sécurité financière à Gestion de patrimoine ASF. «Le rendement est faible et la durée – cinq ans – est longue : si un taux de 2,4 % aujourd’hui est intéressant, le sera-t-il encore dans les prochaines années en fonction de l’inflation ? Je recommande toujours ce qui rapporte le plus à mes clients par rapport au risque encouru et en prenant en compte le niveau d’acceptation du risque, explique-t-il. Il y a donc des produits concurrents, mais il n’y en a pas beaucoup sur le marché des produits responsables. Si mes clients sont prêts à perdre un peu de rendement parce que c’est éthique, ils pourraient en effet acheter des obligations vertes.»
Pas parfait, mais…
Outre le rendement, l’autre point faible des obligations vertes est ailleurs. «Le Québec a indiqué qu’il privilégiait, dans tous les secteurs, les projets qui augmentent la part des énergies renouvelables, souligne le CICERO dans son rapport. Toutefois, étant donné que ces solutions ne sont pas toujours disponibles, certains types de projets liés aux combustibles fossiles pourraient être acceptés s’ils se traduisent par des réductions tangibles des émissions de gaz à effet de serre.»
Par ailleurs, un projet peut être positif pour l’environnement de façon globale, mais toutes ses répercussions de près ou de loin le sont-elles ? Par exemple, il «serait utile, dans ce contexte, de se pencher sur le cycle de vie et la chaîne d’approvisionnement, fait valoir le CICERO. Le Québec a indiqué que l’analyse du cycle de vie ne sera pas systématiquement réalisée pour tous les projets, mais qu’elle sera favorisée si elle leur confère une valeur ajoutée, par exemple dans le cas des projets liés aux bioénergies.»
Conclusion : les obligations vertes, «ce n’est pas parfait, mais ça aide la société, lance Michel-Olivier Marcoux. En acheter, c’est comme voter, et si la demande est là, l’offre va grandir et se diversifier.»