«Le modèle traditionnel des agents généraux indépendants est révolu. Depuis 20 ans, rien n’a vraiment changé. Il faut s’adapter aux années 2020. Sinon, c’est la disparition, à court ou à moyen terme», dit Yan Charbonneau, président de l’agence générale AFL Groupe Financier.
Le dirigeant porte un regard très critique sur l’équilibre des forces régnant dans le milieu de plus en plus restreint des agents généraux indépendants.
D’une part, dit-il, les indépendants rendent les armes, un par un.
En 2017, le Groupe Financier Horizons était acquis par la Great-West, suivi en 2018 par PPI Management acheté par iA Groupe financier. L’année dernière, c’était au tour d’Aurrea Signature, qui passait sous le contrôle d’IDC Worldsource Insurance Network, une organisation indépendante d’envergure pancanadienne.
«Comme Horizons et PPI, les agents généraux tendent à s’allier avec des assureurs, car ils n’ont pas la capacité financière d’aller plus loin. La technologie ouvre le chemin du 21e siècle, mais elle exige énormément d’argent. Si les indépendants ne s’allient pas avec des institutions financières, qui sait ?, des insurtechs pourraient éventuellement se mettre de la partie et rafler la mise», affirme Yan Charbonneau.
Le patron d’AFL avance un deuxième obstacle sur le chemin des agents généraux indépendants : le recrutement de la relève. Selon lui, la guerre des talents est en train d’être gagnée par les réseaux de distribution propriétaires, relevant des grandes institutions financières. Or, sans l’injection du sang neuf des jeunes générations, les indépendants ne pourraient pas tenir le coup indéfiniment.
«Les agents généraux indépendants manquent de moyens pour attirer les jeunes et pour les garder, dit-il. À l’heure actuelle, on ne fait que s’échanger les courtiers d’un agent général à l’autre ! Les jeunes conseillers en début de carrière se tournent naturellement vers les banques et les réseaux d’assureurs, car leurs conditions de travail y sont meilleures et leurs revenus plus élevés.»
Les achats de blocs d’affaires provenant de conseillers retraités ou préretraités ne donnent-ils pas aux jeunes la chance de devenir eux-mêmes entrepreneurs ? «Ça ne marche pas… mis à part chez les assureurs qui offrent des books qui leur appartiennent et chez les familles de conseillers où la transmission se fait entre parents et enfants. Les conseillers âgés veulent garder les books pour les commissions de l’en-vigueur. Et les jeunes n’ont pas les moyens d’acheter aux valeurs désirées par les vétérans. Qui peut, par exemple, se payer un book de 1 M$ ?» explique Yan Charbonneau.
Champ de bataille déplacé
Afin de participer à armes égales à la guerre des talents, AFL a décidé de s’inspirer de ses concurrents. Dorénavant, AFL achètera des blocs d’affaires qui resteront sa propriété, comme c’est le cas dans des réseaux de distribution d’assureurs.
Et les conseillers deviendront des salariés. Toutefois, ils toucheront également des commissions de vente en fonction du volume de vente, de l’actif sous gestion et du référencement à l’intérieur des autres entités de l’organisation.
Par rapport à ses concurrents, l’élément différenciateur d’AFL résidera surtout dans une offre de produits élargie, provenant d’un grand nombre de fournisseurs. «Notre agence générale se transformera en super bureau de courtage, avec une offre variée pouvant concurrencer les grandes institutions financières sur leur terrain», dit Yan Charbonneau.
Rappelons qu’AFL distribue des produits d’assurance de dommages, d’assurance commerciale et d’assurance collective.
Fin 2019, le volume de primes en assurance de dommages atteignait 125 M$, comparativement à 60 M$ en assurance collective. «D’ici la fin de 2020, on croit atteindre 300 M$ de primes en assurance de dommages, 100 M$ en assurance collective», signale Yan Charbonneau. À l’instar de ses concurrents, AFL ne donne pas les chiffres relatifs au volume de primes en assurance de personnes.
Selon le patron d’AFL, la transition vers des conseillers à salaire, avec un volet de rémunération à commissions, répondra aux attentes majoritaires des plus jeunes. «Nos conditions salariales seront similaires à celles des banques. Et avec les commissions, les jeunes conseillers feront davantage d’argent que des salariés», dit-il.
De plus, les conditions de travail ressembleront à celles qui règnent en milieu bancaire. «Par exemple, il n’y aura pas de travail les soirs et fins de semaine si le conseiller ne veut pas prendre cette tangente… ce qui est généralement le cas des milléniaux», précise Yan Charbonneau.
Des munitions en abondance
Les entités d’AFL sont désormais regroupées sous le chapeau de Synex Performance d’affaires.
«Synex est un terme qui évoque à la fois la synergie et l’excellence. Nous avons la mission d’acheter les meilleurs cabinets et les meilleurs blocs d’affaires, ainsi que d’embaucher les meilleurs talents. Notre mission consiste aussi à approfondir la synergie naturelle entre les divers secteurs de l’assurance et de l’épargne collective», dit Yan Charbonneau.
AFL continuera d’exister, mais en tant que division spécialisée en produits d’assurance de personnes, assurance collective et produits financiers.
«Synex devient l’enseigne générale des entités du groupe. Cette marque facilitera également le référencement, puisqu’il sera clair, aux yeux des clients, que les courtiers référés seront toujours de la même entreprise», souligne Yan Charbonneau.
Le patron d’AFL signale disposer d’une «grande capacité de financement, de plusieurs dizaines de millions de dollars. Des blocs d’affaires, nous pouvons en acheter… et beaucoup», dit-il.
Actuellement, l’action se passe dans le secteur de l’assurance collective. «Il y a beaucoup d’opportunités d’achat en assurance collective. En 2020, ce secteur sera notre priorité numéro un. Il faut dire que l’assurance collective dévoile une foule de besoins insuffisamment couverts par le marché, comme les assurances des propriétaires et l’épargne-retraite des employés», observe Yan Charbonneau.
De quoi faire tourner la roue du référencement de nombreuses années, et pas seulement au Québec.
«D’ici quelques années, nous serons présents d’un océan à l’autre. Et d’ici la fin de 2020, Synex se déploiera dans plusieurs provinces canadiennes, en commençant par l’assurance collective et l’assurance de dommages», prévoit Yan Charbonneau.