C’est ce qu’estiment les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM), qui ont publié le 25 juin un document de consultation dont le but est de réviser le cadre de l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM) et de l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (ACFM).
Ce document a été rédigé à la suite de rencontres informelles effectuées avec « une grande variété de groupes d’intervenants » invités à s’exprimer sur le cadre actuel.
« Les groupes et associations sectoriels ainsi que les groupes de défense des investisseurs ont tous exprimé le souhait de voir le cadre réglementaire actuel modifié, compte tenu de l’évolution de l’environnement commercial, des besoins et des attentes des clients », y lit-on.
Certains intervenants déplorent que de maintenir l’OCRCVM et l’ACFM continue de créer un dédoublement des coûts de conformité et de donner lieu à des interprétations différentes de règles similaires. D’autres jugent que le cadre actuel fait que les clients ne peuvent pas accéder à une large gamme de produits auprès d’un seul représentant ou ne savent pas à qui s’adresser en cas de problème.
Toutefois, le cadre à deux OAR a l’avantage de donner aux clients l’accès à deux fonds de protection et à des règles adaptées. « Par exemple, les courtiers membres de l’OCRCVM peuvent offrir à leurs clients la possibilité de négocier des valeurs mobilières et d’autres produits de placement sur marge ou d’effectuer des opérations institutionnelles ou pour compte propre ; ils sont donc exposés à des risques généralement plus complexes que ceux auxquels font face les courtiers membres de l’ACFM », d’après le document.
Attentes des ACVM
Les ACVM ont des attentes quant au nouveau cadre. Ainsi, celui-ci réduirait au minimum les redondances n’apportant aucune valeur sur le plan réglementaire et les possibilités d’arbitrage réglementaire.
Au 31 décembre 2019, il y avait 169 courtiers actifs membres de l’OCRCVM et 88 courtiers actifs membres de l’ACFM, dont 25 à double plateforme. Ces derniers doivent maintenir deux systèmes de conformité, lesquels nécessitent des systèmes de technologie de l’information administratifs distincts. Ils doivent aussi cotiser à deux fonds de protection.
De plus, le cadre actuel permet qu’un fonds commun de placement soit vendu par les courtiers en épargne collective, les courtiers en placement et les courtiers sur le marché dispensé. Ces trois groupes étant soumis à des règles et à une surveillance différentes, cela « peut entraîner un traitement non uniforme des personnes inscrites exerçant des activités similaires ». C’est sans compter qu’un conseiller membre de l’ACFM pourrait hésiter à devenir membre de l’OCRCVM, car ce dernier OAR n’autorise pas le versement de commissions à la société par actions personnelle d’un représentant.
Le nouveau cadre doit offrir aux clients un accès homogène à des produits et à des services similaires, et laisser place à l’innovation tout en protégeant les investisseurs, souhaitent les ACVM. L’un des problèmes découle de l’accès inégal aux fonds négociés en Bourse (FNB) entre les courtiers en placement et les courtiers en épargne collective. Bien que ces derniers puissent conclure une entente de service avec un courtier membre de l’OCRCVM ou conseiller au client d’acheter des titres d’un fonds d’investissement qui englobe des FNB, ces solutions sont peu pratiques, généralement plus coûteuses pour l’investisseur et, par conséquent, inefficaces, selon le document des ACVM. Selon un OAR consulté par les ACVM, la structure actuelle interdit aux courtiers en épargne collective d’exercer un pouvoir de négociation discrétionnaire pour le compte de clients, ce qui les empêche de créer certains modèles d’entreprise.
De plus, la structure actuelle n’a pas laissé suffisamment de latitude pour permettre aux modèles d’affaires d’innover en offrant des services de placement en ligne ou des conseils hybrides humains/numériques.
Par ailleurs, les ACVM espèrent que le nouveau cadre réglementaire soit facilement compréhensible pour les investisseurs et les protège de manière appropriée, notamment avec un mandat d’intérêt public clair et transparent assorti d’une structure de gouvernance efficace.
Au dire d’intervenants consultés, « la structure de gouvernance des OAR ne favorise pas suffisamment l’exécution de leur mandat d’intérêt public du fait qu’ils sont dotés de conseils d’administration trop proches du secteur des valeurs mobilières et qu’ils ne disposent pas d’un mécanisme officiel permettant de tenir compte des commentaires des investisseurs ».
Selon les ACVM, le nouveau cadre devrait leur favoriser un accès rapide et efficace aux données sur les marchés afin d’élaborer des politiques appropriées et bien gérer le risque systémique.
« Des intervenants se disent préoccupés par de possibles lacunes en matière d’information et la fragmentation de la visibilité du marché qui pourraient résulter du fait d’exclure les autorités en valeurs mobilières des fonctions de surveillance du marché », lit-on dans le document.
La consultation ne concerne pas la Chambre de la sécurité financière (CSF). Or, son existence est montrée du doigt par une association qui soutient qu’un régime distinct pour les courtiers en épargne collective au Québec est complexe. « Ces environnements réglementaires qui se chevauchent peuvent accroître la confusion chez les investisseurs et alimenter des divergences de vues concernant les fonctions des OAR et leurs relations avec les autorités en valeurs mobilières », lit-on dans le document.
Une entente de coopération existe donc entre l’ACFM, l’Autorité des marchés financiers et la CSF visant à « faciliter le partage de renseignements et la supervision des membres de l’ACFM qui exercent des activités dans cette province ».
Les commentaires des parties intéressées sont attendus jusqu’au 23 octobre.
Bras de fer OCRCVM-ACFM
Aussi bien l’OCRCVM que l’ACFM ont déjà pris position sur le futur cadre réglementaire.
L’OCRCVM, qui juge l’actuel cadre inefficient, propose de fusionner ses activités avec celles de l’ACFM. Les deux organismes formeraient ainsi les divisions d’un OAR unique.
Dans un mémoire rendu public en juin, l’OCRCVM affirme que, en 10 ans, cette mesure permettrait « d’économiser des centaines de millions de dollars grâce à la réduction des formalités administratives et du fardeau réglementaire en double, et ces sommes pourraient être réinvesties dans l’innovation, le service à la clientèle et la croissance économique partout au Canada ».
L’ACFM, qui rejette l’idée de l’OCRCVM, suggère plutôt la création d’un nouvel organisme chargé de superviser l’ensemble des sociétés inscrites (courtiers et gestionnaires de fonds), ainsi que le transfert de la réglementation du marché au sein d’une entité distincte.
Cette proposition « établit un cadre pour un OAR construit à partir de zéro de manière à bâtir un OAR vraiment moderne doté d’une culture qui met l’intérêt public au premier plan », a déclaré Mark Gordon, président de l’ACFM. « Il faut régler les problèmes de conflits d’intérêts qui existent entre les mandats des OAR et les intérêts des membres des OAR », affirme-t-il. FI