Il a été mis au monde professionnellement grâce au Régime d’épargne-actions (REA) et a coaché parmi les plus importants conseillers au Canada. André Bourret, premier directeur régional, Québec, directeur de la succursale de Montréal de ScotiaMcLeod, une division de Scotia Capitaux, et administrateur, Gestion de patrimoine Scotia, raconte son riche parcours et sa vision de l’avenir du conseil. Retour sur sa carrière.
Originaire de Thetford Mines, dans la région de Chaudière- Appalaches, André Bourret étudie d’abord en ingénierie, mais se réoriente rapidement en administration des affaires. C’est dans son cours sur les marchés des capitaux, à l’Université du Québec à Trois-Rivières, dont il est diplômé, qu’il développe sa passion pour la finance. Sa visite au bureau d’un camarade de classe qui travaillait comme « courtier en valeur mobilière » chez Richardson Greenshields à Trois-Rivières, en 1983, est décisive.
« J’ai vu les écrans avec les cotes et les tableaux des obligations et j’ai dit : « C’est ce que je veux faire. » J’ai eu le coup de foudre », raconte André Bourret, 60 ans. Il commence à travailler comme conseiller chez McNeil, Mantha la même année.
« J’ai commencé sans client et je ne parlais pas anglais », raconte celui qui livrait à l’époque des obligations municipales chez les clients. L’avantage fiscal lié au REA a été un tremplin. « On avait un produit fortement demandé. On ouvrait des comptes facilement, et là on développait notre relation avec ces clients. »
L’un des dirigeants de cette firme de courtage, Raymond Desormeaux, devient son « père professionnel », note André Bourret : « Voici ce que Raymond m’a inculqué : « On est honnête. On travaille fort, dans les bons comme dans les mauvais moments. On n’est pas flamboyant, on livre la marchandise pour le client. Lorsqu’on fait des erreurs, on le reconnaît et on corrige. » »
Comme mentor, il l’a même aidé à corriger ses erreurs, dont celle d’avoir démissionné pour une firme de courtage naissante, en 1988. « J’ai quitté McNeil, Mantha pour un week-end. Je suis parti le jeudi, et le vendredi je suis rentré dans la boutique. Je me suis rendu compte que c’était une coquille vide », raconte André Bourret. Raymond Desormeaux le rappelle, lui offre du capital-actions dans la McNeil, Mantha à sa demande et André Bourret réintègre la firme.
C’est à cette époque qu’il renforce son amitié avec Paul Balthazard, vice-président et directeur régional, Québec, RBC Dominion valeurs mobilières (RBC DVM), qui a aussi travaillé chez McNeil, Mantha : « André est quelqu’un d’authentique, qui est passionné et qui a un sens de l’humour extraordinaire. Il dit les choses telles qu’elles sont, sans mauvaise intention. »
Manager dans l’âme
André Bourret s’est toujours intéressé à la gestion. En 1986, peu après son arrivée chez McNeil, Mantha, il devient directeur de succursale et conservera des fonctions de gestionnaire pendant le reste de sa carrière.
« J’aime beaucoup le travail d’équipe. Quand on est dans le management, notre rôle est de faire travailler l’équipe. Il y en a qui jouent mieux certains soirs, d’autres certains autres soirs, ou dans certaines circonstances », dit cet amateur des Canadiens de Montréal et dont l’idole est Guy Lafleur.
En 1991, RBC DVM acquiert McNeil, Mantha. Cette transaction est déterminante dans la carrière d’André Bourret. « On passait dans la ligue nationale. On nous a intégrés de façon incroyable », dit-il. Il conserve son bloc d’affaires et continue de se consacrer à la gestion.
En 1995, il quitte RBC DVM pour diriger la succursale de Montréal de ScotiaMcLeod. Il est séduit par la direction d’une grande succursale et un mandat qui lui donne carte blanche. Il a alors 36 ans et est appelé à diriger deux conseillers qui ont les blocs d’affaires les plus importants au Québec. « Je n’étais pas très vieux, mais j’avais de l’expérience comme conseiller, ce que les gens aiment beaucoup. J’avais vécu le krash de 1987. J’ai eu aussi le soutien de deux conseillers qui étaient des légendes, Charles Larente et Jacques Maurice. J’avais aussi une équipe extraordinaire et je me suis bien intégré. »
André Bourret devient directeur régional pour le Québec en 2000, au même moment où la Banque Scotia décide de vendre 43 succursales québécoises à la Banque Laurentienne. Cette décision amène ScotiaMcLeod à se départir de ses bureaux en région. « Quand tu n’as pas de succursale de banque à Trois-Rivières, à Chicoutimi, à Rimouski et ainsi de suite, se battre contre les Desjardins et Banque Nationale de ce monde, c’est très dur. »
ScotiaMcLeod se concentre alors sur les clients très fortunés, une décision dont se félicite André Bourret. « Le compte minimum était de 100 000 $ il y a 15 ans », relate-t-il. Aujourd’hui, les ménages qui ont 1 M$ et plus d’actif financier représentent 28 % de l’ensemble des ménages et 85 % des actifs. Dans le segment des ménages ayant 500 000 $ et plus à investir, 94 % ont 1 M$ et plus d’actif.
En mars 2019, ScotiaMcLeod comptait 47 conseillers en placement au Québec qui géraient 14,5 G$ en actif pour l’ensemble de la province. Cela représente environ 6 % de la part de marché en ce qui a trait à l’actif géré par les courtiers québécois, selon des données de l’Institut de la statistique du Québec.
Pourtant, ScotiaMcLeod comptait 54 conseillers il y a un an. Sept d’entre eux ont quitté le courtier, la plupart pour aller chez RBC DVM.
Ces départs découlent en partie de changements au régime de retraite de la Banque Scotia, selon des sources de l’industrie. Depuis l’automne, les employés ne peuvent plus transférer dans un compte immobilisé la valeur de leur régime de retraite lorsqu’ils quittent l’institution financière. Ils doivent alors se contenter de la rente promise à l’âge convenu.
L’orientation de la division québécoise de ScotiaMcLeod vers les clients ultrafortunés a aussi été un avantage en 2016, lorsque ScotiaMcLeod a congédié 7 % des conseillers et du personnel de soutien au Canada. Au Québec, un seul conseiller a été emporté par cette vague.
À l’exception de l’année 2003, où André Bourret a travaillé chez CIBC Wood Gundy, celui-ci a dirigé durant plus de 20 ans les bureaux de Montréal de ScotiaMcLeod. Il est fier du travail accompli.
Si on écarte l’effet des départs de conseillers mentionné plus haut, la croissance des actifs sous gestion est égale ou supérieure à celle de l’industrie, selon une analyse des données de ScotiaMcLeod par la firme PriceMetrix, assure André Bourret.
Il souligne aussi le virage de ScotiaMcLeod vers la gestion discrétionnaire et la gestion à honoraires non discrétionnaire. Au dire d’André Bourret, 64 % de l’actif de ScotiaMcLeod au Québec cadre dans l’une ou l’autre de ces catégories. En décembre 2018, 62,8 % de l’actif de ScotiaMcLeod était dans des comptes à honoraires, discrétionnaires et non discrétionnaires, ou dans des fonds de fonds (fund wraps). Parmi l’ensemble des courtiers de plein exercice, cette part varie de 29,5 % à 62,8 %, selon le « Retail Brokerage and Distribution Report » de Strategic Insight.
« Ç’a été un marathon. On a fait cela année après année, comme toute l’industrie. On est parti d’une succursale très transactionnelle, et maintenant, des conseillers ont 100 % de leurs actifs en gestion discrétionnaire », dit André Bourret.
Le déploiement des services de Gestion de patrimoine Scotia à partir de septembre 2015 a eu bon nombre d’effets positifs sur ScotiaMcLeod, dont la croissance de ses revenus d’assurance de personnes. Ces services, qui comprennent un plan personnalisé conçu par des banquiers privés et des experts en assurance ainsi qu’en planification fiscale et successorale, séduisent les clients, ce qui les porte à les recommander, selon André Bourret : « Quand on fait des plans, on consolide l’actif de nos clients existants et on se rapproche de leur famille et de leurs héritiers. »
Au-delà des chiffres, André Bourret est fier des conseillers qu’il a embauchés au milieu des années 1990 et qui sont encore là : « On est très près des gens. C’est un peu comme une famille. »
D’ailleurs, Paul Balthazard et Luc Papineau, vice-président, courtage et gestion privée chez Valeurs mobilières Desjardins, saluent le soutien d’André Bourret auprès des conseillers Charles Larente et Jacques Maurice. « Il a supervisé des conseillers en placement qui ont réalisé de grandes choses », dit Luc Papineau.
Les encadrer n’a pas été si difficile, selon André Bourret, car ces conseillers exigent constamment l’excellence d’eux-mêmes. Il a bien entendu orienté leurs choix et résolu les problèmes qui les empêchaient d’avancer à leur rythme.
« Je comprends toujours le point de vue du conseiller et j’ai tendance à vouloir l’aider. Je ne me cache pas derrière les politiques de firmes quand elles n’ont pas de sens », dit André Bourret.
Selon Luc Papineau, le transfert du bloc d’affaires de Charles Larente, lorsque celui-ci a quitté l’industrie il y a sept ans, a été un défi. « On a réussi à transitionner le bloc en deux mois, raconte André Bourret. On l’a modernisé au fil des années, pour qu’il passe du transactionnel à la gestion discrétionnaire. On a conservé ses clients et on est en mode de développement de ce bloc. On n’a pas perdu grand-chose », dit André Bourret.
Défendre l’industrie
« Une belle réalisation d’André a été de redonner à l’industrie par son engagement à l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières [OCRCVM] », raconte Paul Balthazard. De 2002 à 2014, André Bourret a en effet siégé au conseil de la section du Québec de l’OCRCVM et de l’organisme qui l’a précédé, l’Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières (ACCOVAM). Dans ses dernières années d’engagement, il a été vice-président, puis président du conseil de section.
« C’est un rassembleur, André. Ça peut être assez aride d’être au conseil de section. Il a une belle intelligence, un bon jugement, des capacités intellectuelles très fortes », dit Paul Balthazard, qui a aussi siégé à ce conseil.
C’est aussi au conseil de section qu’André Bourret a fait la connaissance de Luc Papineau. Selon ce dernier, André Bourret est dévoué à l’industrie et croit en elle. « C’est un homme de parole. Quand tu donnes une poignée de main à André, tu as un deal et tu n’as pas besoin d’avoir un contrat », dit Luc Papineau, qui le considère davantage comme un partenaire qu’un concurrent.
L’engagement d’André Bourret a certes permis au personnel du régulateur d’avoir un interlocuteur afin de nourrir ses réflexions sur les améliorations à apporter au cadre réglementaire. « J’ai toujours essayé d’être la voix de ceux qui sont sur la ligne de feu, comme les conseillers, les gens qui sont en contact avec nos clients », dit André Bourret. Sans avoir été un grand partisan de la séparation de la mission associative de l’ACCOVAM, il dit l’avoir toujours facilitée.
Au cours des prochaines années, André Bourret entend miser sur la création de plans financiers personnalisés avec Gestion de patrimoine Scotia et renforcer ses bureaux de Laval et de Westmount, notamment par l’acquisition de conseillers. Il s’affairera aussi à soutenir et former les conseillers qui convergent vers la gestion discrétionnaire ainsi qu’à préparer la relève à l’interne des conseillers qui veulent prendre leur retraite.
D’ailleurs, même s’il ne travaillera pas jusqu’à 75 ans, André Bourret n’a pas désigné de successeur pour ses fonctions : « Je ne suis pas rendu là. J’adore ce que je fais. »
De quoi aura l’air le conseiller de l’avenir ? Il travaillera en équipe, aura des successeurs désignés plus jeunes, aura une connaissance profonde de ses clients, mettra à jour les dossiers clients plus souvent qu’actuellement et approfondira son expertise en assurance ainsi qu’en planification successorale et fiduciaire.