Après 10 ans passés à Wall Street, chez Morgan Stanley, mais principalement chez Goldman Sachs à partir de 2006, Charles Lemay, 34 ans, est aujourd’hui chargé du développement des relations auprès de la communauté de consultants et d’investisseurs institutionnels aux États-Unis pour la société montréalaise de gestion de placements Addenda Capital, dont il est le directeur principal, développement des affaires (marché américain).
Diplômé en 2005 en sciences des affaires internationales de la Fairleigh Dickinson University, dans le New Jersey, Charles Lemay, qui a pratiqué de nombreux sports dans sa jeunesse, raconte comment il a misé sur cet atout afin de faire ses études aux États-Unis.
«J’ai fait du ski à Tremblant toute ma jeunesse avec plusieurs des grands skieurs que l’on voit aujourd’hui dans les médias. Puis, en grandissant, j’ai joué au football, notamment au niveau collégial, ce qui m’a valu des opérations aux deux épaules», évoque-t-il.
Charles Lemay s’est toutefois tourné vers le tennis, un autre sport pratiqué dans sa jeunesse, afin d’obtenir une bourse d’études. «J’ai fait les essais et j’ai été intégré à l’équipe. Je ne peux pas dire que j’étais le meilleur joueur de tennis universitaire, mais j’ai quand même joué en première division.»
Être banquier
Charles Lemay a d’abord développé, puis nourri son intérêt vis-à-vis du milieu financier par l’intermédiaire de livres et de films. «J’ai regardé le droit un peu – mon père est avocat de formation -, mais rapidement je me suis dit : » I want to be a banker ». Je trouvais que c’était tellement cool d’être banquier, de faire des deals, alors je voulais faire partie de ce milieu.»
Il pensait d’ailleurs au début qu’il suffisait d’être embauché dans une banque, sans trop savoir qu’il existe plusieurs types d’institutions, par exemple celles qui sont spécialisées dans les services bancaires ou encore les activités de courtage, «mais aussi qu’il y a un véritable parcours au sein de chacune d’elles, qu’il faut emprunter afin d’évoluer au travers des différents secteurs liés aux opérations et à leur fonctionnement».
Charles Lemay a d’abord effectué un stage chez Merrill Lynch, en 2004, puis une fois diplômé, il a fait son entrée dans l’industrie en étant embauché comme analyste chez Morgan Stanley, où il a passé sept mois.
Fraîchement diplômé, il s’était pourtant d’abord fait offrir un emploi au sein d’une banque d’affaires appelée Marco Polo Partners. «C’était une boutique spécialisée dans les marchés émergents, et l’emploi de rêve pour accéder au statut de banquier. Une semaine avant mon entrée, on m’a informé que trois mandats sur les quatre pour lesquels j’avais été engagé étaient tombés à l’eau et qu’on n’avait plus besoin de moi. J’ai donc fait des entrevues partout où je pouvais à New York et j’ai décroché mon premier job, à contrat, dans le back office de Morgan Stanley.»
C’était un pied dans la porte, malgré la monotonie du poste où «on faisait la même chose 100 fois par jour et que l’on était bon si on le faisait 120 fois par jour», évoque Charles Lemay.
Puis, un de ses partenaires de tennis à l’université, nouvellement embauché chez Goldman Sachs, le recommande et, après «une entrevue de huit heures», il est recruté. «C’était toujours en arrière-guichet, mais c’était Goldman Sachs, puis dans les dérivés de crédit et, en 2006, c’était le hot seat. Alors même si, à certaines périodes, on travaillait 100 heures par semaine, c’était vraiment intéressant», témoigne Charles Lemay.
Au fil des années, ses responsabilités évoluent et il occupe différents postes, dont celui d’associé, Gestion du risque de négociation à compter de 2008, puis de vice-président, Marchés émergents de 2010 à 2014.
Décalage montréalais
C’est en 2014 que Charles Lemay revient à Montréal. Il vivait depuis quelques années déjà une relation à distance avec une Montréalaise rencontrée à New York. Le marché était un peu plus difficile aux États-Unis et il jugeait que le moment était venu de rentrer.
«J’avais imaginé que mes 10 ans à Wall Street auraient été plus « vendeurs », mais ce ne fut pas le cas, raconte toutefois Charles Lemay. Je ne correspondais pas au modèle montréalais, où souvent on a besoin d’une maîtrise et d’un titre de CFA pour travailler en arrière-guichet dans une banque.»
Dans un marché de l’emploi où les candidats abondent, comme celui de la finance à Montréal, les exigences sont plus élevées pour les postes offerts, rappelle Charles Lemay.
«Même si mon nom est Lemay, j’étais un touriste, et quand j’ai parlé à la Caisse de dépôt et placement du Québec, à Fiera Capital et à d’autres firmes, je n’ai pas eu beaucoup de succès», affirme-t-il. D’autant que peu de gens à Montréal, dit-il, s’intéressent au secteur des marchés émergents, qui est sa spécialité.
Il fonde alors, en septembre 2014, la firme EMDEV Capital. Charles Lemay y met en place toute l’infrastructure et conclut une entente avec un ancien client ayant aussi créé une nouvelle firme, RVX Asset Management, qui agira à titre de gestionnaire de portefeuille.
«Son équipe était installée à Miami et moi, à Montréal, alors une semaine sur deux je me rendais aux États-Unis. Les choses se sont bien passées et nous avons récolté un actif de 55 M$ ensemble, au terme des huit mois de notre collaboration. Par contre, je n’avais toujours pas de salaire et, au bout du compte, Addenda m’a approché. C’était une belle occasion de continuer à faire du développement des affaires en territoire américain.»
Fondée en 1996, Addenda Capital est une société privée de gestion de placements qui se consacre aux régimes de retraite, à la gestion privée de patrimoine, aux sociétés d’assurance ainsi qu’aux actifs d’entreprises et de fondations. Son actif sous gestion s’élève à plus de 27 G$. La société est un ardent défenseur de l’investissement durable.
Nourrir l’écosystème
L’arrivée de Charles Lemay chez Addenda Capital n’a pas empêché celui-ci de poursuivre son implication au sein du Conseil des gestionnaires en émergence (CGE), dont il est l’un des administrateurs.
«Je me suis impliqué lorsque j’ai fondé ma firme, parce que j’étais un gestionnaire en émergence et qu’il s’agissait d’une bonne façon de m’engager dans la communauté et d’apprendre comment les autres évoluaient», dit-il.
Encore aujourd’hui, il lui apparaît important de participer. «C’est une petite communauté et nous échangeons beaucoup. Alors si je peux continuer à aider la communauté financière montréalaise pour qu’elle soit plus concurrentielle, je pense que tout le monde y gagne. Nous savons tous que Montréal a besoin d’un plus grand nombre d’histoires à succès comme celles d’Hexavest, de Fiera Capital et d’Addenda Capital, mais développer l’écosystème, ça commence par les petits gestionnaires.»