«L’utilisation des facteurs ESG dans la recherche d’occasions de placement améliore selon nous le profil risque-rendement des portefeuilles dans la mesure où elle réduit les risques de pertes importantes liés aux amendes et aux règlements de poursuites, et où, surtout, elle limite les risques d’atteinte à la réputation», souligne une analyse récente de BMO Gestion de patrimoine.
La firme de courtage a lancé en novembre dernier un portefeuille modèle de placements mondiaux durables composé d’une vingtaine de titres. «Avec ce produit, les conseillers en placement ont accès à une solution à moindre coût pour les clients qui ne veulent pas payer les frais de gestion d’un fonds commun de placement», explique Stéphane Rochon, directeur de la recherche de BMO Nesbitt Burns.
Il s’agit d’actions internationales de grande qualité, souvent européennes. Les secteurs minier, pétrolier et de la défense sont exclus. «Cette solution pourrait constituer la moitié de la portion en actions du portefeuille d’un investisseur canadien et être complétée par une stratégie qui intègre des titres de croissance de dividendes nord-américains», précise-t-il.
L’éventail de produits offerts est appelé à croître, selon Sylvain Brisebois, directeur régional, division de l’Est de BMO Nesbitt Burns : «L’investissement responsable demeure une approche marginale, mais comme avec les fonds négociés en Bourse [FNB] à leurs débuts, les produits sont essentiellement américains. Aujourd’hui, on a accès à toutes sortes de FNB au Canada.»
Fonds communs de placement
Faute d’avoir accès à des portefeuilles modèles en investissement responsable, beaucoup de conseillers se tournent du côté des fonds communs de placement. Question légitime : sont-ils plus coûteux que les autres fonds ? «Pour l’ensemble de nos produits en IR, les frais de gestion seront similaires à ceux des autres fonds pour une même catégorie. Le client n’a pas à payer une surprime s’il achète un fonds d’actions canadiennes SociéTerre par rapport à un autre fonds d’actions du même type», précise Rosalie Vendette, conseillère principale, Investissement responsable chez Desjardins.
Soyons honnêtes, il est facile de s’y perdre lorsqu’on cherche une solution de placement en investissement responsable. Connus sous plusieurs appellations, les fonds ou portefeuilles durables, socialement responsables ou éthiques ne sont pas toujours faciles à identifier. L’acronyme ESG ou ISR est parfois accolé à ces fonds, mais pas toujours. Certaines sociétés, comme Placements NEI, offrent depuis longtemps des fonds éthiques. Desjardins se distingue également avec ses produits SociéTerre.
Soulignons aussi les fonds Inhance d’IA Clarington, certains fonds comme celui d’actions mondiales croissance durable de Placements AGF, les fonds Vision RBC de RBC Gestion mondiale d’actifs et les fonds ISR Summa Investors du Groupe Investors. Il en existe beaucoup d’autres, notamment en Europe et aux États-Unis. Les investisseurs qui veulent comparer les rendements de leurs fonds ont accès à une multitude d’indices de référence. L’entreprise de services financiers MSCI en publie une panoplie qui cible les entreprises ayant un impact positif du point de vue des facteurs ESG.
Au Canada toutefois, aucune norme n’encadre ces fonds, contrairement à l’Europe, où il existe des certifications comme les labels Novethic. L’industrie serait en discussion afin de mettre en place au Canada une telle certification, nous dit Dustyn Lanz, chef de la direction de l’Association pour l’investissement responsable (AIR) au Canada.
Fonds négociés en Bourse
Par ailleurs, ceux qui ne veulent pas payer des frais de gestion trop élevés peuvent se tourner vers les FNB. L’entreprise BlackRock a commercialisé ces dernières années plusieurs FNB qui misent sur des indices américains et internationaux dont les sociétés prennent en compte les facteurs ESG dans leur pratique d’affaires. L’un des plus connus est le iShares MSCI KLD 400 (DSI), qui calque le rendement d’un indice composé de sociétés qui se distinguent sur le plan environnemental, social et de la gouvernance (RFG de 0,50 %). Au Canada, le iShares Jantzi Social Index (XEN) se démarque également (RFG de 0,55 %).
«Les portefeuilles de nos clients sont essentiellement constitués de FNB. Nous faisons de la gestion discrétionnaire de haute qualité, avec des frais concurrentiels. Mais lorsque j’examine les solutions en investissement responsable, notamment avec les FNB, ce qui existe ne me satisfait pas. Il s’agit souvent de stratégies qui privilégient le meilleur du secteur [best in class] et qui font rarement de l’exclusion. Il y a souvent trop de titres dans ces indices ou ces fonds», souligne Sébastien St-Hilaire, conseiller en placement chez Valeurs mobilières Desjardins.
«Je souhaite développer mes propres critères de sélection et d’exclusion de titres boursiers afin d’être plus rigoureux dans mes choix d’investissement. Prenons l’exemple du poulet bio. Je peux acheter deux poulets bios, mais ils auront probablement connu une existence complètement différente et n’auront pas mangé la même chose», illustre-t-il.
Titres à revenu fixe verts
Qu’en est-il des titres à revenu fixe ? Selon une récente analyse de Morningstar France, il y avait pour près de 300 G$ d’obligations vertes en circulation dans le monde à la fin de 2017. Seulement l’an dernier, on recense pour plus de 155 G$ de nouvelles émissions. Ces titres de dette financent des projets qui ont un impact positif sur le climat, notamment en réduisant les gaz à effet de serre.
L’an dernier, la province de Québec a également lancé son premier programme d’obligations vertes accessibles aux particuliers. Cette tranche de 500 M$ n’est bien sûr qu’une très faible part des quelque 20 G$ d’obligations qu’a émis le gouvernement en 2017. Les investisseurs institutionnels étant très friands de ces titres, le petit investisseur se retrouve souvent avec des miettes.
Les sociétés qui misent sur des thématiques comme les énergies renouvelables, l’eau ou la santé émettent également des titres de créance. Ces obligations peuvent faire partie du portefeuille à revenu fixe d’un investisseur responsable. Cependant, les portefeuilles obligataires au Canada sont bien souvent composés d’obligations domestiques gouvernementales et provinciales, ce qui limite les choix en investissement responsable.
Il existe enfin des placements qui visent à créer un impact positif qui dépasse les rendements financiers. L’investissement d’impact cherche des solutions concrètes à différents problèmes sociaux, environnementaux ou de gouvernance. Ces produits financiers sont émis dans le marché privé. La clientèle fortunée et institutionnelle peut y avoir accès par l’intermédiaire de différents fonds.
Risque de concentration ?
Le fait de délaisser ou d’exclure beaucoup de titres qui ne satisfont pas aux critères ESG soulève la question de la diversification du portefeuille. «Au Canada, le marché est concentré dans le secteur financier, pétrolier et un peu dans les biens de consommation. Il serait difficile de lancer des fonds purement canadiens en investissement responsable», affirme Stéphane Rochon. Une grande part de ces entreprises ne se qualifieraient pas.
Notons que les gestionnaires de portefeuille adoptent des stratégies de placement qui les amènent souvent à exclure des titres. Par exemple, un gestionnaire de style valeur recherchera des titres avec des ratios cours-bénéfice bas.
«Avec les facteurs ESG, c’est un peu la même chose : on réduit aussi notre univers, souligne Rosalie Vendette. Dans le cas du marché canadien, cela soulève l’enjeu des énergies fossiles. Si on exclut le secteur énergétique, on se retrouve alors avec un portefeuille complètement différent du marché. On doit l’expliquer au client. Lui dire aussi qu’on ne vise pas la perfection et que toutes les entreprises sont confrontées aux enjeux ESG. Selon le leadership qu’on veut démontrer, on va s’associer avec différents acteurs qui voudront s’améliorer, avec lesquels on pourra faire de l’actionnariat engagé, en dialoguant par exemple.»