«J’ai toujours su que je voulais aller en finance, c’est la maison qui a fait cela, avoue-t-il. Ayant vu mon père travailler comme homme d’affaires, je m’enlignais pour ça.»
C’est pour cette raison que, sans se poser davantage de questions, Frederick Chenel a opté pour un baccalauréat en commerce, avec une concentration en finance et une autre en systèmes d’information, à l’Université McGill, de 2001 à 2004.
«Je me suis dit qu’une petite base [en informatique] allait m’aider dans l’avenir, explique Frederick Chenel. C’était moins le côté programmation que la modélisation qui m’intéressait. Je reconnaissais déjà l’importance que l’informatique prendrait dans le milieu financier.»
À sa sortie de l’université, il commence comme consultant en placement pour la firme Brockhouse Cooper, où il agit comme intermédiaire entre les firmes de gestion de portefeuille et les clients.
«Je ne savais pas trop ce qu’était ce poste avant de postuler. J’ai fait un peu de recherche et trouvé [la profession] intéressante», dit-il. Il occupera ces fonctions pendant sept ans.
À l’époque, Frederick Chenel rencontrait près de 150 gestionnaires de portefeuille annuellement, préparait des analyses des stratégies de placement et les évaluait pour que les clients puissent faire des choix éclairés sur le type de gestion de leurs actifs.
En parallèle, Frederick Chenel obtient son titre de CFA. Les trois examens obligatoires à l’obtention du titre nécessitent de 250 à 300 heures d’étude chacun.
«Je voulais prouver que j’étais sérieux à propos de la finance, raconte-t-il. Que j’étais quelqu’un qui était prêt à étudier, à sacrifier, à vraiment y concentrer mon attention.»
En 2010, Frederick Chenel se joint à Fiera Capital, la troisième société de gestion indépendante en importance au Canada, afin de prendre en charge l’équipe de soutien au développement des affaires, qui était composée de deux personnes, dont lui.
«À ce moment, Fiera était une firme de 20 G$ d’actif sous gestion et de 15 stratégies de placement, se souvient-il. Maintenant, c’est une firme de 123 G$ et 50 stratégies.»
Aujourd’hui, comme membre de l’équipe des marchés institutionnels et responsable des relations avec les consultants, il mène une équipe de huit personnes, soit six à Montréal et deux à Toronto.
L’équipe des marchés institutionnels est la plus importante chez Fiera en ce qui a trait à l’actif sous gestion (ASG) et aux revenus. En date du 30 septembre 2017, le secteur institutionnel représentait 52 % de l’ensemble de l’ASG, soit 64,4 G$ sur les 123 G$ que gère la société. En cinq ans, ce secteur a plus que doublé. Rappelons que son ASG s’élevait à 30,6 G$ en septembre 2012.
Par rapport à l’ensemble des honoraires de gestion, la proportion des revenus reliés au segment des marchés institutionnels est passée de 55,6 % à 47 % en cinq ans, et ils se chiffrent maintenant à 47,3 G$. Les honoraires provenant de la gestion privée ont explosé durant cette période et ceux des marchés institutionnels se sont maintenus.
Fiera compte environ 550 clients institutionnels. La taille moyenne de l’ASG qu’ils lui confient est de 20 M$. Parmi les clients de ce secteur, on compte des fondations ayant moins de 5 M$, mais également des investisseurs institutionnels qui remettent plus de 1 G$ à ses soins.
«Nous avons des instruments pour tous nos investisseurs, dit-il. C’est la démocratisation des stratégies. Si [par exemple] l’infrastructure, c’est bon pour la Caisse de dépôt et placement, ce l’est aussi pour une fondation de 5 M$.»
Le travail de l’équipe de Frederick Chenel est primordial pour le développement des affaires de la firme dans ce secteur. Elle fournit des analyses poussées sur les différentes stratégies de portefeuille de Fiera, les processus et les rendements caractéristiques des portefeuilles.
Ainsi, Frederick Chenel travaille à la fois avec des gestionnaires de portefeuille de Fiera, des consultants externes et des clients potentiels – comme des régimes de retraite et des fondations.
«La première chose qu’on veut, c’est de vulgariser le plus possible les approches», explique-t-il.
Cette habileté à jouer le rôle d’intermédiaire ou de médiateur est une des forces du vice-président principal. Son patron, Martin Dufresne, vice-président exécutif et chef des marchés institutionnels, le remarque.
«C’est un des gars les plus travaillants que j’aie vus de toute ma vie, dit-il. Il est capable d’abattre une quantité impressionnante de travail.»
Ce «travailleur acharné» peut accomplir plusieurs tâches à la fois tout en gérant des projets importants pour la société de placement, rappelle Martin Dufresne.
À seulement 36 ans, Frederick Chenel est en tête du peloton, selon son patron : «Il est, pour son âge, assurément en avance sur le plan des réalisations. Il est très mature et a d’excellentes aptitudes.»
Dure réalité institutionnelle
Les marchés institutionnels sont particuliers, car les processus de vente sont longs et nécessitent la coordination de nombreux intervenants.
Pour illustrer cette complexité, Frederick Chenel explique avoir rencontré un consultant à huit reprises, en se déplaçant chaque fois à ses différents bureaux, pour atteindre un certain degré de confort.
«Une fois que nous avons obtenu l’adhésion du consultant, ça nous a menés à plusieurs clients, raconte-t-il. Il faut vraiment qu’il y ait ce degré de confiance, et son atteinte se mesure en mois, voire en années.»
Les consultants ont des mandats et recherchent principalement la stabilité des équipes de gestion, une compréhension des processus de placement ainsi qu’un historique des rendements, rappelle Frederick Chenel.
Avant la crise financière de 2008, les consultants étaient moins exigeants sur leurs demandes. Maintenant, les sociétés de gestion dans le marché institutionnel doivent montrer patte blanche, avoir des dossiers très bien documentés et présenter les bonnes stratégies aux bons clients.
Deux éléments sont essentiels pour qu’une stratégie fonctionne sur le marché institutionnel : une base d’actifs sous gestion importante en taille et un historique de rendements attrayants, selon Frederick Chenel.
Afin d’atteindre ces objectifs, Fiera peut compter sur ses autres secteurs de distribution, soit la gestion privée et le marché des conseillers aux investisseurs.
En effet, les clients en gestion privée sont plus prompts à essayer une nouvelle stratégie, ce qui permet de développer de nouvelles approches.
Si, après quelques années, la stratégie démontre son efficacité, le marché des conseillers aux investisseurs la reprendra et lui permettra d’obtenir une base d’ASG intéressante pour le marché institutionnel.
La croissance future de ce segment passe par la reconnaissance des très grandes caisses de retraite.
C’est depuis peu que ce genre de clientèle s’intéresse à Fiera, et Frederick Chenel croit que la diversification de certaines stratégies ainsi que la création de solutions sur mesure lui permettront d’avoir des discussions avec elle.
Préparer la relève CFA
Avec ses 2 200 membres, CFA Montréal est la 10e association de CFA en importance sur les 137 que compte le réseau dans le monde. Président de CFA Montréal depuis juin 2017, Frederick Chenel déploiera un plan triennal basé sur trois axes afin de faire la promotion de Montréal comme centre financier, tout en préparant la relève en gestion de portefeuille.
Le premier axe est la notoriété de la marque CFA auprès des entreprises. «Ce que nous voulons, c’est nous assurer qu’elles sont au courant des bénéfices qu’il y a à avoir des titulaires du titre CFA dans leurs rangs», indique-t-il, soulignant l’expertise qu’apportent les CFA aux sociétés.
Ensuite, le deuxième axe concerne l’engagement envers le titre par les membres. Le président souhaite attirer de grands conférenciers du secteur économique et offrir davantage de soutien aux titulaires du titre de CFA.
«Nous voulons faire plus de ponts avec les candidats. Je crois que nous pouvons leur offrir plus d’activités et de soutien, dit celui qui est également père de deux enfants. Nous allons certainement continuer à développer cet aspect.»
CFA Montréal crée actuellement un comité qui tentera de simplifier l’accès des membres aux informations importantes se trouvant sur le site du CFA Institute. L’organisme utilisera plusieurs plateformes de diffusion, comme les médias sociaux, pour rejoindre l’ensemble de ses membres, dont la moyenne d’âge diminue.
Le troisième axe du plan touche la diversité de genre du titre. À l’heure actuelle, CFA Montréal compte 17 % de femmes parmi ses membres. Frederick Chenel veut augmenter le nombre de femmes ayant le titre de CFA et considère que c’est avant l’université qu’il faut aller les chercher.
«Il est presque déjà trop tard, dit-il. C’est au cégep ou au secondaire qu’il faut aller les voir et leur expliquer pourquoi la finance pourrait leur convenir», note-t-il.