Pratte gestion de portefeuilles, une firme de gestion indépendante fondée à Gatineau en 2015, affiche aujourd’hui un actif sous gestion de plus de 100 M$. Philippe Pratte, son président, chef des investissements et gestionnaire de portefeuilles, a pourtant bien failli ne jamais marcher dans les pas de son père, Raymond Pratte.
«Lorsque j’ai compris que j’avais de plus grandes aspirations que ce que je pouvais atteindre dans l’univers du ski, j’ai rejoint mon père», dit-il.
Issu d’une famille de skieurs, dont plusieurs membres ont même évolué dans l’équipe nationale, Philippe Pratte ne cache pas sa passion pour ce sport de compétition. Cela l’a notamment mené à résider brièvement en Colombie-Britannique, puis en Europe.
Parallèlement au ski, il a développé un intérêt pour la finance dès son adolescence. Il a étudié dans ce domaine tout en poursuivant sa carrière de skieur, notamment à distance à l’Université TÉLUQ, ensuite à l’Université du Québec en Outaouais.
En 2009, il décide de se joindre à son père, qui gère alors une firme indépendante associée à Raymond James.
Aîné d’une fratrie de quatre enfants, il est toutefois le seul enfant de sa famille à travailler dans le secteur financier. «Oui, ça parlait de finance à la maison, mais mes parents nous ont laissés découvrir nos passions», raconte-t-il.
Après des débuts dans l’arrière-boutique, alors qu’il traitait des demandes administratives de l’équipe, Philippe Pratte fait tranquillement sa place. «Lorsque tu es le fils du patron, il faut faire sa place, y mettre plus de rigueur et montrer que rien ne te sera donné.»
L’offre de la firme s’est bonifiée en matière de valeurs mobilières, ce qui l’a amené à passer chez Canaccord Genuity en 2011. Cette évolution culmine en 2015 avec la création de Pratte Gestion de portefeuilles. Le père et le fils deviennent alors partenaires à parts égales.
Nous étions déjà dans «un environnement relativement entrepreneurial», mais «après que sont survenus des changements venus d’un siège social à Toronto ne reflétant pas la réalité de notre région ou de notre entreprise, le désir de contrôler notre destinée et d’être maîtres de notre propre bateau» nous a motivés à aller de l’avant, signale Philippe Pratte. Il ajoute : «Mon père a toujours été naturellement entrepreneur. Pour ma part, j’ai compris jeune qu’un de mes objectifs personnels serait de travailler pour moi-même.»
Servir les bien nantis
Pratte Gestion de portefeuilles, qui a doublé la taille de son équipe depuis sa fondation en la portant à huit membres, offre des services de gestion de patrimoine et de gestion de portefeuille en ayant pour objectif un rendement absolu.
Sa clientèle est composée majoritairement d’entrepreneurs et de professionnels à valeur nette élevée. La transition de la clientèle s’est d’ailleurs bien passée lors de la fondation de la firme, estime Philippe Pratte. Il attribue cette situation en grande partie au fait que la clientèle a «été développée sur des formules indépendantes et qu’elle faisait affaire avec l’équipe et non l’enseigne».
La clientèle aurait environ doublé depuis la fondation, indique Philippe Pratte sans donner de chiffres.
La firme offre une gamme complète de produits d’investissement, pour la stratégie desquels chaque composante est gérée de façon active et tactique. Ainsi, une approche descendante pour l’allocation des différentes catégories d’actif est appliquée, tandis que pour la sélection de titres individuels, on utilise une approche quantitative combinée à l’analyse technique. Trois solutions sont offertes : croissance, équilibrée et revenu.
Au 30 novembre 2019, les rendements annualisés de la Solution croissance atteignaient 0,5 % sur un an, 6,7 % sur trois ans et 10,8 % depuis la fin de novembre 2015, date de création de toutes les solutions. Pour la Solution équilibrée, les rendements annualisés ont été de 2,1 % sur un an, de 5,2 % sur trois ans et de 7,1 % depuis sa création. Finalement, les rendements annualisés de la Solution revenu s’élevaient à 3,2 % sur un an, 3,6 % sur trois ans et 6,1 % depuis sa création. Ces rendements sont présentés après déduction des frais.
Les trois solutions ont affiché un rendement annualisé supérieur à leur indice de référence sur une période de trois ans et depuis leur création, mais inférieur sur une période d’un an.
«On ne cachera pas que la fin de 2018 nous a tous pris par surprise», admet Philippe Pratte.
Élargir la clientèle
Pour continuer de croître, l’industrie du conseil indépendant doit offrir un service à valeur ajoutée et miser sur son indépendance, selon Raymond Pratte, vice-président exécutif, chef de la conformité et gestionnaire de portefeuilles.
«Il faut que tu sois ciblé, que tu sois très discipliné et très près de la clientèle. On se démarque en servant un client à la fois», expliquait-il lors d’une conférence présentée dans le cadre du Forum des conseillers et des gestionnaires en émergence, en avril 2018.
Dans cette perspective, son fils Philippe Pratte convient que si la firme a été passive en matière de développement de clientèle en 2019, c’est parce qu’elle «s’est concentrée à bien servir ses clients, à gérer et développer vraiment son approche, pour ensuite recommencer à prendre de l’expansion».
«Le client bien nanti, nous sommes en mesure de bien le servir, car c’est là que réside notre expertise», souligne Philippe Pratte.
Mais l’année 2019 a été celle des grands changements pour Pratte Gestion de portefeuilles. La firme cherche maintenant à élargir sa clientèle. Elle a pour objectif de servir également «des clients à valeur nette encore plus élevée, peut-être des clients institutionnels un jour, mais aussi de plus petits clients, parmi lesquels les enfants de nos clients actuels».
Pour y parvenir, elle a démarré son propre fonds commun de placement à la fin du premier trimestre de 2019. Il est pour l’instant accessible à ses seuls clients, l’objectif étant «de l’ouvrir plus tard à d’autres conseillers».
Cette nouveauté, qui «permet d’exécuter nos idées beaucoup plus rapidement», offre aussi la flexibilité de servir l’enfant d’un client, bien qu’il détienne moins d’actif. «Auparavant, tu devais délayer tes stratégies pour accepter de le servir, sinon, simplement le refuser.»
Elle ouvre aussi d’autres voies que la firme prévoit explorer, y compris l’ouverture de comptes en ligne. «Nous désirons aller vers un mode électronique de gestion de notre clientèle afin de pouvoir, par exemple, accepter un client doté d’un portefeuille de 42 000 $ et qui habite à Rimouski.»
Bien qu’il ne s’agisse pas du client cible actuel, la firme souhaite se structurer pour pouvoir le servir, selon Philippe Pratte.
La firme, qui a développé une application permettant à ses clients de consulter leur compte en ligne, désire aller plus loin afin d’offrir une variété de solutions accessibles à distance. «Nous aimerions pouvoir mettre en place tous les moteurs approuvés par les autorités de réglementation», dit-il.
L’embauche d’Étienne Gélinas au poste de chef des opérations, en octobre dernier, est un autre changement d’importance survenu en 2019. Cela permet notamment de mieux répartir les responsabilités et d’accroître l’efficacité de la firme.
«Lorsque les marchés étaient ouverts, j’agissais comme gestionnaire, mais le soir et les fins de semaine, je mettais mon chapeau de président», déplore Philippe Pratte, père de trois enfants. Il se dit heureux d’avoir maintenant le temps de pouvoir bien se concentrer sur l’analyse des marchés, et de générer des idées.
Finalement, Pratte Gestion de portefeuilles a récemment ouvert une succursale à Mont-Tremblant, région où Philippe Pratte a grandi et où demeurent encore beaucoup de membres de sa famille.
Ce bureau est logé d’ailleurs dans un bâtiment qui abritait l’ancienne boutique de ski de son oncle. «Il y a eu une pancarte « Pratte » devant ce bâtiment pendant des années, avant qu’il soit vendu», explique-t-il, ne cachant pas sa joie d’avoir remis une enseigne «Pratte» «devant cet immeuble doté d’une longue histoire familiale».
Transfert en douceur
Raymond Pratte, qui travaille dans le domaine de la finance depuis plus de 25 ans, pense maintenant à la retraite. Le processus de transfert de la firme «est déjà bien amorcé», souligne d’ailleurs Philippe Pratte.
Dès la fondation, le rôle de chacun des associés a été clairement défini et «Raymond joue encore un rôle important dans l’équipe de relation client». Toutefois, deux nouvelles ressources se joindront à la firme en 2020. «Elles vont l’accompagner dans ce transfert et s’impliquer davantage.»
«En tant qu’entrepreneur, tu as toujours un désir de garder ça dans la famille, expliquait d’ailleurs Raymond Pratte au quotidien Le Droit en 2017. Mais il faut que la personne de la famille ait les compétences nécessaires. Dans mon cas, je suis chanceux, Philippe avait les compétences.»
Cela dit, Raymond Pratte ne prévoit pas délaisser à court terme ses responsabilités en matière de conformité. «C’est un entrepreneur dans l’âme. S’en aller et ne plus rien faire, ce n’est pas une option pour lui», lance Philippe Pratte.