L’industrie canadienne des fonds négociés en Bourse (FNB) faisait toute une percée le 18 février 2021 avec le lancement du premier FNB de cryptomonnaies au monde. Depuis, le marché s’est diversifié – avec des fonds basés sur le bitcoin et sur l’Ethereum – et le nombre de produits a crû au point que cette nouvelle catégorie de fonds représentait un actif cumulatif de 4,8 G$ à la fin de février 2022.
Qu’a-t-on appris de cette première année des FNB de cryptomonnaies ? Dans une note envoyée à des clients, une équipe d’analystes de Valeurs mobilières TD tente de répondre à cette question en faisant un bilan des fonds de cette catégorie. En voici un résumé.
Croissance forte
La croissance de ce segment de marché a été forte, avec un actif cumulatif de 4,8 G$ réparti dans 43 produits. Les FNB de bitcoins ont attiré la plus grande partie de l’intérêt avec un actif de 3,2 G$ réparti dans 23 produits, par rapport à 1,6 G$ et 13 produits pour les FNB exposés à l’Ether.
De plus, le premier FNB de bitcoins à l’échelle mondiale (BTCC CN) demeure le FNB de cryptomonnaies le plus important et le plus actif sur le marché canadien, avec un actif total sous gestion de 1,4 G$ et un volume de négociation quotidien moyen de 55,8 M$, d’après l’étude d’une équipe de Valeurs mobilières TD équipe de Valeurs mobilières TD menée par Andres Rincon, directeur des stratégies et des ventes de FNB.
Sans le savoir, les régulateurs canadiens ont ainsi accordé tout un avantage à Purpose en lui permettant de lancer ce FNB avant tous les autres manufacturiers.
D’ailleurs, Purpose a un actif représentant 38% de celui du marché des FNB de cryptomonnaies, suivi de 3iQ et Placements CI, tous deux à 28 % de parts de marché. Evolve se classe au quatrième rang avec 4 %. NinePoint a, quant à lui, un actif équivalant à 1 % du marché des FNB de cryptomonnaies, selon Valeurs mobilières TD.
Préférence aux FNB « de détention physique »
Dans ce marché, les FNB ayant comme actif sous gestion des cryptomonnaies en détention physique, souvent dans un portefeuille inactif (cold wallet), obtiennent la part du lion en ce qui concerne l’actif sous gestion. Ainsi, les FNB de bitcoins en détention physique accumulaient en février 64,8 % de l’actif de la catégorie, suivis des FNB exposés à l’Ether en détention physique, à 33,8 %. Les FNB de bitcoins basés sur les contrats à terme ainsi que les FNB de multicryptoactifs chacun 0,7 % de parts de marché, d’après Valeurs mobilières TD. On ne retrouve pas de FNB exposés à l’Ether basés sur des contrats à terme, bien que de tels contrats se négocient sur le CME.
« Pourquoi les investisseurs favorisent-ils les FNB de cryptomonnaies adossés à des actifs physiques ? Les principales raisons résident dans les limites de prix des contrats à terme et le coût de roulement des contrats à terme », explique-t-on chez Valeurs mobilières TD.
Ainsi, le bitcoin physique n’a pas de limites de prix, ce qui permet aux FNB adossés physiquement de toujours suivre l’évolution de l’actif sous-jacent, quelle que soit sa volatilité. En revanche, les contrats à terme sur bitcoins ont des limites de prix, principalement pour protéger les chambres de compensation et leurs membres contre les pertes financières dues à l’incapacité d’un participant à honorer ses engagements et pour promouvoir un marché ordonné, précise l’équipe d’Andres Rincon.
« Les limites de prix des contrats à terme représentent un défi pour les mainteneurs de marché et les investisseurs, car elles peuvent entraîner l’arrêt de la création de parts de FNB et/ou le découplage de la valeur du FNB de celle de son actif sous-jacent », lit-on dans l’étude.
Les FNB basés sur des contrats à terme doivent également reconduire les contrats à terme du mois précédent à l’échéance suivante pour maintenir leur exposition cible au bitcoin. « Comme pour d’autres produits basés sur des contrats à terme, cela crée un frein naturel au FNB si les contrats à terme restent en contango, ce qui entraîne une sous-performance importante à long terme », indique Valeurs mobilières TD.
L’effet contango ou « de report » survient quand le prix à terme d’un contrat est plus élevé que le prix actuel. Il est assez commun dans l’univers des contrats à terme de marchandises (comme l’or ou l’argent), puisque celui qui vend le contrat à terme veut être rémunéré, pour le stockage notamment.
Si l’on examine la performance des FNB de bitcoins cotés au Canada depuis mai 2021 (date à laquelle la plupart des FNB de cryptomonnaies ont achevé leur lancement initial), ceux basés sur des contrats à terme ont moins bien réussi que leurs homologues physiques, observe Valeurs mobilières TD.
« Le FNB basé sur les contrats à terme (HBIT/U) a enregistré une perte de 34,0 % depuis mai 2021, contre une perte moyenne de 31,0% pour les FNB à support physique au cours de la même période, lit-on dans l’étude. Si l’on annualise la différence, le FNB basé sur les contrats à terme a sous-performé de 3,7 % par rapport à ses homologues adossés à des actifs physiques, ce qui constitue une sous-performance significative pour deux FNB qui suivent le même actif. Bien que les FNB basés sur des contrats à terme présentent des avantages en ce qui concerne la garde et d’autres questions, les investisseurs canadiens semblent toujours préférer les FNB à détention physique, car ils suivent de plus près les actifs sous-jacents. »
Un écart de suivi à considérer
Les FNB de bitcoins ont affiché un écart de suivi (tracking error) moyen de 2,8% et les FNB exposés à l’Ether, de 3,7 %. « Bien que les dispersions soient plus importantes que celles des FNB de l’indice S&P 500 (inférieures à 1 %), les FNB de cryptomonnaies offrent globalement aux investisseurs des rendements très proches des actifs sous-jacents », souligne Valeurs mobilières TD.
Les FNB de bitcoins à détention physique qui suivent le même actif ont montré de petites variations de performance allant de -30,4 % à -31,6 % depuis mai 2021, principalement en raison du fait que chaque FNB utilise un indice et une méthodologie de mise en œuvre différents pour gérer l’exposition au même actif, selon Valeurs mobilières TD.
« En ce qui concerne les FNB de bitcoins adossés à des actifs physiques, six FNB suivent cinq indices différents, qui sont tous conçus pour suivre la performance du bitcoin de manière légèrement différente. C’est la même histoire avec les FNB exposés à l’Ether, où quatre FNB adossés physiquement utilisent quatre indices différents et ont produit des rendements allant de -16,4 % à -17,1 % », apprend-on dans l’étude.
Guerre de frais et RFG
Le secteur des FNB de cryptomonnaies a connu une guerre de frais depuis son existence. Celle-ci a commencé peu après que Purpose (BTCC) et Evolve ETFs (EBIT) ont lancé les premier et deuxième FNB de bitcoins avec des frais de gestion de 1 %.
Evolve ETFs a fait le premier pas en réduisant les frais de gestion d’EBIT de 1 % à 0,75 % quelques jours après son lancement, ce qui en faisait le fonds basé sur le bitcoin ayant les frais de gestion les moins élevés à l’époque.
Puis, au début du mois de mars 2021, Placements CI a lancé son CI Galaxy Bitcoin ETF (BTCX) avec des frais de gestion de 0,40 %, qui restent les plus bas de la catégorie d’actifs.
Les frais de gestion sont les frais le plus souvent cités dans les fiches d’information sur les FNB et sur les sites web des émetteurs de FNB, et ils sont constamment sous pression en raison d’une concurrence croissante.
« Toutefois, le véritable coût total de possession pour un investisseur est le ratio des frais de gestion (RFG), qui comprend les frais de gestion et tous les coûts ou frais liés à l’exploitation. Le RFG d’un FNB dépend de divers facteurs, dont l’efficacité du fonds, le taux de rotation de ses créations/rachats et les coûts d’exécution. Certains diront que la taille permet de réaliser des économies d’échelle, tandis que d’autres diront que plus de transactions entraîneront plus de coûts », écrivent les auteurs de Valeurs mobilières TD.
Selon eux, il est encore trop tôt pour déterminer quels FNB ont les RFG les plus bas. Cependant, des émetteurs tels que Purpose et 3iQ se sont engagés à plafonner les RFG à 1,5 % et 1,25 % respectivement, ce qui apporte plus de certitude aux détenteurs de parts de FNB quant au coût total de possession.
Prime par rapport à la valeur liquidative
Depuis leur apparition, les FNB de cryptomonnaies tendent à se négocier plus fréquemment avec une légère prime par rapport à leur valeur liquidative, constate Valeurs mobilières TD. Toutefois, dans des conditions normales de marché, cette prime devrait continuer de se réduire avec le temps et la maturité du marché, le prix d’un FNB se rapprochant de plus en plus de sa valeur liquidative.
L’histoire de la dernière année tend à soutenir cette perspective. « Depuis sa création, BTCC/U s’est négocié avec des primes par rapport à la valeur liquidative (VL) pendant 66 % des jours de Bourse, lit-on dans l’étude. Si l’on réduit la période de référence aux trois derniers mois, le pourcentage passe de 66 % à 60 %. La prime moyenne par rapport à la VL a chuté de 0,07 % depuis la création à 0,04 % au cours des trois derniers mois. Cela indique que les primes par rapport à la VL diminuent globalement à mesure que le marché arrive à maturité. »
Les investisseurs gardent leurs FNB
La dernière année montre que les investisseurs garderaient leurs FNB de cryptomonnaies dans un objectif à moyen ou long terme, plutôt que de les utiliser comme un moyen de pure spéculation à court terme, selon les constats de Valeurs mobilières TD.
« Le nombre de parts en circulation a grimpé en flèche au cours des premiers mois de négociation en raison de la pression d’achat agressive exercée par des investisseurs avides. Après les deux premiers mois, la croissance des actions en circulation est devenue régulière malgré les hausses et les baisses des prix des cryptomonnaies », lit-on dans l’étude.
Par exemple, pour les FNB de bitcoins, le nombre de parts en circulation est resté stable à environ 360 millions pendant le repli majeur des prix du bitcoin de novembre 2021 à janvier 2022. Ç’a été la même chose avec les FNB exposés à l’Ether. « Cela indique que la plupart des investisseurs ne considèrent pas les FNB de cryptomonnaies comme des outils de spéculation à court terme. »