Actuaire de formation, Mélanie Beauvais, planificatrice financière chez Bachand Lafleur, groupe conseil, s’est réorientée en planification financière après avoir constaté qu’elle désirait aider les gens à comprendre leurs avoirs et les choix à faire en prévision de leur retraite. Ce genre d’interaction lui était difficile à établir avec les participants lorsqu’elle gérait des régimes de retraite chez Aon.
Ce changement de cap n’est pas le premier qu’a opéré Mélanie Beauvais au fil du temps. Ainsi, à une certaine époque, même si son père était comptable et qu’elle aimait les mathématiques, cette native de la Rive-Sud, près de Montréal, ne se voyait aucunement évoluer dans l’industrie financière. À l’adolescence, elle s’est plutôt inscrite dans un programme danse-études en ballet classique à l’École supérieure de ballet du Québec.
Ce n’est qu’après avoir constaté qu’elle ne pourrait pas faire de la danse une carrière qu’elle s’est tournée vers les mathématiques. « Une de mes professeures m’a mentionné à ce moment-là que l’un des baccalauréats les plus difficiles était celui en actuariat. Je me suis dit : c’est ce que je vais faire », raconte-t-elle, fière d’avoir relevé le défi.
Mélanie Beauvais obtient son baccalauréat en sciences actuarielles de l’Université du Québec à Montréal en 2007. Elle rejoint Aon à titre de stagiaire pendant la dernière année de son parcours universitaire pour y travailler deux à trois jours par semaine et, une fois diplômée, obtient un poste à temps complet au sein de la firme.
« Puis, j’ai eu une petite peur à la perspective de me voir déjà commencer mes 40 heures semaine », raconte-t-elle. Cela la pousse à retourner aux études. Elle se tourne cette fois vers l’Université de Sherbrooke, où elle fait une maîtrise en fiscalité (2009).
De retour chez Aon sa maîtrise en main, elle assume différents rôles, puis devient conseillère principale à compter de 2016, jusqu’à son départ à la fin de 2019. Elle y agit essentiellement comme consultante en régimes de retraite. De plus, elle anime des séminaires de préparation à la retraite dans le but d’offrir de l’information aux participants aux régimes.
Au cours de cette période, Mélanie Beauvais obtient le titre de Fellow de la Society of Actuaries en 2012, puis celui de Fellow de l’Institut canadien des actuaires en 2013. La même année, elle décroche son diplôme de l’Institut québécois de planification financière (IQPF).
Elle s’aperçoit également que les gens qui ont accès à des avantages, comme les régimes de retraite, n’en réalisent pas toujours la valeur. « Ils se disent : “J’ai accès à quelque chose”, mais souvent ils ne comprennent pas ce que ça vaut réellement, ni comment ça va les aider à atteindre leurs objectifs financiers à la retraite, ni même comment fixer ces objectifs », se désole-t-elle.
Les participants à ces séminaires, des gens souvent sur le point de prendre leur retraite, sont d’ailleurs nombreux à lui signaler qu’ils auraient aimé avoir plus tôt l’information qu’elle leur donne. Cela les aurait sans doute amenés à prendre des décisions différentes, et à agir en conséquence plus rapidement, témoigne Mélanie Beauvais.
« Je me suis rendu compte à ce moment-là que j’aimais beaucoup aider les gens à comprendre. Pas les éduquer, car le mot est un peu fort, mais les aider à voir les avantages auxquels ils avaient accès et comment en tirer le meilleur parti », dit-elle.
À partir de là, une tendance graduelle s’est amorcée qui l’a menée à se familiariser davantage avec la planification financière, et même à s’engager au sein de l’IQPF. Mélanie Beauvais y a ainsi rejoint, notamment, les groupes de travail consacrés au développement professionnel et à la finance comportementale.
Puis, en décembre 2019, elle fait le grand saut : Mélanie Beauvais devient conseillère principale en planification financière au sein du groupe de gestion de patrimoine du Centre d’expertise de Banque Nationale Gestion privée 1859.
« Je trouvais que c’était une des belles places pour travailler en planification financière », indique-t-elle. Elle évoque sa rencontre avec Daniel Laverdière, alors directeur du Centre, comme ayant été « l’un des principaux facteurs pour [la] décider à faire ce changement de carrière ».
« Mélanie fait partie du faible pourcentage de planificateurs financiers avec une formation en actuariat. Son habileté en mathématiques enrichit grandement son coffre à outils, mais sa capacité d’écoute et d’attention est hors de l’ordinaire, témoigne Daniel Laverdière. Elle est minutieuse dans sa prise de notes et sa volonté d’apprendre est très visible. »
Selon lui, elle « s’est avérée une éponge de connaissances en côtoyant les experts de Banque Nationale Gestion privée 1859 ».
Le rôle de Mélanie Beauvais consiste alors à répondre aux questions des clients que des conseillers lui envoient, et à faire de la planification financière intégrée. Elle rencontre ainsi des clients en compagnie de leur conseiller, et leur fait des recommandations.
Mélanie Beauvais confirme avoir alors trouvé le « moyen » qu’elle cherchait d’aider les gens « en ayant un impact plus direct et en voyant les résultats, par rapport à gérer un fonds de pension où, bien sûr, j’aidais les participants, car ils auront un revenu à leur retraite, mais sans que je puisse jamais en voir la finalité ».
« Bien qu’on parle de chiffres, de budget, de bilan, de plan de protection d’assurance et de plein d’affaires techniques, le secteur financier est très humain, car l’objectif consiste à aider la personne. On est ainsi continuellement amené à fouiller dans notre boîte à outils pour voir ce qu’on y a pour aider les gens dans leur santé financière, et c’est très stimulant », explique-t-elle.
À la même époque, Mélanie Beauvais reprend son implication au sein de l’IQPF, mise sur pause en raison de deux congés de maternité. Cette fois, elle devient membre du conseil d’administration. Élue une première fois en 2020, elle a amorcé cette année son deuxième mandat et compte bien poursuivre sa participation dans les prochaines années.
Mythes à déconstruire
L’IQPF se consacre à la formation des planificateurs financiers, lesquels sont, par définition, engagés à aider à la santé financière des gens. Mélanie Beauvais estime donc que le travail qu’elle y fait constitue une excellente manière de contribuer à combler l’écart qu’elle perçoit entre ce que les gens comprennent de leur réalité financière et les programmes et bénéfices qui leur sont accessibles.
« Faire réaliser aux gens l’importance d’être accompagnés est encore un défi très présent, malgré toutes les campagnes qui ont déjà été faites à ce sujet et la littératie financière disponible », déplore-t-elle d’ailleurs.
Elle convient toutefois que pour certaines personnes « ça ne les intéresse pas », alors que d’autres ne sont tout simplement pas à l’aise avec ces questions-là. Pour d’autres encore, leur perception est focalisée sur certaines idées préconçues, ce qui peut empêcher de faire des choix éclairés.
Elle évoque à cet égard le retour au travail des retraités. Beaucoup d’entre eux tiennent pour acquis que, en retournant travailler, ils vont laisser plus d’argent sur la table que ce que la démarche va leur rapporter, parce qu’ils devront de nouveau cotiser aux programmes sociaux. Mélanie Beauvais a toutefois constaté le contraire dans la plupart des situations qu’elle a observées. Les gens gagnent à retourner au travail et ont plus d’argent dans leurs poches que ce qu’on laisse sous-entendre, affirme-t-elle.
Ce type d’idées reçues illustre bien, selon elle, pourquoi il est important de s’assurer que les différents programmes existants soient mieux connus afin qu’il y ait peut-être un meilleur arrimage avec la population concernée. « Est-ce que cela réglerait la pénurie de main-d’œuvre ? Je ne suis pas économiste, alors je ne pourrais pas l’affirmer, mais cela aiderait certainement. »
Mélanie Beauvais note également que les gens qui ont accès à du conseil ont souvent un patrimoine financier plus important. Or, les gens avec un patrimoine moindre ont autant besoin de conseils. « Souvent, même, ces personnes sont admissibles à plus de programmes, mais ne le comprennent pas ou considèrent que ce n’est pas accessible et, surtout, ils ne savent pas quelles démarches faire pour en bénéficier », dit-elle avec regret.
« La solution pour démocratiser davantage l’accès au conseil financier pourrait passer par l’école ou par un programme gouvernemental incitant les gens à aller chercher du conseil sans que cela leur coûte trop cher », suggère Mélanie Beauvais.
Elle est d’avis que la technologie a certainement un rôle à jouer pour relever ce défi et permettre d’améliorer la santé financière de plus de gens. Ne serait-ce qu’en permettant de sensibiliser plus d’individus, par exemple, à l’aide des médias sociaux.
Dans la foulée, Mélanie Beauvais évoque aussi les plateformes pour investisseurs autonomes, dont certaines générations sont particulièrement friandes, pour illustrer le fait qu’il devient possible d’intéresser une plus grande partie de la population aux questions financières.
Grâce aux avancées technologiques, certains calculs deviennent automatisés et optimisés, observe-t-elle, ce qui permet, par exemple, la prise en charge de portefeuilles d’investissement. « Mais une fois qu’on a les calculs, il faut néanmoins quelqu’un pour faire le lien avec la personne, pour interpréter les informations afin qu’elle les comprenne et en tire tout le potentiel. Le planificateur financier a donc encore plus sa place dans un tel contexte », estime-t-elle.
Nouveau départ
Évoquant la pandémie et l’évolution récente de l’économie, avec la montée de l’inflation et son corollaire, la hausse des taux d’intérêt, Mélanie Beauvais croit que la situation financière d’une bonne part de la population se trouve fragilisée. Il s’agit d’une occasion pour les planificateurs financiers de faire valoir la valeur du conseil. « Je ne sais pas si l’on peut apporter une plus-value qui puisse se calculer en points de base, mais le conseil peut certainement enlever un stress et permettre aux gens de bien dormir. C’est déjà beaucoup », juge-t-elle.
C’est en pleine pandémie, en juin 2022, que Mélanie Beauvais a pour sa part choisi de se joindre à Bachand Lafleur, groupe conseil. Nathalie Bachand et elle se côtoyaient déjà depuis quelques années et « la question de la relève de Nathalie » revenait souvent au cœur des discussions.
« Le défi sera de faire ma place dans leur firme, car il y a deux noms, Bachand et Lafleur, et elles sont très renommées dans leur milieu. L’objectif est donc de faire ma place, à ma manière aussi, car je me distingue de Nathalie; de faire partie des associées; et de prendre éventuellement la relève », explique Mélanie Beauvais.
Son travail consiste maintenant à construire principalement des plans financiers pour les clients, mais, dit-elle en riant, « quand [elle] prodigue un conseil, [ses] réflexes d’actuaire [la] mènent à calculer les hypothèses avancées pour bien l’illustrer ». « Je me suis réorientée en planification financière, car je me suis rendu compte que lorsque je parle avec un participant et que je sens que j’ai répondu à sa question, je l’ai aidé. C’est là que j’aime être », résume Mélanie Beauvais.