L’industrie financière est divisée quant à la pertinence d’abolir ou non les FAR. Alors que les courtiers indépendants et plusieurs manufacturiers de fonds indépendants militent en faveur de leur maintien, des institutions financières et des groupes de défense des intérêts des investisseurs appuient les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) dans leur projet d’interdire ce mode de rémunération.
Parmi les membres de l’industrie qui ne s’opposent pas à ce que les FAR disparaissent, d’après leurs mémoires remis aux ACVM, figurent la Banque Nationale, l’Association canadienne du commerce des valeurs mobilières (ACCVM), la Banque TD (TD Wealth) et RBC Banque Royale.
Toutefois, la plupart des groupes qui appuient les ACVM dans leur volonté d’abolir les FAR sont nuancés.
Par exemple, la Banque Nationale s’inquiète des risques d’arbitrage réglementaire découlant de l’abolition des FAR. Si l’abolition amène des conseillers à recommander des produits bancaires ou des fonds distincts, cela ne favoriserait pas la protection du public.
D’où la pertinence pour les régulateurs d’harmoniser leur réglementation avec celle d’autres régulateurs qui encadrent les produits d’épargne, les produits bancaires et les produits d’assurance.
La suppression de l’option avec FAR pourrait avoir une incidence sur les petits investisseurs qui l’utilisent, car ils sont particulièrement sensibles au prix, admet pour sa part l’ACCVM : «Ces clients pourraient être dissuadés d’investir de manière générale ou d’investir de plus petites sommes s’ils doivent payer des frais d’entrée. En outre, il y aura un impact significatif sur les conseillers qui dépendent de la rémunération avec FAR et ils devront modifier leurs modèles d’affaires et s’assurer de justifier leur valeur auprès de leurs clients.»
La RBC invite les ACVM à être prudentes lorsqu’elles présument que l’abolition des FAR fera diminuer les frais de gestion des fonds communs, les manufacturiers de produits n’ayant plus à financer le coût des FAR. «Ce ne sont pas tous les émetteurs de fonds qui ont choisi d’augmenter les frais de gestion des fonds assortis de FAR dans le but de payer la commission à la vente (up front commission). Ainsi, il n’y a pas toujours de corrélation directe entre les commissions à la vente payées au courtier et les frais de gestion facturés par les manufacturiers de fonds», lit-on dans le mémoire de la RBC.
HighView Asset Management soutient pleinement les ACVM dans leur désir d’abolir les FAR : «Le principal argument de l’industrie contre l’interdiction des FAR est que cela réduirait l’offre de conseil financier et rendrait le conseil financier inaccessible au Canadien moyen. Toutefois, l’écart entre les clients qui reçoivent du conseil financier et ceux qui n’en reçoivent pas, ou l’écart en matière de conseil, semble déjà exister.»
De plus, les FAR n’ont aucunement été créés pour des raisons liées à la fourniture de conseil à un plus grand nombre de personnes, estime HighView Asset Management : «Ils ont été créés pour aider les vendeurs de fonds communs de placement en raison de la baisse des taux de commission initiale sur les ventes de fonds communs de placement.»
Selon la firme, les commissions initiales ont déjà été de 9 %. À cette époque, un client qui avait 10 000 $ à investir payait alors une commission initiale de 900 $ et la différence, soit 9 100 $, était investie. Les investisseurs n’aimaient pas ce genre de prélèvement, lequel a décliné progressivement pour être remplacé, à la fin des années 1980, par une autre forme de rémunération, soit les frais d’acquisition reportés.
«L’argument selon lequel la préservation des FAR affecte l’accès aux conseils est déconcertant. Compte tenu de tout cela et du fait que même les plus petites entreprises membres de l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels ont maintenant des plateformes à honoraires, je ne vois aucune raison de conserver les FAR», lit-on dans le mémoire de HighView Asset Management.
Par ailleurs, l’organisme FAIR Canada demeure fermement opposé aux FAR et souhaite que les ACVM les interdisent. «Les FAR sont en proie à des conflits d’intérêts, visent les investisseurs les plus vulnérables et il y a des preuves implacables qu’ils amènent à des ventes abusives en plus du fait que les fonds assortis de FAR sont des outils d’épargne sous-optimaux», lit-on dans le mémoire du groupe de défense des investisseurs.
D’autres groupes de défense des intérêts des consommateurs appuient l’abolition des FAR, dont la Small Investor Protection Association, et l’Investor Advisory Panel de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario.
Les FAR doivent demeurer
De nombreux manufacturiers de fonds, courtiers et lobbys de l’industrie sont toutefois favorables au maintien des FAR, dont l’Institut des fonds d’investissement du Canada (IFIC), Advocis, l’Association professionnelle des conseillers en services financiers, l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels, le Groupe financier PEAK, Placements Mackenzie, Fidelity Investments, Placements Franklin Templeton, Placements AGF, Mérici Services Financiers, Groupe Cloutier Investissements, MICA Capital et le cabinet d’avocats Borden Ladner Gervais.
On constate que les courtiers et les manufacturiers indépendants sont les plus ardents défenseurs des FAR, contrairement aux institutions financières intégrées.
«Les préoccupations réglementaires liées à l’option des FAR portent sur la convenance de la recommandation d’investissement plutôt que sur l’option des FAR elle-même. Les courtiers qui offrent l’option des FAR pour les clients doivent tenir compte de l’horizon temporel, de l’âge et des besoins de liquidité de l’investisseur», lit-on dans le mémoire de l’IFIC. Selon l’organisme, une meilleure surveillance de l’utilisation des FAR par les régulateurs devrait être privilégiée.
«Nous considérons que la meilleure approche consiste à renforcer le besoin d’évaluations approfondies de la convenance par les courtiers qui recommandent les FAR aux clients, ainsi que la gestion des conflits par ces entreprises en ce qui concerne la compensation reçue, plutôt que de limiter le choix des investisseurs», lit-on dans le mémoire de Borden Ladner Gervais.
Plusieurs groupes font valoir que l’option des FAR a pour résultat que 100 % des sommes du client sont investies et qu’elle permet à un conseiller d’offrir du service à un client qui a peu d’argent à investir. Les FAR encouragent les clients à conserver leurs investissements et leur évitent d’avoir un mauvais comportement en retirant leurs billes au pire moment, par exemple.
«Les FAR ont été créés à l’origine pour que les investisseurs ne paient pas de commission de souscription initiale, ce qui explique en grande partie la baisse de popularité des frais de souscription initiaux. Interdire les FAR représenterait un pas en arrière», lit-on dans le mémoire de Placements Franklin Templeton.
La quasi-totalité des groupes qui appuient le maintien des FAR sont favorables à un meilleur encadrement de leur utilisation. Mérici Services Financiers détaille d’ailleurs plusieurs solutions de rechange à l’abolition des FAR dans son mémoire (lire «Kyrielle d’options autres» en page 1).