Selon un récent sondage, les consommateurs investiraient davantage dans des produits d’investissement responsable (IR) si leur conseiller ou leur institution financière leur en parlait plus. Les placements en IR ressembleraient-ils à ces gisements qui n’attendent que les équipes d’ingénieurs et de mineurs pour livrer leurs richesses ?
«Les investissements responsables ont la cote auprès des épargnants. Ils en demandent et en redemandent. Il y a nettement un changement de paradigme», dit Gino-Sébastian Savard, président de MICA Cabinets de services financiers.
Il y a quelques années, les convictions environnementales et sociétales avaient un prix, explique Gino-Sébastian Savard. Les épargnants devaient s’attendre à sacrifier quelques points de rendement afin d’investir selon leurs valeurs et préoccupations à l’égard de produits ou services ayant un impact défavorable sur l’environnement ou sur la société en général.
Selon lui, ce temps est révolu. «Les fonds socialement responsables affichent des rendements comparables à la moyenne. Et aujourd’hui, l’information circule rapidement. Les consommateurs sont conscients des impacts négatifs de certaines décisions d’entreprise. Sans être parfaite, l’offre de produits socialement responsables s’est suffisamment diversifiée pour être très concurrentielle», affirme-t-il.
Un virage à faire
Les conseillers parlent-ils suffisamment d’IR à leurs clients ? Rien n’est moins sûr.
«Les conseillers n’ont pas encore fait le virage !» dit Robert Lachance, vice-président des ventes, investissements et retraite au Groupe Cloutier. D’après lui, il arrive souvent que des conseillers demandent davantage de renseignements à la suite de requêtes de clients.
«La perception de nombreux conseillers est biaisée. Ils s’interrogent sur la performance des fonds socialement responsables. Or, cela ne devrait pas faire débat. Outre le fait que ces fonds affichent des rendements intéressants, ils ont le grand avantage de protéger les portefeuilles contre les risques environnementaux», explique Robert Lachance.
«Imaginons, par exemple, l’impact d’un déversement de pétrole sur le titre d’une société pétrolière. Les consommateurs sont conscients de ces risques», poursuit-il.
«L’investissement responsable n’est ni une mode ni un feu de paille», dit-il avec insistance. En conséquence, les conseillers doivent s’adapter à cette vague de fond. «Il faut prendre l’habitude de poser des questions [à ce sujet] aux clients. Souhaitent-ils investir une partie de leur portefeuille dans des produits éthiques ou socialement responsables ? Si oui, un réseau comme le nôtre offre des outils pour faire de bons choix», souligne-t-il.
Des ventes perdues
Le directeur général d’Excel Gestion Privée, Normand Morin, estime que «la majorité des conseillers n’incluent pas encore les produits d’investissement responsable dans leur pratique. Toutefois, je constate qu’ils sont de plus en plus nombreux à s’informer des solutions offertes.»
Le dirigeant croit «qu’ils devraient d’emblée renseigner leurs clients sur les produits responsables qu’ils peuvent offrir. Cela éviterait notamment les achats qui se feraient ailleurs», dit-il.
L’offre s’est sensiblement affinée au cours des dernières années, précise-t-il. «Des manufacturiers de fonds nous disent que certains de leurs produits ne sont pas nommément identifiés comme étant socialement responsables, bien qu’ils intègrent certains filtres, par exemple l’exclusion de tel ou tel produit ayant un impact négatif sur l’environnement. Nous en tenons compte», affirme Normand Morin.
Comment en parler ?
Maxime Gauthier, chef de la conformité du cabinet Mérici Services Financiers, pense lui aussi que les conseillers n’abordent pas suffisamment le sujet de l’IR avec leurs clients. «Les clients veulent, au minimum, avoir la possibilité d’investir dans les produits d’investissement socialement responsable», souligne-t-il.
Comment les conseillers pourraient-ils évoquer la question avec leurs clients ?
«En leur demandant, par exemple, si l’investissement socialement responsable compte pour eux. Dans 100 % des cas, les clients seront heureux de répondre. Si la réponse est négative, il n’y aura pas d’impact. Si elle est positive, le conseiller cherchera alors à déterminer ce qui a de l’importance aux yeux du client, comme pourrait l’être, par exemple, la présence des hydrocarbures dans ses produits d’investissement», explique Maxime Gauthier.
«Dans tous les cas, ce questionnement fait que les clients s’intéresseront davantage à leur portefeuille», dit-il.
Le test de la réalité
Sur le terrain, un certain scepticisme demeure à l’égard de l’IR.
Selon Marc Dubuc, représentant en épargne collective chez Services en placements Peak, sa clientèle n’a pas d’intérêt manifeste pour les produits d’investissement socialement responsable. «J’ai plusieurs jeunes clients et rares sont ceux qui mentionnent ce sujet», dit-il.
«L’offre et la promotion des fonds d’IR sont encore très limitées, observe Marc Dubuc. Il n’y a pas de formations spécialisées et peu d’information. Par exemple, est-il vrai que les rendements en IR se comparent au reste de l’industrie ? À mon avis, la preuve n’a pas encore été faite.»
Le président-fondateur du cabinet Diversico, Experts-conseils, Daniel Guillemette, partage cette préoccupation. «Je ne suis pas convaincu que les produits d’investissement socialement responsable finiront par embraser le paysage. Qui peut d’ailleurs garantir qu’ils sont réellement responsables, malgré toutes leurs prétentions ?» dit-il.
Daniel Guillemette met également en doute le désir des investisseurs de réaliser des rendements moindres, dans l’éventualité où ils opteraient pour des fonds d’IR qui feraient moins bonne figure que la moyenne.
Les conseillers risquent-ils de se couper des milléniaux, les clientèles naturelles des produits d’investissement responsable ? «Tant que les milléniaux ne seront pas devenus des investisseurs, l’investissement responsable n’a que peu de chances de s’imposer. Et ça, je ne le vois pas dans un avenir immédiat», déclare le président de Diversico.