Un document de recherche publié en janvier par l’Université d’État de l’Ohio critique les fonds négociés en Bourse (FNB) spécialisés pour leurs faibles rendements corrigés du risque, leurs frais élevés et leur manque de diversification, et conclut que ces fonds «génèrent un alpha négatif d’environ-4 %»chaque année.
«Ces produits [spécialisés] se concurrencent pour attirer l’attention d’investisseurs peu sophistiqués qui recherchent les performances passées et négligent les risques associés à des portefeuilles sous-diversifiés, écrivent les auteurs. Les FNB spécialisés ont, en moyenne, réalisé des performances décevantes pour leurs investisseurs.»
Mais les fournisseurs de FNB canadiens contestent cette notion, affirmant que les FNB thématiques d’innovation sont durables et que les fonds thématiques peuvent être très bénéfiques lorsqu’ils sont utilisés de manière appropriée. Les rendements des FNB thématiques les plus performants du Canada ajoutent de la crédibilité à cet argument.
En 2020, le fonds Emerge ARK Genomics & Biotechnology ETF était en tête du classement des performances au Canada, avec un rendement de 156,9 %, selon Morningstar. Les cinq FNB d’Emerge Canada, de Toronto, gérés par l’équipe new-yorkaise d’ARK Investment Management dirigée par Cathie Wood, ont réalisé un rendement d’au moins 100 % l’année dernière.
Parmi les autres gagnants à trois chiffres de 2020, citons le Blockchain Technologies ETF, géré par Harvest Portfolios Group, d’Oakville (Ontario), qui a progressé de 151 %, le Horizons Big Data & Hardware Index ETF, qui a augmenté de 117,2 %, et l’Evolve Automobile Innovation Index Fund, qui a gagné 111,8 %.
Les sceptiques de l’Université d’État de l’Ohio et les promoteurs de FNB optimistes s’accordent à dire que les FNB spécialisés, en particulier ceux qui sont liés à la technologie, sont très populaires de nos jours. Plusieurs nouvelles offres spécialisées ont été lancées cette année.
Parmi les plus ambitieuses figurent une série de cinq FNB de BMO Gestion mondiale d’actifs basés sur les indices d’innovation MSCI et couvrant des thèmes tels que la génomique, l’Internet de nouvelle génération et les technologies financières, ainsi qu’un autre FNB consacré aux énergies propres. Au nombre des autres nouveaux entrants, citons le Horizons Psychedelic Stock Index ETF, qui investit dans des sociétés des sciences de la vie et des sociétés pharmaceutiques développant des utilisations thérapeutiques pour les composés psychédéliques, et le fonds Evolve Cloud Computing Index.
En créant de nouveaux produits, la société torontoise Evolve Funds Group recherche une thèse d’investissement à long terme. En raison du manque de données historiques sur les technologies innovantes, «il y a certainement un élément subjectif qui entre dans la stratégie d’Evolve», précise son président et directeur général, Raj Lala. Par exemple, le fonds Evolve Cyber Security Index Fund (dont les cotations couvertes et non couvertes ont des rendements annualisés sur trois ans supérieurs à 30 %) part du principe que la cybercriminalité continuera de croître au cours de la prochaine décennie, et que la cybersécurité deviendra une dépense non discrétionnaire pour toutes les grandes entreprises et agences gouvernementales du monde entier. Le fonds Evolve Cyber Security fournit un «accès parfait» à un thème spécifique et à des entreprises qui ne figurent généralement pas dans les principaux indices boursiers, ajoute Raj Lala.
Steve Hawkins, président et directeur général de la société torontoise Horizons ETFs Management (Canada), souligne les grandes tendances économiques et sociétales qui, selon lui, permettront de maintenir les rendements des FNB technologiques. «Les gens vont continuer à travailler à domicile, note-t-il. Ils vont être beaucoup plus interactifs en utilisant des ordinateurs. Il est difficile de trouver une raison pour laquelle vous ne devriez pas continuer à investir dans la technologie dans son ensemble.»
En investissant dans des FNB spécialisés, les investisseurs peuvent rapidement accéder à un sous-secteur ou à un thème d’investissement spécifique tout en se diversifiant parmi de nombreuses actions, ajoute Steve Hawkins. «Je ne veux pas me risquer à donner des noms individuels, en particulier dans la technologie des chaînes de blocs et la cryptomonnaie, affirme-t-il, car je n’ai absolument aucune idée de qui sera le prochain Coca-Cola ou PepsiCo.»
Les critiques du document de l’université d’État de l’Ohio concernant les faibles rendements corrigés du risque des FNB thématiques – ou alpha négatif – sont en partie justifiées par les performances très irrégulières des FNB sur le thème du cannabis. Le plus important et le plus ancien est le Horizons Marijuana Life Sciences Index ETF. Après avoir plus que doublé pour atteindre 24 $en septembre 2018, sa valeur nette d’inventaire a plongé à 5 $en mars 2020, avant de rebondir à 14 $au début de février.
Selon Steve Hawkins, les FNB spécialisés offrent aux courtiers actifs une «option liquide et efficace» pour entrer et sortir de marchés tels que celui du cannabis, et peuvent être un outil d’investissement à court, moyen ou long terme.
La société Emerge Canada vise à surpasser les approches de type indiciel en matière d’investissement thématique. «La gestion active est vraiment en train de prendre de l’avance», affirme Lisa Lake Langley, présidente, directrice générale et fondatrice d’Emerge, en soulignant les excellents résultats de son entreprise à ce jour. L’équipe d’ARK comprend des analystes qui ont une expérience dans des domaines tels que la génomique et diverses disciplines d’ingénierie. «Parce qu’ils ont cette expertise, ils savent comment virer de bord et réagir aux nouvelles», souligne Lisa Lake Langley.
Tout en reconnaissant que les investissements dans les entreprises innovantes peuvent être volatils, Lisa Lake Langley rejette l’idée que les investisseurs ne sont pas bien servis par les FNB spécialisés. «Nous voyons les clients se diversifier et les conseillers recommander aux clients de se diversifier et de commencer à allouer des fonds à l’innovat ion, note-t-elle. [L’innovation est] en train de devenir presque une catégorie d’actifs.»