Soucieux de diversifier ses sources de revenus, le gestionnaire émergent Majestic Gestion d’Actifs a lancé en janvier 2014 une plateforme «clés en main» de gestion des opérations quotidiennes des fonds d’investissement.
Quatre ans plus tard, la plateforme regroupe 17 fonds, pilotés par six gestionnaires émergents du Québec. Ils affichent plus de 325 M$ d’actif sous gestion.
La plateforme de Majestic rassemble une douzaine de fournisseurs de services, dont KPMG pour la vérification comptable, Fasken (conseil juridique), SGGG Fund Services (administration et tenue des registres), Banque Nationale Réseau Indépendant (courtier et gardien des valeurs) et TSX Trust (fiduciaire).
Économies d’échelle et simplification
En raison des économies d’échelle, ce modèle d’affaires procurerait aux gestionnaires émergents des réductions de coûts «de 40 % à 90 % par rapport à une facturation standard», selon David Bilodeau, cochef de la direction de Majestic.
Par exemple, un gestionnaire émergent paierait 18 000 $ par année afin d’être connecté au système de transaction de Fundserv. S’il était client de la plateforme de Majestic, il ne lui en coûterait que 1 000 $ par année pour obtenir cet avantage.
La plateforme vise également à simplifier le processus de lancement de fonds. Selon Majestic, la mise en marché d’un nouveau fonds impliquerait plus de 70 tâches différentes. «Les gestionnaires émergents peuvent ainsi se consacrer à ce qu’ils font le mieux, à savoir la gestion de portefeuille et la levée d’actifs», dit David Bilodeau.
En retour, ces gestionnaires versent à Majestic un pourcentage des revenus générés par leurs fonds ou un certain nombre de points de base sur l’actif géré.
Mise sur pied en 2006 et codirigée par David Bilodeau et Denis Paquette, la société Majestic Gestion d’Actifs affiche 350 M$ d’actif sous gestion (ASG). En opération depuis respectivement septembre 2008 et mai 2015, les Fonds Majestic Global Diversifié et Fonds Majestic Évolution ont 9 M$ et 2 M$ en ASG.
À l’origine
«Lorsqu’on a voulu lancer notre premier fonds, il y a une dizaine d’années, on a rencontré bien des difficultés. On est venus près d’entrer au service d’une banque en tant que gestionnaires de produits dérivés !» raconte David Bilodeau.
Les organisateurs de Majestic avaient alors contourné le problème de l’insuffisance d’information en établissant un partenariat (joint venture) avec Gestion Palos. Cette société montréalaise de placements avait déjà lancé des fonds et elle était disposée à collaborer à la structuration de fonds de gestionnaires émergents. «Notre premier fonds a été mis sur pied grâce au savoir-faire de Palos», évoque David Bilodeau.
De fil en aiguille, les dirigeants de Majestic ont envisagé l’idée de créer une plateforme qui faciliterait le lancement de fonds et qui élargirait leurs propres sources de revenus.
Les utilisateurs
Les clients de la plateforme sont des gestionnaires de portefeuille ayant mis sur pied leurs propres fonds d’investissement offerts par placements privés.
En vertu du Règlement 45-106 sur les dispenses de prospectus, les gestionnaires de portefeuille sont considérés comme des investisseurs qualifiés. Leurs clients n’ont donc pas à être des investisseurs qualifiés eux-mêmes.
Les courtiers en valeurs mobilières, planificateurs financiers, courtiers en épargne collective et courtiers sur le marché dispensé peuvent également créer leurs propres fonds, à la condition d’être aussi gestionnaires de portefeuille.
Outre Majestic, les utilisateurs de la plateforme sont Société de gestion d’investissement Heward (700 M$ d’actif en totalité, 147 M$ en fonds), Tactex Gestion d’actifs (110 M$ d’actif, 13 M$ en fonds), Les investissements Rivemont (45 M$ d’actif, 13 M$ en fonds), Turn8 & Associés (175 M$ d’actif, 128 M$ en fonds) ainsi que Gestion privée Phoenix (90 M$ d’actif, 19 M$ en fonds) et Charles K. Langford (12 M$ d’actif, 11 M$ en fonds).
Quatre ans après le lancement de la plateforme, ses promoteurs se disent prêts pour une expansion pancanadienne. «En 2019, le nombre de fonds gérés par la plateforme devrait être deux fois plus élevé qu’aujourd’hui. Une partie de l’expansion proviendra de gestionnaires ontariens», signale David Bilodeau.
Cependant, n’entre pas qui veut. «Nous rejetons deux propositions sur trois. Les fonds retenus doivent avoir un historique d’au moins deux ans et leurs stratégies doivent reposer sur des théories financières valables à long terme», dit David Bilodeau.
Un beau jour, deux courtiers en valeurs mobilières ont décidé de créer leurs propres fonds. Nous leur avons demandé pourquoi.
«À bien des égards, la mesure du succès dans le monde du courtage réside dans les chiffres de ventes. Ma grande force, c’est la compréhension du monde de l’investissement. Quand on est courtier, il est inutile de vouloir, par exemple, mettre en oeuvre une stratégie d’achat dans un marché baissier s’il faut contacter 100 ou 200 clients au préalable. Avec mes propres fonds, une vingtaine de secondes suffisent», dit Craig McFadzean.
Courtier en valeurs mobilières chez RBC Dominion Securities de 2007 à 2012, Craig McFadzean dirige depuis six ans son propre cabinet de gestion de patrimoine, Turn8 & Associés, situé à Pointe-Claire, dans l’ouest de l’île de Montréal. Turn8 & Associés a deux fonds alternatifs.
«Les banques et les grandes firmes de courtage ne sont pas très à l’aise avec les produits alternatifs, affirme-t-il. Cependant, pour des gestionnaires discrétionnaires comme moi, ce sont des produits uniques et distinctifs. Ils répondent aux besoins de diversification de clientèles fortunées, car ils sont peu corrélés aux marchés boursiers. Mes stratégies d’investissement sont beaucoup plus agiles à l’égard des événements de l’actualité, comme une déclaration de Donald Trump.»
Gestionnaire de portefeuille à la tête de sa firme de gestion de patrimoine, Gestion privée Phoenix, depuis 2016, François Gagnon a été vice-président et conseiller en placements chez Industrielle Alliance Valeurs Mobilière et chez BMO Nesbitt Burns pendant une douzaine d’années.
«Lorsque j’étais courtier, j’avais développé une approche personnelle de placement pour mon portefeuille. Je ne m’en cachais pas ! Mes amis et partenaires de golf auraient voulu que j’applique cette approche à leurs portefeuilles. Or, les profils d’investissement des clients de firmes de courtage ne peuvent pas s’éloigner de certains paramètres prédéfinis. Il est impossible de les appeler les uns après les autres avant chaque transaction», raconte François Gagnon.
Aux yeux de ce gestionnaire discrétionnaire, il aurait été «presque impensable» de lancer ses fonds alternatifs sans disposer d’une plateforme comme celle de Majestic. «Les ententes avec les fournisseurs sont déjà négociées. Il y a des économies d’échelle. Avec les exigences de la conformité, le démarrage de fonds par soi-même n’est pas chose facile», dit-il.