Le 3 mars dernier, michel Kirouac prenait sa retraite. Fort d’une carrière de 43 ans dans l’industrie des services financiers, il a quitté ses fonctions de vice-président et directeur général du Groupe Cloutier après avoir passé 23 ans au sein de l’entreprise.
Or, peut-on vraiment parler de retraite ? Bien sûr, Michel Kirouac prévoit passer davantage de temps en famille et pratiquer ses sports favoris comme le golf et le ski alpin, en plus de voyager. Mais il continuera également de siéger au Comité consultatif et au Comité de Gouvernance de Groupe Cloutier Investissements pendant encore quelques trimestres, en plus d’assumer, pour au moins une autre année, la présidence de Solutions Proteck, une division de Groupe Cloutier qui propose aux employeurs des assurances collectives sur une base individuelle.
Michel Kirouac compte également se consacrer au développement de sa clientèle, dont une centaine en assurance de personnes et une douzaine en assurance collective. « J’adore ça. Je vais sans doute en augmenter le nombre de 15 à 20, car je vais avoir plus de temps pour m’en occuper. »
Michel Kirouac est un passionné. « Ceux qui réussissent dans l’industrie, ce n’est pas parce qu’ils sont bons vendeurs, mais parce qu’ils sont passionnés par ce qu’ils font et croient aux produits qu’ils offrent. Ils cherchent à bien s’entourer, à devenir les meilleurs », affirme-t-il.
Cette passion du métier a notamment mené Michel Kirouac à s’engager au sein des associations du secteur et à contribuer à la défense des intérêts communs à l’industrie. Au fil du temps, il a été membre de plusieurs comités consultatifs de l’Autorité des marchés financiers. Il a aussi été membre du conseil d’administration de la Chambre de la sécurité financière pendant cinq ans, membre fondateur de l’Association des agents généraux du Québec, et représentant du Québec de l’association professionnelle CAILBA (Canadian Association of Independent Life Brokerage Agencies), en plus de siéger à son conseil d’administration.
« Lorsque tu discutes avec les plus gros agents généraux du Canada pour voir où on s’en va et quels sont nos défis, ça te donne de bonnes idées et ça te force à être meilleur. C’est pourquoi j’ai toujours trouvé ça important de m’impliquer, dit-il. J’estime avoir retiré plus que ce que j’ai donné. »
Cela lui a notamment permis de nourrir sa crédibilité, dit-il. « Se créer une crédibilité demande parfois des sacrifices et occasionne parfois des prises de position impopulaires, mais en retour, cela facilite beaucoup les prises de décisions et les échanges fructueux et constructifs », selon lui.
« Lorsque je parle aux assureurs, à des conseillers, à des présidents d’entreprises, ils savent que je ne le fais pas pour rien et si j’ai des choses à leur dire, je vais [le] leur dire », illustre-t-il.
Suivre les traces paternelles
Michel Kirouac fait ses premiers pas dans l’industrie de l’assurance et des services financiers en se joignant à l’Alliance Mutuelle Vie en septembre 1980.
« Mon père est entré dans le secteur de l’assurance en 1958. C’était un courtier d’assurance et un agent chez l’Alliance, et j’ai décidé de suivre ses traces », raconte-t-il.
Il travaille d’abord à titre de conseiller pendant plus de trois ans, tout en faisant aussi un peu de courtage, « même si dans ce temps-là, ce n’était pas très populaire », se souvient Michel Kirouac.
C’est toutefois ce qu’il préfère dans sa pratique. Intéressé à « faire plus de courtage plutôt que de juste vendre les produits de l’Alliance », il rencontre la direction pour lui faire part de la situation.
Elle conclut que « ça serait une bonne idée si l’Alliance faisait aussi du courtage ». Ce qui mène à la création d’un service de courtage en 1984. À 24 ans, Michel Kirouac est nommé directeur et se voit confier le développement de ce service en compagnie de deux autres personnes. Il commence alors à rencontrer des agents généraux, en concluant des contrats avec le Groupe Cloutier, MICA et Groupe Dubeau, notamment, explique-t-il.
Cela se poursuit pendant près de trois ans, soit jusqu’à la fusion de l’Alliance avec l’Industrielle compagnie d’assurance sur la vie, en 1987. On lui propose soit d’avoir son propre bureau, soit de travailler au siège social dans un rôle de développement du courtage, ou de se joindre à un bureau existant. Il choisit cette dernière option.
Michel Kirouac se joint à BBA Groupe Financier en 1987, puis au Groupe Dubeau en 1993, et fait finalement son entrée au Groupe Cloutier en 1999 à titre de directeur du développement des affaires. En 2006, lorsque Gilles Cloutier s’associe à ses trois enfants, Patrick, Karine et Claudine Cloutier, afin d’assurer sa relève, il fait aussi de Michel Kirouac un associé. Il devient alors vice-président et directeur général.
Rétrospectivement, Michel Kirouac estime que le choix de se diriger chez BBA plutôt qu’au siège social de l’Industrielle-Alliance était le bon.
« J’avais 27 ans et je me disais : “J’aime les conseillers, faire des meetings avec eux, qu’on soit capable de bien les entourer et de leur trouver des solutions.” C’est pourquoi, à ce moment-là, le fait de pouvoir côtoyer chez BBA entre 150 et 200 conseillers me semblait être l’idéal pour moi », affirme-t-il.
« J’ai ensuite passé 23 ans au Groupe Cloutier et ma motivation première a toujours été d’être auprès des conseillers, de m’assurer qu’on ait les meilleures ressources pour eux et de les voir réussir. C’est ce que j’ai aimé faire pendant toute ma carrière », témoigne Michel Kirouac.
Faire évoluer l’entreprise
Cette volonté de mettre les meilleures ressources au service des conseillers l’amène à créer, à son arrivée au Groupe Cloutier, des départements réunissant des experts spécialisés par secteurs d’activité. Cette décision fut marquante, selon Michel Kirouac.
« Un conseiller peut devenir très bon dans un secteur, peut-être dans deux, par exemple en assurance vie ou en prestations du vivant, mais ce n’est pas vrai qu’à 17 compagnies, 300 produits, les conseillers savent tout. Les meilleurs savent s’entourer et ne craignent pas d’utiliser des experts, comme un bon médecin de famille va recommander un cardiologue ou un dermatologue », illustre Michel Kirouac.
C’est ainsi qu’en 1999, le Groupe Cloutier a créé un service des prestations du vivant. En 2004, ce fut au tour d’un service de courtage hypothécaire – Hypothéca Lorsque ACGC – d’être mis en place.
Par la suite, Michel Kirouac explique qu’il a « convaincu la famille Cloutier qu’il serait préférable d’agir à titre de dealer et de ne plus avoir d’intermédiaire entre nous et les conseillers ». Il était persuadé que cela aiderait notamment au recrutement de conseillers. Groupe Cloutier Investissements, cabinet de courtage en épargne collective, venait au monde en 2007.
Ce fut toute une décision, raconte Michel Kirouac, étant donné qu’à cette époque, il existait peu de cabinets indépendants. « Nous avions au départ un actif de 100 M$, alors que les gens disaient que pour démarrer et rentabiliser un dealer, ça prenait au moins 2 G$ d’actifs. Mais nous avons bien progressé et aujourd’hui, nous sommes l’un des seuls agents généraux au Québec à ne pas avoir d’entente avec une tierce partie, contrairement à ce que l’on voit ailleurs au Canada, et nous sommes près des 6 G$ d’actifs. »
La création de Groupe Cloutier Avantages Sociaux, cabinet en assurance et rentes collectives, a suivi en 2008.
Il est d’avis que si, aujourd’hui, avec ses 170 employés, « le Groupe Cloutier est devenu le plus grand cabinet multidisciplinaire indépendant en services financiers au Québec », cela tient beaucoup à son modèle d’affaires basé sur la création de départements sectoriels.
« Lorsqu’on fait du collectif, on le fait directement avec les assureurs. Lorsqu’on fait de la vie, on a un contrat avec 17 assureurs. Pour les fonds communs, les hypothèques, nous sommes un agent général qui travaille directement avec les fournisseurs. Cela nous a grandement aidés au fil des années pour recruter de bons conseillers et négocier de bons arrangements, soit avec des cabinets, ou avec d’autres agents généraux désirant faire des affaires avec nous », analyse Michel Kirouac.
« Alors que beaucoup d’agents généraux au Canada ont connu la croissance en faisant des acquisitions, par exemple Groupe financier Horizons, HUB International, et IDC Worldsource, qui trouvaient moins compliqué d’acheter et d’intégrer des agents généraux que de recruter 200 courtiers, nous ne l’avons pratiquement pas fait, même si nous avons eu plusieurs discussions en ce sens », dit Michel Kirouac.
Ainsi, bien que le Groupe Cloutier ait acquis Omnicourtage en 1997 et Groupe Financier Multi Courtage, de Saint-Hyacinthe, en 2021, il a surtout nourri sa croissance en misant sur le recrutement de « bons conseiller s», et en faisant des affaires avec d’autres cabinets.
Selon Michel Kirouac, un agent général qui a du volume et de bonnes ressources, est capable de bien servir des conseillers et peut compter sur une relève, n’a pas de raison de « s’intégrer dans un cabinet national ».
Un agent général indépendant a toujours sa place, d’après Michel Kirouac. Et ce, malgré la tendance qui pousse les petits agents généraux à s’associer avec de plus grandes institutions financières. Par exemple, l’appétit croissant des compagnies d’assurance pour la distribution a mené celles-ci à détenir des agents généraux, comme Canada Vie avec Groupe Financier Horizons, Empire Vie avec BridgeForce Financial Group, iA Groupe financier avec PPI, et le Mouvement Desjardins avec IDC. À ses yeux, les conseillers veulent encore s’identifier à des cabinets indépendants et non pas à des cabinets nationaux.
Michel Kirouac évoque une phrase qui lui revient souvent en tête : « l’indépendance dans l’appartenance ». « Aujourd’hui, si je suis un conseiller, je veux être indépendant, notamment dans le choix des produits que je vais offrir, mais tout en ayant un lien d’appartenance avec un cabinet, un groupe, un agent général qui va m’aider en m’offrant des ressources. »
La réalité des conseillers évolue d’ailleurs à grande vitesse, et ce n’est pas seulement en raison de l’alourdissement de la charge réglementaire dans les dernières années, constate Michel Kirouac.
Selon lui, le plus gros bouleversement qui a marqué l’industrie, mais qui a grandement amélioré les choses, c’est le déploiement «d’une ampleur incroyable» de tous les outils électroniques survenu lors de la pandémie.
« Le processus des ventes avec les assureurs, celui de la tarification, les illustrations, les propositions électroniques, la signature électronique, la livraison des contrats par courriels directement au client:c’est une évolution extraordinaire pour ceux qui s’y sont adaptés. Et les clients ne vont pas revenir en arrière, surtout en investissemen t», affirme-t-il.
Au Groupe Cloutier, près de 85 % des propositions se font maintenant de manière électronique, évalue Michel Kirouac. « Vous m’auriez dit cela il y a cinq ans et j’aurais répondu que:ça n’a pas de bon sens », lance-t-il en riant.
Par ailleurs, sur le plan réglementaire, il espère qu’un jour, il y aura plus de clarté en matière de responsabilité des différents acteurs du secteur de l’assurance.
« Comme agent général, on est prêt à faire certaines choses, mais on n’est pas prêts à faire 100 % de la supervision des conseillers. C’est toujours une ligne qui est dure à tracer entre la responsabilité de l’agent général, celle la compagnie d’assurance et celle du conseiller directement avec les régulateurs », estime-t-il.