Comme pour une action cotée en Bourse, un investisseur souhaite acheter des parts d’un FNB au plus bas prix possible et les revendre à un prix élevé. Cet écart représente la différence entre le prix qu’il est prêt à payer pour acquérir des parts d’un FNB (cours acheteur ou bid price) et le prix auquel il est disposé à les vendre (cours vendeur ou offer price).
Par exemple, si le iShares S&P/TSX 60 Index ETF (XIU) affiche un cours acheteur de 24,40 $ et un cours vendeur de 24,42 $, l’écart acheteur/vendeur sera de 0,02 $. Le petit investisseur ne contrôle pas toujours cet écart de prix. Dans le cas du fonds XIU, un titre liquide, il peut acheter les parts à 24,42 $ et s’il doit les revendre immédiatement, il pourra le faire à 24,40 $, ce qui lui coûtera 0,02 $ par part.
Des coûts partagés
Dans le cas des fonds communs de placement, l’investisseur achète et revend ses parts à la valeur de l’actif net (NAV en anglais), tout simplement. Ce prix est généralement divulgué chaque jour après la fermeture des marchés.
«Pour cette raison, beaucoup pensent qu’ils ne paient pas de frais liés aux écarts cours acheteur/cours vendeur, ce qui est une illusion», affirme Daniel Straus, vice-président et chef de la recherche et de la stratégie sur les FNB à la Financière Banque Nationale.
En achetant un FCP, on accepte de mettre en commun son argent avec celui des autres investisseurs. «Chaque jour, quand de nouvelles unités sont créées ou que des rachats ont lieu, le gestionnaire du fonds doit acheter et vendre des titres sous-jacents au fonds et payer du bid/offer spread [écart acheteur/vendeur], tout comme des coûts de transaction [commissions]. Ces coûts sont partagés quotidiennement par l’ensemble des détenteurs de parts», explique Frédéric Viger, directeur général, FNB et options – ventes, à la Banque Nationale Marchés financiers.
Ainsi, dans le cas des FNB, le différentiel cours acheteur/cours vendeur est un coût ponctuel qui s’applique lors de l’achat du FNB ou de sa revente. Pour les FCP, ce coût est partagé sur une base continue par l’ensemble des investisseurs, même si individuellement certains conservent leurs fonds à long terme.
Attention, il n’est pas question ici du style de gestion du fonds qui, pour les FCP et les FNB (en gestion active notamment), peut avoir un effet sur la rotation des actifs et, ultimement, sur les frais liés aux écarts cours acheteur/cours vendeur, si le gestionnaire négocie souvent les titres sous-jacents à son fonds.
Puisque le FNB est coté en Bourse, l’investisseur peut contrôler les écarts de cours des fonds qu’il négocie, en donnant des ordres à cours limités, par exemple. Les prix vont donc varier toute la journée et dépendre de l’offre et de la demande.
Depuis décembre 2018, l’«Aperçu du FNB», un document exigé par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM), détaille notamment l’écart moyen entre le cours acheteur et le cours vendeur en pourcentage pour les transactions d’un notionnel de 50 000 $ et plus au cours des 12 derniers mois.
Ainsi, la valeur de l’actif net (NAV) du FNB de tous les détenteurs d’unités n’est pas touchée par les investisseurs qui entrent et sortent du fonds. «Le coût lié au va-et-vient des investisseurs est externalisé. Dans un FCP, c’est différent puisque l’ensemble des détenteurs de parts va assumer les frais liés aux activités de certains», indique Daniel Straus.
Les coûts liés aux écarts cours acheteur/cours vendeur assumés par les détenteurs de FCP ont assez peu à voir avec le va-et-vient des investisseurs, selon James Gauthier, chef de la recherche sur les fonds chez iA Valeurs mobilières. «Il faut avant tout comprendre l’univers dans lequel on investit. Certaines catégories d’actifs, comme les très petites capitalisations, sont beaucoup moins liquides et peuvent engendrer des coûts liés aux écarts plus grands», observe l’analyste.
Les gestionnaires de portefeuille peuvent souvent «neutraliser» les achats et les ventes qui surviennent lors d’une même journée en les appariant, et éviter ces coûts, rappelle-t-il. «Il est vrai que des coûts frictionnels liés notamment aux écarts peuvent être engendrés à certains moments, lors de vagues d’achats ou de rachats de parts d’un fonds. Cela peut être un défi pour le gestionnaire», concède James Gauthier.
Par ailleurs, contrairement aux commissions payées au courtier lorsque les portefeuillistes achètent et vendent des titres – lesquelles sont divulguées dans la rubrique Ratio des frais d’opération (RFO) -, les coûts liés aux écarts de cours n’apparaissent nulle part.
«Bien que ces frais réduisent directement la performance du FCP, ils ne sont pas comptabilisés. Pour ce faire, il faudrait détailler les transactions, une par une, ce qui n’est pas simple», précise Daniel Straus.
Quel est alors ce coût ?
A-t-on une idée de ce qu’il en coûte pour l’investisseur chaque année ? Daniel Straus a tenté l’exercice pour Finance et Investissement.
«À partir de notre base de données de plus de 1 000 FCP, nous avons essayé d’extraire les fonds les plus pertinents selon les actifs sous gestion, les catégories d’actifs représentées et le type de mandat du gestionnaire, afin de calculer les écarts cours acheteur/cours vendeur pour tous les titres sous-jacents», explique-t-il. Son équipe de recherche a donc analysé quelque 20 fonds communs d’actions.
Il s’agit ici d’une estimation de l’écart et il a fallu poser certaines hypothèses. Ainsi, on a simplement multiplié la moyenne pondérée de l’écart cours acheteur/cours vendeur (un instantané des prix des sous-jacents à la fin d’avril 2019) par le taux de rotation des actifs du portefeuille. Ce dernier a été extrait du rapport de fin d’année 2018 de la plateforme SEDAR : «Management report of fund performance».
«Dans le cas de fonds communs de grandes capitalisations boursières au Canada et aux États-Unis, on constate que les coûts liés aux écarts cours acheteur/cours vendeur étaient très bas et oscillaient entre 4 et 10 points de base par année. C’était également le cas pour les fonds diversifiés contenant des titres liquides et ayant une faible rotation des actifs», observe Daniel Straus.
À l’opposé du spectre, pour des fonds de plus petites capitalisations, concentrés, contenant des titres moins liquides ou ayant des taux de rotation très élevés, ces coûts variaient entre 20 et 50 points de base annuellement. «La prime d’illiquidité dans certains marchés et secteurs pourrait dans certains cas procurer plus de rendement que ces coûts annuels puisque, théoriquement du moins, les investisseurs devraient être dédommagés pour le fait d’assumer du risque d’illiquidité à long terme», ajoute-t-il.
Daniel Straus reconnaît qu’on peut critiquer ces estimations de multiples façons. «Parfois, un haut taux de rotation des actifs provient essentiellement de la section très liquide du portefeuille où les écarts sont plus faibles, tandis que les titres peu liquides sont rarement remplacés. De même, certains gestionnaires utilisent les prix de clôture du marché pour réunir et compenser des achats et des ventes d’un même titre», indique-t-il.
Soulignons que ces estimations ne tiennent pas seulement compte des écarts de cours lorsqu’un investisseur achète de nouvelles parts ou les revend. Elles incluent aussi le niveau d’activité du gestionnaire.
Un coût, vraiment ?
Cela dit, l’écart cours acheteur/cours vendeur constitue-t-il un coût en soi ? Non, selon l’Institut des fonds d’investissement du Canada (IFIC). «Cet écart n’est pas un coût, mais davantage une indication de marché par rapport au prix qu’un acheteur est prêt à payer pour acquérir un titre ou le prix qu’il est disposé à le vendre», affirme Minal Upadhyaya, conseillère juridique et vice-présidente, politiques, de l’IFIC.
«Les investisseurs ne paient pas réellement un écart cours acheteur/cours vendeur, mais vont plutôt obtenir un prix d’exercice qui va dépendre de plusieurs facteurs, y compris la qualité d’exécution du négociateur», ajoute-t-elle. Les courtiers qui négocient les transactions pour les investisseurs ont d’ailleurs l’obligation d’obtenir la meilleure qualité d’exécution possible, rappelle-t-elle.
Par ailleurs, un gestionnaire va souvent neutraliser les achats et les ventes dans son fonds en les appariant. De plus, s’il dispose d’un certain niveau d’encaisse, cela lui permet d’éviter de vendre des titres sous pression.
«Certains gestionnaires conservent un pourcentage de leurs actifs en liquidités, 2 % par exemple, afin de ne pas avoir à négocier les titres sous-jacents au fonds. Mais ce n’est pas sans conséquence, puisque cela peut engendrer des écarts de suivi [tracking error] par rapport à l’indice de référence», souligne Frédéric Viger.