Conseillers et courtiers ont notamment composé avec une chute des marchés des actions et de la volatilité sur tous les autres marchés financiers, y compris celui des titres à revenu fixe, avec l’obligation d’effectuer du télétravail et de veiller aux intérêts de clients stressés par le risque sanitaire et le besoin de liquidités.
Bon nombre de succursales bancaires et caisses ont fermé leurs portes temporairement, même si une part importante de l’industrie financière est considérée comme un service essentiel et n’est donc pas soumise à la demande du gouvernement du Québec faite aux entreprises de cesser leurs activités jusqu’au 13 avril.
«C’est la tempête parfaite. On vit la crise du virus et la crise financière. Ce sont deux gestions difficiles», admet un cadre de l’industrie financière à Finance et Investissement. L’incertitude liée à la situation et la nouveauté de cette crise sanitaire créent «la tempête parfaite pour une crise», fait écho Sara Gilbert, coach d’affaires et fondatrice de Développement des affaires Stratégiste, qui fait l’objet d’un texte en page 4 du présent numéro.
Ainsi, la crise économique et financière actuelle donne du fil à retordre aux conseillers et à leurs firmes, dont les revenus bruts ont aussi baissé.
«Nous sommes en récession – du moins, c’est ce que les marchés évaluent [dans le prix des actifs financiers]. Le marché mondial des actions est passé d’environ 88 billions de dollars américains (88 000 G$ US) à 63 billions de dollars américains au cours du dernier mois. Cela représente une baisse de 29 %», écrivait une équipe d’analystes de Richardson GMP, dont fait partie Craig Basinger, dans une note publiée le 23 mars.
Le secteur pétrolier canadien est particulièrement touché par la baisse des prix du pétrole brut. Celle-ci est alimentée par la crise économique et sanitaire liée au virus de la COVID-19 ainsi que par la guerre commerciale que se livrent la Russie, les États-Unis et l’Arabie saoudite, trois importants pays producteurs de pétrole.
Cette situation résulte de la confluence d’événements de type cygne noir (double black swan), d’après une note des analystes de la Société Générale parue plus tôt en mars. Ce genre d’événement est imprévisible, a une faible probabilité de se dérouler, mais a des conséquences d’une portée considérable.
Les fonds communs du secteur de l’énergie trônent ainsi au palmarès des fonds affichant les pires performances pour la période du 24 février au 18 mars, observe une équipe d’analystes de fonds d’iA Gestion de patrimoine, dont fait partie James Gauthier, dans une note du 25 mars. Le rendement de ces 10 fonds sur cette très courte période varie de -50,2 % à -75,2 %. Parmi les 10 fonds affichant les rendements les plus élevés durant cette période figurent majoritairement des fonds de titres à revenu fixe mondiaux et offrant une exposition aux obligations libellées en dollars américains sur une base non couverte, de sorte que les gains proviennent entièrement des fluctuations de la devise. Le rendement de ces 10 fonds a varié de 2,5 % à 9,2 % sur cette période.
Ces dernières semaines, les conseillers ont aussi géré des situations qu’on n’avait pas vues depuis la dernière crise financière, dont l’arrêt de négociation des Bourses. Également, les écarts cours acheteurs-cours vendeurs se sont creusés pour les fonds négociés en Bourse (FNB) de titres à revenu fixe de sociétés, au point que, entre autres, Horizons ETFs a recommandé aux détenteurs de ces fonds de ne pas en négocier, à moins d’y être vraiment obligés.
Gérer ses émotions
Que dire aux clients lorsque ce genre d’ouragan frappe ? Un conseiller peut avoir une influence positive sur un client stressé et lui éviter de coûteuses erreurs, notamment s’il l’écoute bien, démontre de l’empathie et parle son langage, explique Sara Gilbert, dans le webinaire «Apprenez à gérer les émotions de vos clients», qu’on peut voir sur notre site web.
Bon nombre de conseillers parviennent à garder le cap, car 78 % des représentants affirment ne pas avoir ajusté les portefeuilles de leurs clients, selon un sondage en ligne mené par Finance et Investissement du 16 au 18 mars.
«Une stratégie d’investissement doit être maintenue pendant les moments difficiles, sinon il ne s’agit pas d’une stratégie», commente l’un des répondants.
Des conseillers ont toutefois ajusté le portefeuille de certains clients. Ils l’ont fait à regret lorsqu’un client capitule devant la volatilité, mais le plus souvent, par nécessité, lorsqu’un client manque de liquidités, selon le sondage.
Réinventer le travail
Par ailleurs, en mars, le télétravail est devenu le nouveau quotidien de bien des conseillers de l’industrie, en raison des directives de Québec et d’autres gouvernements provinciaux, dont l’Ontario. En quelques jours, les cabinets et les courtiers ont dû fournir aux représentants et aux membres de leurs équipes les outils nécessaires pour y arriver.
La crise du coronavirus en a probablement bousculé plus d’un, comme le démontre un conseiller en placement interrogé dans le cadre du Pointage des courtiers de plein exercice. «Les technologies mobiles sont trop complexes à utiliser et nos patrons ne veulent pas qu’on s’en serve à distance», indiquait-il, en février, tout juste avant que l’épidémie ne frappe le Canada.
Le passage rapide au télétravail semble s’être relativement bien passé dans l’industrie, selon divers dirigeants. Il a toutefois présenté des défis sur le plan technologique et de la sécurité informatique.
«Nous avons la chance de travailler sur une plateforme qui est une porte d’entrée technologique très fermée sur nos environnements. C’est une raison pour laquelle le passage au télétravail a été rapide. C’est un avantage qui nous a beaucoup aidés, en plus des encadrements du Mouvement Desjardins qui sont extrêmement documentés et clairs», commente Marjorie Minet, vice-présidente, Services-conseils en gestion de patrimoine au Mouvement Desjardins.
Elle se dit très fière de l’agilité de Valeurs mobilières Desjardins, car en moins d’une dizaine de jours, plus de 90 % des employés ont adopté le télétravail. Le Mouvement Desjardins a notamment renforcé ses services d’information de marché afin de soutenir les conseillers dans leurs communications avec les clients.
«Je suis très heureuse de la réaction de l’ensemble de nos professionnels vis-à-vis des clients, qui ont été en mode proactivité et en mode conseil. Je suis heureuse de voir à quel point l’expertise est là pour aider les conseillers», indique Marjorie Minet.
Avec son équipe, elle se prépare à offrir un soutien aux conseillers et à leurs clients, car ceux-ci passeront «des semaines difficiles».
L’industrie aura comme défi de garder ses troupes mobilisées dans les semaines à venir, selon Marjorie Minet : «Il sera crucial de maintenir la proximité entre les gestionnaires et les directeurs et l’ensemble des équipes afin de garder la mobilisation et l’engagement. Nous entrons dans les semaines où nous allons réinventer notre façon de travailler et faciliter les relations à distance, au-delà des relations humaines qui seront difficiles.»