Ces fonds comprennent les fonds communs de placement (FCP) et les fonds négociés en Bourse (FNB). Le mouvement de 480 G$ correspond, en gros, aux ventes nettes moins les rachats.
«Au cours de leur première année d’existence, les fonds les moins coûteux peuvent croître jusqu’à 12 fois plus rapidement que les fonds plus coûteux. Il s’ensuit que les nouveaux fonds ont tendance à réduire leurs frais de gestion afin de bénéficier de taux de croissance élevés», signale cette fascinante étude de Flowspring.
Chez nos voisins du Sud, le prix devient ainsi un facteur crucial et fondamental dans la prise de décision des acheteurs de FCP et de FNB.
«L’importance des bas frais de gestion va s’amplifier avec le temps. Les investisseurs sont plus informés que jamais et les produits deviennent également plus transparents quant aux effets des frais sur les rendements», explique Warren Miller, fondateur et PDG de Flowspring.
La tempête américaine des bas frais de gestion se déplacera-t-elle au nord du 45e parallèle ?
Une certaine protection existe
Au Canada, les grandes marques de FCP bénéficient encore d’une rente de situation qui leur permet de maintenir des prix plus élevés que la moyenne.
Selon la firme torontoise d’études de marché Credo Consulting, qui a évalué cette question dans le cadre de sondages à grande échelle, certains manufacturiers peuvent afficher entre 16 et 25 points de base de plus que la moyenne en raison de l’attrait de leurs marques auprès des consommateurs.
En revanche, l’attrait d’une grande marque auprès des consommateurs n’est pas toujours synonyme de surprofit. Afin que ces 16 à 25 points de base s’imposent sur le marché, un autre facteur doit exister, à savoir la loyauté des conseillers, admet Credo.
En effet, bien qu’une marque «puisse compter dans une certaine mesure sur une politique de prix concurrentielle pour maintenir l’appui des conseillers, s’ils la perçoivent globalement de façon négative, une hausse des prix pourrait entraîner l’effritement de leur soutien», prévient Hugh Murphy, directeur général de Credo Consulting.
Aux États-Unis, signale Warren Miller, «les frais ont déjà plus d’impact que les marques. Nous en voyons des preuves anecdotiques. Des firmes avec de fortes marques continuent à abaisser leurs frais de gestion en vue d’augmenter la croissance de leur actif sous gestion.»
Le marché canadien et ses grandes marques résisteront-ils encore longtemps à la tendance à la baisse des frais de gestion ?
Bientôt la tempête
Représentant en épargne collective chez Services en placements PEAK et ex-directeur principal Stratégie marketing et gestion de l’offre chez Desjardins, Marc Dubuc estime que la tempête des bas frais de gestion atteindra nos rivages d’ici peu.
«Dans bien des cas, les comportements d’achat en gestion de patrimoine des Québécois suivent ceux des Américains avec un délai de trois à cinq ans. D’ici quelques années, les frais seront inévitablement au premier plan des décisions des consommateurs québécois», dit Marc Dubuc.
Entre-temps, la notoriété des grandes marques devrait garder toute son importance.
«Pour bien des gens, la crainte de perdre surpasse l’attrait du rendement. La sécurité d’une grande marque génère alors beaucoup de valeur. Cela dit, je remarque que les clients fortunés ont tendance à intégrer les frais dans leurs décisions d’achat. Par exemple, un important client m’a récemment abordé en me demandant de lui soumettre une offre avantageuse par rapport aux frais. Ça, c’est nouveau !» témoigne Marc Dubuc.
Ruben Antoine est gestionnaire de portefeuille chez Tulett, Matthews & Associés. Spécialiste des clientèles bien nanties, il signale que le «mouvement des bas frais de gestion s’en vient et de plus en plus vite».
Le gestionnaire de portefeuille témoigne des effets de la progression de la littératie financière parmi sa clientèle. «Lorsqu’ils reçoivent leurs relevés de portefeuilles, certains clients sursautent. S’ils sont dans un environnement de coûts élevés, ils peuvent venir nous voir afin d’abaisser leurs frais et obtenir davantage de services», dit Ruben Antoine.
Selon ce praticien de la gestion discrétionnaire, les cabinets qui concentrent leur offre de services en placements sont sur la ligne de feu. «Tulett, Matthews & Associés offre de multiples services, ce qui fait que nos frais s’expliquent d’eux-mêmes», dit-il en évoquant la pression qui s’exercera de plus en plus fortement sur les marges des firmes n’ayant qu’une seule corde à leur arc.