Les raisons sont multiples, selon Gaétan Veillette, Fellow Administrateur agréé et planificateur financier. « Parfois, c’est par choix, parfois par obligation, explique-t-il. Souvent, ils arrêtent de travailler plus tôt pour des raisons de santé ou parce qu’ils perdent leur emploi. La réalité fait dévier leurs projections. »
Selon l’étude de Morningstar, une douzaine de facteurs influent sur l’âge du départ à la retraite, dont « le genre, la situation familiale, le niveau d’éducation, le niveau de stress et de charge physique de l’emploi occupé ».
Cela dit, ces facteurs n’ont que « peu ou pas de pouvoir prédictif sur la probabilité de prendre sa retraite plus tôt que prévu. Le seul facteur qui nous semble indiquer quand quelqu’un risque de prendre sa retraite est l’âge prévu dans sa planification et la distance de celui-ci par rapport au chiffre magique de 61 ans. »
En effet, citant un sondage mené par la firme de recherche Gallup, Morningstar rappelle que les gens prendraient leur retraite quatre ans plus tôt que prévu en moyenne.
« L’âge médian auquel les gens prévoient prendre leur retraite, comme l’a mesuré un sondage de l’Employee Benefit Research Institute (EBRI), était de 65 ans par comparaison avec un âge de prise de la retraite réel de 62 ans, ce qui confirme les conclusions de l’étude menée par Gallup », écrit Morningstar dans son rapport.
Selon une étude de l’Université du Michigan au sujet de la santé et de la retraite, les individus qui projettent de prendre leur retraite avant 61 ans sont plus susceptibles de travailler plus longtemps, alors que ceux qui prévoient la prendre après 61 ans risquent de probablement le faire avant cet âge.
« En d’autres mots, l’âge réel de la prise de la retraite avoisine 61 ans, et chaque année de travail prévue en moins ou en plus de ce chiffre résulte en une différence de six mois dans l’âge réel de la prise de la retraite, écrit Morningstar au sujet des données de l’Université du Michigan. Par exemple, quelqu’un qui projette de prendre sa retraite à 69 ans sera probablement retraité à 65 ans (69 – 61= 8 x 0,5 = 4 ; 69 – 4 = 65). »
Santé mentale
Souvent, « les gens sont juste tannés de leur emploi ou de travailler. Ils ont accumulé de la fatigue et veulent s’arrêter », constate Hélène Boileau, planificatrice financière, placement et retraite dans une succursale de Laval de la Banque de Montréal (BMO).
Une réalité qu’elle prend très au sérieux. « Quand je vois des clients qui ont fait un ou plusieurs burn-out, je refais les calculs pour voir comment ce serait possible pour eux de cesser leur travail. C’est très insécurisant pour eux de partir avant la date prévue de la retraite, mais s’ils ne sont pas bien, il vaut mieux qu’ils s’arrêtent. Alors, quand je vois que ça peut fonctionner, je dédramatise les chiffres, je les aide à visualiser. »
La planificatrice prévoit également avec ses clients les ajustements à faire quand c’est nécessaire : travailler dans un autre domaine à temps partiel ou revoir à la baisse leur niveau de vie, par exemple.
Le départ précoce n’est pas toujours possible, voire conseillé. « Parfois, les clients ne peuvent pas partir, parce qu’ils n’ont pas assez mis d’argent de côté », observe André Lacasse, planificateur financier chez Services financiers Lacasse.
« En prenant une retraite hâtive, le risque augmente, rappelle pour sa part Gaétan Veillette. Le plus grand risque économique à la retraite est de survivre à son capital. »
Or, l’espérance de vie augmente de trois mois par an en moyenne. « Certains investisseurs auraient besoin de doubler leurs économies pour atteindre leur objectif de retraite », souligne Morningstar dans son rapport.
La firme de recherche conclut de son étude que « les individus et les conseillers doivent intégrer l’incertitude liée à l’âge du départ à la retraite dans les planifications de la retraite en focalisant sur l’épargne ».
Visualiser
Pour Hélène Boileau, c’est une évidence. « Je ne fais jamais de planification jusqu’à 65 ans, même si les gens me disent qu’ils veulent travailler jusqu’à cet âge. Je les convaincs de faire leur planification dans l’hypothèse d’un départ à 60 ans. On fait alors un plan plus audacieux avec plus d’actions et plus d’épargne », explique-t-elle.
Le message phare des conseillers à leurs clients : épargnez ! « L’épargne est le facteur fondamental d’enrichissement du patrimoine. C’est le facteur clé pour atteindre ses objectifs financiers à la retraite », lance Gaétan Veillette. D’où l’importance « de commencer à épargner jeune pour prendre l’habitude, ajoute André Lacasse. Une fois que c’est ancré, on est en pilotage automatique et l’épargne s’accumule et fructifie. »
Pour aider les clients à comprendre l’effort à fournir afin d’avoir assez d’argent pour vivre et se faire plaisir à la retraite, il faut les aider à visualiser. Les conseillers utilisent tous des logiciels qui permettent de générer rapidement différents scénarios selon divers critères, comme l’âge prévu du départ à la retraite et l’épargne accumulée en fonction des économies mises de côté. « Je leur montre les scénarios s’ils partent à la retraite à 65 ans et à 60 ans. En général, il y a un très grand écart. Ça les conscientise et les amène souvent à mettre plus d’argent de côté », témoigne André Lacasse.