C’est ce que montre le sondage en ligne «L’industrie financière en pleine ébullition», mené en septembre par Finance et Investissement auprès des conseillers.
La question posée pour le sondage était : «Sur quels enjeux les régulateurs devraient-ils accroître leur surveillance de l’industrie financière afin de mieux protéger le client ?» Parmi sept enjeux, les répondants pouvaient en choisir autant qu’ils le voulaient. La cybersécurité est arrivée en première place, suivie de l’encadrement des technologies financières, l’encadrement des pratiques de distribution de produits financiers et la transparence des coûts des produits financiers.
«La cybersécurité est un must après avoir vu les fuites d’information chez Desjardins et Capital One», commente un intervenant. Un autre ajoute : «Plusieurs vols de données, cela nécessite d’être surveillé de près. Avec les marchés financiers et les fraudes, il faut prévoir des retraits par les clients.»
Un autre répondant associe la surveillance des technologies financières (fintechs) à la cybersécurité : «Les technologies financières et la cybersécurité sont des enjeux majeurs de notre société. Les régulateurs et l’industrie devraient investir leur énergie sur ces aspects.»
D’autres répondants visent la transparence, en insistant maintenant sur les frais plutôt que sur la rémunération : «La divulgation des frais est encore bien complexe pour l’investisseur. Il faut la simplifier et la mettre en parallèle avec les rendements, et cela, d’une façon identique d’une institution à l’autre. Il faut standardiser l’approche dans la présentation des frais et des rendements, afin que l’investisseur comprenne.»
Certains répondants s’attendent à ce que les technologies financières perturbent les grandes institutions financières : «La suprématie des banques sera attaquée. Elles ont abusé la clientèle pour enrichir leurs actionnaires, mais la compétition et l’innovation technologique seront impitoyables envers elles.»
Bien tard
Que la cybersécurité soit à ce moment-ci une urgence particulière n’étonne personne. Après la fuite majeure survenue au Mouvement Desjardins, «je soupçonne que peu de conseillers rencontrent des clients qu’ils ne doivent pas rassurer à ce sujet», dit Jean Morissette, consultant auprès de firmes de gestion de patrimoine.
Pourtant, le sujet n’est certainement pas nouveau et fait les manchettes depuis des années. «Ce qui est étonnant, ajoute Jean Morissette, c’est que cela ait pris tant de temps à sortir. Tant que les choses n’arrivent pas près de chez eux, les gens ne s’en préoccupent pas.»
Certes, les grandes institutions sont visées, et l’Autorité des marchés financiers (AMF) en fait son affaire, affirmant dans un courriel qu’elle «a publié plusieurs lignes directrices en matière d’encadrement touchant la protection des renseignements personnels et la notification d’incidents majeurs auxquelles sont soumises les institutions visées.»
Cependant, la cybersécurité n’est pas qu’une affaire de grandes institutions, avertit Michel Mailloux, président-fondateur du Collège des professions financières. Il note «qu’on va probablement être plus exigeant à l’endroit des représentants. Il va y avoir un alourdissement des procédures qui ne rendra peut-être pas les gens heureux.»
Michel Mailloux se dit abasourdi de parler à des conseillers qui lui disent «qu’ils travaillent encore à partir de cafés Internet. Sur n’importe quel réseau ouvert, n’importe quel hacker peut entrer.»
À terme, on peut s’attendre à ce que les problèmes techniques de sécurité soient couverts en grande partie par la technologie des chaînes de blocs, jugent Michel Mailloux et Rick Legault, conseiller exécutif chez TelosTouch, une firme qui développe des applications fintechs. Mais la cybersécurité ne dépend qu’en partie des systèmes informatiques ; elle dépend d’abord des humains, rappelle Rick Legault : «La principale cause de fuite, c’est l’humain à l’interne, qu’il agisse ou non avec une intention malveillante.»
Deuxième enjeu à réglementer, les fintechs dressent à l’horizon un immense point d’interrogation, auquel l’AMF accorde toute son attention. Par exemple, elle a mis sur pied un Groupe Fintech qui réunit une soixantaine de travailleurs, de même qu’un Laboratoire Fintech pour cerner les tenants et les aboutissants de ces technologies.
Bon nombre voient peut-être dans les fintechs une menace ; Michel Mailloux y voit plutôt une occasion. Selon lui, les robots seront incapables dans un avenir proche de supplanter les conseillers, «mais ils seront des assistants sensationnels». Or, ils coûteront cher et seront probablement hors de portée des conseillers individuels, qui devront se regrouper pour pouvoir se payer ces assistants «indispensables», comme les qualifie ce formateur.
Poids documentaire
Les «robots» mettent en lumière un contraste que le sondage de Finance et Investissement ne fait pas ressortir, note Rick Legault. «C’est souvent simple et rapide d’ouvrir un compte avec un robot-conseiller, dit-il, mais si compliqué avec un conseiller humain à cause de la quantité de documentation requise.»
Ce spécialiste s’étonne que les répondants n’aient pas fait de l’allégement du poids réglementaire et de la documentation attenante un enjeu prioritaire : «On passe les deux tiers d’une rencontre à remplir des documents, ce qui laisse bien peu de temps pour comprendre la situation du client.»
Le plus troublant dans les fintechs, c’est l’ébranlement des modèles d’affaires qu’elles annoncent – et produisent déjà -, juge Jean Morissette. «Ajoutées à la transparence et à la divulgation des frais, elles reflètent l’insécurité d’une partie des acteurs qui voient bouger un terrain qu’ils n’avaient pas vu bouger depuis longtemps», dit-il.
Comme en témoigne le sondage, l’enjeu se déplace maintenant du terrain de la rémunération et des conflits d’intérêts qu’elle peut abriter à celui des frais totaux qu’assume le client. «On demande de divulguer la rémunération, alors que dans les banques les employés sont à salaire», fait valoir Jean Morissette. Le conseiller indépendant «ne joue pas à armes égales avec les banques où les frais sont imbriqués. Cela fait qu’un représentant qui divulgue sa rémunération est perçu comme facturant plus cher qu’une banque.»
La sécurité des instituions doit être plus robustte
Réponses des conseillers, présentées par ordre décroissant du plus grand nombre de répondants, à la question : «Sur quels enjeux les régulateurs devraient-ils accroître leur surveillance de l’industrie financière afin de mieux protéger le client ?»
- La cybersécurité
- L’encadrement des technologies financières
- L’encadrement des pratiques de distribution de produits financiers
- La transparence des coûts des produits financiers et de la rémunération des conseillers et courtiers
- Le système bancaire ouvert (Open Banking)
- La gestion et le maintien de la qualité des données des institutions financières
Source : Sondage «L’industrie financière en pleine ébullition»
Matière à réflexion
Voici les commentaires de certains répondants à la question «Sur quels enjeux les régulateurs devraient-ils accroître leur surveillance de l’industrie financière afin de mieux protéger le client ?»
«Aussi, si tous les conseillers ne sont pas transparents quant aux frais facturés aux clients, cela peut nuire à ceux qui le sont réellement. Les clients ont l’impression qu’ils paient plus de frais avec le conseiller qui divulgue ouvertement sa rémunération, alors que certains conseillers ont encore tendance à mentir ou à cacher des frais. Il est très difficile pour le moment de prouver qui le fait et qui ne le fait pas réellement.»
«Les régulateurs devraient surveiller plus les fournisseurs de produits [les assureurs] qui essaient de vendre des produits d’assurance qui misent sur la déchéance, sur le Web, sans représentants.»