« Les entreprises comme duProprio et amazon ont transformé l’immobilier et le commerce de détail de fond en comble. C’est maintenant au tour de l’assurance collective. Nous sommes mûrs pour la révolution numérique. Et nous la ferons !» lance Bernard Dupuis.
Après avoir été conseiller en tarification en assurance collective au Cabinet d’assurance Banque Nationale pendant près de 10 ans, Bernard Dupuis s’est associé à David Théberge et à Lee McDonald afin de créer le cabinet d’assurance collective Cangaroo, en juillet 2015.
Situé à Chambly, ce cabinet de 12 employés se présente comme un perturbateur de marché. Ses fondateurs, dans la jeune quarantaine, ne mettent pas de gants blancs et annoncent clairement la couleur.
«Il faut faire table rase des pratiques actuelles en assurance collective. Ce secteur est inefficace. Les entreprises, et plus particulièrement les PME, paient ces assurances trop cher, et elles n’ont pas la qualité de service qu’elles devraient avoir», affirme le responsable du développement d’affaires, David Théberge.
À écouter Bernard Dupuis, nul doute possible, les fondateurs de Cangaroo voient grand.
«Nous voulons être au coeur de la révolution numérique en assurance collective et en gestion des ressources humaines. Les entreprises n’ont pas les outils dont elles ont besoin, mais elles les cherchent», dit-il.
Modèle d’affaires
Cangaroo avance ses pions en deux mouvements.
Le premier consiste à proposer aux entreprises, surtout aux PME, un produit qu’elles n’ont généralement pas, à savoir un logiciel de données en ressources humaines (RH). Le second mouvement vise à se distinguer des concurrents – courtiers et conseillers – en offrant ce logiciel avec leurs services de courtage en assurance collective.
L’un des trois cofondateurs de Cangaroo, le programmeur Lee McDonald, a développé la plateforme informatique. Elle permet notamment de gérer les feuilles de temps, les banques de jours de maladie et de vacances, les évaluations de rendement ainsi que les déductions d’assurance collective et d’avantages sociaux.
Si Cangaroo était un pur fabricant de logiciels, les entreprises clientes auraient à payer son utilisation. Toutefois, la plateforme devient gratuite lorsque les entreprises retiennent les services du cabinet Services Cangaroo inc. à titre de conseiller en ce qui a trait à leur régime d’assurance collective.
Selon David Théberge, l’appétit des PME pour ce genre de plateforme informatique de RH est grand.
«Les spécialistes en ressources humaines des PME sont les parents pauvres de l’informatisation en entreprise. Bien souvent, les RH gèrent leurs activités à l’aide d’une dizaine de chiffriers Excel qui ne communiquent pas entre eux. Les RH n’ont pas de budget», dit-il.
David Théberge ajoute que l’assurance collective constitue un besoin peu satisfait.
«Nous pensons que les conseillers ne donnent pas assez de services à valeur ajoutée. Par exemple, l’administration des régimes, comme le calcul des primes, est laissée aux soins des services de RH. Et dans bien des cas, le service à la clientèle est assuré par les agents généraux», dit-il.
Les dirigeants de Cangaroo estiment que la ligne de défense de leurs concurrents – les conseillers et courtiers qui vendent de l’assurance collective – serait particulièrement faible.
«En assurance collective, les ventes se concluent grâce à la qualité des contacts personnels. Autrement dit, la vente dépend de la relation, et non pas de la qualité du produit. À la limite, les clients paient pour connaître quelqu’un, leur courtier», affirme Bernard Dupuis.
De plus, le dévoilement, en janvier 2019, des commissions de vente des conseillers et courtiers qui distribuent de l’assurance collective «accéléreront la transformation du marché», surenchérit David Théberge. Selon lui, les entreprises n’accepteront pas de payer les commissions actuelles des courtiers et conseillers en assurance collective.
De l’ambition
«Nous créons une révolution dans le marché de l’assurance collective. Grâce à nos produits à valeur ajoutée, des entreprises, qui n’y avait jamais pensé, abandonnent leurs conseillers actuels et nous confient leur assurance collective. Les parts de marché de nos concurrents vont s’égrener !» dit Bernard Dupuis.
Lors des entrevues, en février, le cabinet d’assurance collective Cangaroo revendiquait environ 125 entreprises clientes.
«Jusqu’ici, nous avons majoritairement obtenu des mandats de transferts, ce qui signifie que les clients nous mandatent pour agir à titre d’intermédiaire relativement à leurs contrats avec leurs assureurs actuels. Cangaroo n’a pas recommandé ces assureurs à ces clients», précise Bernard Dupuis.
Présentement, Cangaroo peut solliciter 15 assureurs. En cas de problèmes de réclamation, le cabinet dit assister l’assuré, en collaboration avec l’administrateur du régime.
Les dirigeants du cabinet envisagent d’atteindre le seuil de rentabilité d’ici la fin de l’année 2018.
Et «d’ici deux ou trois ans, nous voulons devenir l’un des plus importants cabinets en assurance collective, avec plus de 100 M$ de primes sous gestion», signale Bernard Dupuis.
Connaisseuse aguerrie en assurance collective, Claude Di Stasio a été vice-présidente aux affaires québécoises à l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes.
«Les circonstances sont favorables aux Cangaroo de ce monde. Le Québec compte énormément de PME et les petits employeurs ont besoin d’automatiser la gestion des ressources humaines, qui se fait encore trop souvent à la mitaine. Aujourd’hui, les employeurs se doivent presque, concurrence de recrutement oblige, d’offrir des avantages sociaux à leurs employés», évoque la présidente de CDS Services Conseils.
En outre, les nouveaux spécialistes en ressources humaines sont «nés une souris à la main», poursuit Claude Di Stasio.
Cela dit, Cangaroo n’arrive pas en terrain inoccupé, car de grands assureurs lorgnent le même territoire !
«Manuvie est à surveiller. Très gros acteur auprès des petites entreprises, Manuvie a annoncé l’implantation d’une plateforme informatique de gestion bout en bout d’assurance collective qui fera des vagues, et pas seulement auprès de Cangaroo», dit Claude Di Stasio.
Selon le communiqué de presse publié en février, la plateforme, appelée V3, «est une solution complète prenant en charge toutes les étapes du processus, de la soumission à la demande de règlement». Manuvie signale le déploiement «d’un plan d’intégration progressive s’échelonnant sur plusieurs années».
«La question est de savoir quelle sera la place des courtiers à l’intérieur de V3. Leurs services seront-ils toujours requis ?» se demande Claude Di Stasio en ajoutant que la plateforme de Cangaroo soulève également la même interrogation.
«Qui nous dit que la vente directe d’assurance collective ne se fera pas par l’intermédiaire de la plateforme de Cangaroo ? Le cabinet pourrait s’occuper des réclamations et inciter ses clients à renouveler leurs polices d’assurance collective sans l’intervention de représentants», évoque la consultante.