Avantageux mais complexe, le régime enregistré d’épargne études (REEE) doit être souscrit avec précaution. Au moment de le faire, on doit discuter avec les promoteurs des caractéristiques du produit, des circonstances, et des besoins présents et futurs des souscripteurs et des bénéficiaires. Voici ce qu’il faut comprendre.
Le REEE a été introduit dans la Loi de l’impôt sur le revenu (L.I.R.) en 1974. Les dispositions de la loi ont évolué, mais la structure du régime reste la même : un souscripteur conclut un contrat avec un promoteur afin d’épargner pour financer les études postsecondaires d’un bénéficiaire, en versant des cotisations détenues dans un compte en fiducie exonéré d’impôt. Le REEE est régi par la Loi canadienne sur l’épargne-études et ses règlements ainsi que le droit civil des contrats applicable dans la province.
Déduction des cotisations : aucune.
Imposition : les cotisations sont libres d’impôt lors du retrait et peuvent être retournées au souscripteur. La portion rendement et les subventions gouvernementales sont à l’abri de l’impôt tant qu’elles demeurent dans le REEE, mais sont incluses dans le revenu du bénéficiaire au moment du retrait sous la forme de paiement d’aide aux études (PAE). La portion rendement à l’abri de l’impôt peut être payée au souscripteur sous la forme de paiement de revenu accumulé (PRA), s’il doit y être mis fin, à condition que le REER de ce dernier contienne assez de droits inutilisés pour y transférer jusqu’à 50 000 $ de PRA, sans entraîner d’impôts immédiats. Autrement, un impôt majoré de 20 % (12 % + 8 % au Québec) et des pénalités peuvent s’appliquer.
Plafond annuel des cotisations : aucun (il a été aboli en 2007). Ce qui permet des cotisations de récupération.
Plafond cumulatif des cotisations : 50 000 $ à vie par bénéficiaire depuis 2007. Durée maximale : 35 ans (40 ans si le bénéficiaire est handicapé et admissible au crédit d’impôt pour personne handicapée [CIPH]). Subvention canadienne pour l’épargne-études (SCEE) : 20 % des cotisations annuelles jusqu’à un maximum de 500 $/an et 7200 $ à vie.
SCEE supplémentaire : de 10 % à 20 % de la première tranche de 500 $ de cotisation annuelle, selon le revenu familial. La cotisation de 500 $ doit être faite chaque année, sinon la bonification est perdue.
Bon d’études canadien (BEC) pour les familles défavorisées : 500 $ à l’ouverture et 100 $ pendant 15 ans. Aucune cotisation n’est requise (la mesure est très peu connue). Le budget fédéral 2024 propose que les enfants admissibles nés à partir de 2024 puissent automatiquement en bénéficier. Ainsi, dès que ceux-ci atteindront quatre ans, un compte leur sera attribué pour recevoir les bons jusqu’à concurrence du maximum de 2000 $.
S’ajoute à ces subventions l’incitatif québécois à l’épargne-études (IQEE). Cet incitatif est un crédit d’impôt remboursable versé directement dans le régime et représentant 10 % des cotisations déposées annuellement. La demande doit être faite à Revenu Québec. Ce ne sont pas tous les promoteurs de REEE faisant affaire au Québec qui offrent l’IQEE.
Les cotisations au régime doivent être faites par le souscripteur lui-même ou en son nom. Plusieurs REEE peuvent être ouverts par des souscripteurs différents avec la permission des parents, pour le même bénéficiaire. Il faut s’assurer de ne pas excéder la limite à vie de 50 000 $. Les cotisations excédentaires sont sujettes à une pénalité fiscale sous la forme d’un impôt spécial de 1 % par mois jusqu’au retrait des excédents ; cette pénalité est payable dans les 90 derniers jours de l’année. Seuls les bénéficiaires du REEE doivent être résidents canadiens et fournir un numéro d’assurance sociale (NAS) à l’ouverture. Le souscripteur peut résider à l’étranger, mais s’il est résident canadien, il doit aussi fournir son NAS. Le souscripteur conserve ses droits sur le capital du régime, qu’il peut retirer à son propre profit. Conséquemment, il n’y a pas de protection contre les créanciers en cas d’insolvabilité ou de faillite de ce dernier. La SCEE, le BCE et l’IQEE font partie de la masse des placements confiés au promoteur pour qu’il les administre. Ils ne font pas partie des cotisations et doivent être remboursés si le bénéficiaire ne poursuit pas d’études postsecondaires ou s’il a mis fin au régime.
Il existe plusieurs types de REEE, dont ces catégories :
Régimes individuels : la signature du contrat comporte la création d’une fiducie distincte. Le moment et le montant du versement des cotisations sont fixés par le souscripteur et sont assujettis au plafond cumulatif de 50 000 $. Le souscripteur nomme un seul bénéficiaire, qui n’est pas nécessairement une personne qui lui est liée. Le régime restera en vigueur tant qu’il y aura un bénéficiaire, mais aucune cotisation ne pourra être faite après la 31e année d’existence du régime. Le souscripteur peut décider du moment et du montant des versements du PAE.
Régimes familiaux : il peut y avoir un ou plusieurs bénéficiaires, chacun étant lié au souscripteur ou à tous les souscripteurs par les liens du sang ou de l’adoption de son vivant. Les neveux, nièces, oncles, tantes, cousins, cousines du souscripteur ne sont pas considérés comme ayant des liens de sang avec ce dernier.
On doit bien choisir le type de régime selon les besoins, car les planifications peuvent varier.
L’abolition du maximum annuel des cotisations permet de planifier les dépôts. Les cotisations de rattrapage comportent des risques importants si elles ne sont pas gérées avec rigueur. Certains souscripteurs veulent maximiser la croissance à l’abri de l’impôt en cotisant des montants importants au tout début du régime. Cela peut se solder par une perte de subventions puisque la SCEE est soumise à un maximum annuel de 500 $, soit 20 % de 2500 $. Si une somme de 50 000 $ était cotisée au tout début, la SCEE totale serait de 500 $ et non de 7200 $ à la fin. Il est fréquent que le REEE soit souscrit plus tard et que du capital y soit injecté de façon massive durant les années précédant le début des retraits PAE. Cette pratique limite l’avantage de la croissance du capital à l’abri de l’impôt sur une plus longue période et, éventuellement, peut entraîner la perte des subventions. On peut rattraper les subventions jusqu’à un maximum annuel de 1000 $. Une cotisation annuelle de 5000 $ permet d’atteindre ce maximum. 11 est suggéré de commencer un plan de rattrapage au plus tard quand le bénéficiaire atteint l’âge de dix ans pour bénéficier des 7200 $ de subvention. Ce plan devrait être examiné avec un spécialiste.
Si le couple est marié, le REEE ne fait pas partie du partage du patrimoine familial. Or, si les biens du régime accumulés durant le mariage sont des acquêts, ils seront inclus dans un partage de la société d’acquêts. Cette question est préoccupante lorsque l’un des époux est le souscripteur d’un régime dont les bénéficiaires sont les enfants nés d’une précédente union. À défaut d’entente satisfaisante, cette situation peut forcer la liquidation du régime avec les conséquences négatives qui s’ensuivent.
Lors d’une séparation ou d’un divorce, l’époux ou le conjoint de fait peut acquérir les droits d’un souscripteur initial en conformité avec une ordonnance ou un jugement prononcé par un tribunal compétent ou un accord écrit visant à partager des biens en règlement des droits découlant du mariage ou de l’union de fait. Il n’est toutefois pas possible d’ajouter un souscripteur au REEE existant.
Lorsque des époux ou des conjoints de fait sont cosouscripteurs d’un REEE alors qu’ils font vie commune, ils peuvent le demeurer après une séparation ou un divorce sans autres formalités. Toutefois, avant le 28 mars 2023, il n’était pas permis de transférer le REEE à un nouveau promoteur ultérieurement. De plus, il n’était pas possible pour les parents déjà séparés ou divorcés de souscrire conjointement un nouveau contrat pour leurs enfants. Heureusement, le budget fédéral de 2023 vient régler ces problèmes en autorisant les parents séparés ou divorcés à conclure conjointement un nouveau contrat de REEE au bénéfice de leurs enfants ou de transférer un REEE existant dont ils sont cosouscripteurs à un nouveau promoteur.
Si le régime doit être scindé parce que chacun des parents veut récupérer ses cotisations ou continuer à cotiser sa part sans devoir compter sur la participation de l’autre, on doit ouvrir de nouveaux contrats de REEE et y transférer le régime existant en tout ou en partie.
Parfois, des grands-parents ont souscrit un REEE pour leurs petits-enfants et voudraient le transférer aux parents des enfants bénéficiaires de leur vivant.
Selon la L.I.R., il n’est pas possible d’ajouter ou de substituer un nouveau souscripteur au souscripteur original. La seule possibilité pour le ou les parents cessionnaires consiste à ouvrir un nouveau REEE comportant les mêmes caractéristiques que l’arrangement conclu entre les grands-parents et le promoteur. Ainsi, le promoteur du REEE doit être consulté pour s’assurer que ce transfert est possible. Si tel est le cas, le nouveau REEE sera présumé avoir été conclu le même jour que le régime cédant. Les grands-parents souscripteurs originaux pourront alors y transférer les biens du REEE. Les années écoulées depuis l’ouverture du REEE cédant seront prises en compte pour établir le moment où les PAE peuvent être effectués, la période durant laquelle des cotisations pourront être versées et la durée maximale du REEE cessionnaire. Ces opérations devraient se conclure sans impact fiscal pour les grands-parents. Or, attention aux excédents qui pourraient déclencher un impôt pour les grands-parents cédants, les parents cessionnaires ou les deux dans l’année du transfert.
Hélène Marquis est directrice régionale, planification fiscale et successorale à Gestion privée CIBC.