Après avoir vécu la montée permanente d’adrénaline des années Fiera Capital, Sylvain Brosseau a replongé dans l’action sous les couleurs de Gestion d’actifs Walter. Il est aux commandes d’un fonds de placement privé destiné à dynamiser le secteur nord-américain de la gestion d’actif et de la gestion de portefeuille.
«Faute de capitaux, plusieurs stratégies d’investissement novatrices sont difficiles à mettre en oeuvre. Nous contribuerons à les faire naître avec du capital d’amorçage. Le fonds s’intéressera également aux entreprises qui veulent prendre de l’expansion. Il pourra aussi faciliter la consolidation d’un secteur qui se développe rapidement», dit Sylvain Brosseau. Les fournisseurs de services seront également dans la ligne de mire. «Comment réduire les coûts en gestion d’actif et en gestion de portefeuille ? Comment intégrer les avancées de l’intelligence artificielle ? Comment mieux synthétiser l’information ? Les fintechs qui veulent résoudre ces questions feront partie de nos cibles d’investissement», ajoute Sylvain Brosseau.
Les cibles géographiques se trouvent principalement en Amérique du Nord. «Les dirigeants de firmes québécoises pourront tirer profit de la proximité des réseaux», précise-t-il.
D’ailleurs, pour son premier investissement, Gestion d’actifs Walter a conclu en avril dernier un partenariat avec LionGuard gestion de capital et a acquis une participation minoritaire dans la firme montréalaise. L’objectif étant de permettre à LionGuard de poursuivre son plan de croissance, notamment en ajoutant des ressources sur le plan des opérations, de la conformité, du service à la clientèle et de la recherche. Sylvain Brosseau estime également pouvoir élargir les réseaux de distribution et de contact de la société de gestion de placements spécialisée dans la recherche et l’analyse fondamentales de type bottom-up.
Objectif : la multiplication des pains
Nommé président et chef de la direction de la société montréalaise Gestion d’actifs Walter en novembre 2017, Sylvain Brosseau a consacré une année au montage de ce fonds de placement privé. L’objectif consiste à lever 500 M$ en cinq ans auprès d’investisseurs institutionnels et d’investisseurs qualifiés. Aux yeux de Sylvain Brosseau, «le fonds devrait bonifier ces 500 M$ de façon à ce qu’ils deviennent 2,5 G$, sinon 3 G$, d’ici 15 ans».
La mise minimale est de 5 M$. Le Groupe de sociétés Walter, détenu par la famille montréalaise Somers, a contribué 40 M$. Sylvain Brosseau a lui-même injecté quelques millions de dollars de sa fortune personnelle.
D’après l’architecte du fonds, la formule du placement privé tombe à point. «Le placement privé procure généralement des rendements plus élevés que des stratégies traditionnelles. Ces rendements sont également moins corrélés aux marchés, et moins volatils. C’est la grande tendance de l’heure dans le monde du placement !» affirme Sylvain Brosseau.
Le patron de Gestion d’actifs Walter explique que ces rendements élevés et moins volatils découlent de la plus grande liberté d’action des entreprises privées. «Elles ne sont pas soumises aux mêmes impératifs de croissance trimestrielle de revenus et de profits que les sociétés cotées en Bourse. Leurs dirigeants peuvent se permettre d’être patients et de prendre des décisions favorisant la croissance à long terme», signale-t-il.
De plus, le milieu de la gestion d’actif et de la gestion de portefeuille n’a plus de secret pour ce maître des opérations qui a vécu l’explosion des fonds communs de placement dans les années 1990 et l’extraordinaire croissance de Fiera Capital dans les années 2000.
«Le milieu de la gestion d’actif est en croissance partout dans le monde. La richesse va croître de façon importante. Il n’y a aucune inquiétude à avoir de ce côté-là ! L’industrie est porteuse. Il restera à trouver les bonnes équipes de gestionnaires», dit Sylvain Brosseau.
«Plus rien n’est impossible !»
Au cours de son adolescence, Sylvain Brosseau a cru devenir médecin. Ses études universitaires ont rapidement bifurqué vers l’informatique.
«J’ai commencé ma carrière chez TAL Gestion globale d’actifs comme spécialiste des technologies de l’information. Au début des années 1990, les fonds communs étaient en pleine ascension. J’ai notamment participé à la création du réseau Fundserv, ce qui m’a permis de connaître qui faisait quoi dans le domaine», raconte Sylvain Brosseau.
Lorsqu’en 2003 le fondateur de TAL, Jean-Guy Desjardins, lui propose de participer à la reprise d’Elantis, l’entreprise qui allait devenir Fiera Capital, une très grande aventure commence. «Nous avons présenté notre plan d’affaires à une quinzaine de gestionnaires de portefeuille d’Elantis. Notre but était de faire passer l’actif sous gestion de 5 G$ à 20 G$ en l’espace de 10 ans. On nous a alors vus comme des rêveurs ! Au début des années 2010, l’objectif était monté à 150 G$. À ce moment-là, tout le monde nous croyait», poursuit Sylvain Brosseau.
Au cours de ces années de croissance effrénée, Sylvain Brosseau a été l’alter ego de Jean-Guy Desjardins, «différent et complémentaire» selon ses propres termes. À titre de chef de la direction, Jean-Guy Desjardins dessinait la stratégie. Pour sa part, le président et chef de l’exploitation Sylvain Brosseau était le «gestionnaire opérateur» par excellence. Constamment en mouvement, à Londres, New York, Los Angeles et Toronto, il pilotait l’intégration des firmes de gestion d’actif acquises au pas de course. «Tout est basé sur l’être humain et peut-être davantage encore dans le domaine de l’investissement», constate Sylvain Brosseau.
Pendant ces années, il a touché à toutes les facettes du métier de dirigeant de société de gestion d’actif. «C’était comme vivre, un à un, tous les chapitres d’un manuel menant à l’obtention d’un MBA», dit-il en évoquant notamment le spin-off d’Elantis, la prise de contrôle inversée de Sceptre, le lancement de nouvelles lignes d’affaires et le développement de stratégies d’investissement innovatrices.
«Nous avons tout traversé en conservant ce qui est le plus important, notre intégrité, et en gardant la confiance du marché. À un moment donné, on se rend compte que plus rien n’est impossible !» lance-t-il.
Atomes crochus
En avril 2017, il annonce sa décision de quitter Fiera. En une journée, l’action de Fiera recule de 2,3 % ! «En gros, j’allais avoir 55 ans. Je voulais faire autre chose pour la dernière phase de ma vie professionnelle», dit-il.
Peu de temps après, arrive l’offre du Groupe Walter. «Le Groupe Walter faisait partie des investisseurs de Fiera, ce qui fait que nous nous connaissions déjà. Il y a quelques années, le Groupe s’est départi de ses actifs manufacturiers afin de se concentrer sur le secteur financier. J’avais constaté qu’ils avaient fait des choses très intéressantes et avant-gardistes dans le placement. Ce sont des entrepreneurs qui bâtissent. Ils donnent du sens à l’investissement en le pensant sur le long terme», poursuit Sylvain Brosseau.
À la mi-cinquantaine, Sylvain Brosseau se retrousse les manches et retourne dans un milieu qu’il adore. «Je veux continuer à avoir la satisfaction de voir des gens autour de moi qui réussissent. Je veux les aider à réussir», dit-il.
Le placement privé en gestion d’actif pouvait difficilement dénicher meilleur avocat que cet ancien étudiant en médecine qui a su trouver la voie d’un destin peu banal, singulier et remarquable.
(Avec la collaboration d’Alizée Calza)