Il y a 18 ans, pierre Thauvette classait des dossiers chez Gestion de placements Claret. Aujourd’hui, il est aux commandes d’un fonds de couverture (hedge fund) primé par ses pairs. Cela dit, au-delà de cet agréable succès d’estime, le gestionnaire de portefeuille vise la réussite commerciale.
Lancé en 2012, le Fonds multi-actifs mondiaux Claret investit dans plus de 150 marchés à terme et fonds négociés en Bourse répartis selon diverses catégories d’actif tels que les indices boursiers, les devises, les taux d’intérêt, les matières premières, l’immobilier et les infrastructures. La mise de fonds minimale est de 0,5 M$.
À la faveur de possibles changements réglementaires, ce fonds de contrats à terme gérés de quelque 22 M$ en actif sous gestion pourrait tôt ou tard trouver sa place dans des portefeuilles grand public.
«Je favorise une approche systématique, basée sur un ensemble de règles préétablies traitées par un programme informatique. Il s’agit d’éliminer les émotions afin de repérer les tendances de marché et d’y réagir rapidement. L’informatique évite d’avoir des réponses différentes selon l’humeur du moment», dit Pierre Thauvette, directeur du développement stratégique et gestionnaire de portefeuille chez Gestion de placements Claret.
Selon lui, cette approche comporte un meilleur potentiel de rendement et de réduction de volatilité qu’un portefeuille traditionnel.
«En période de crise, les contrats à terme offrent un refuge, une protection. C’est comme acheter une assurance accident avant d’avoir un accident. Ce qui n’empêche pas de générer de bons rendements», poursuit le gestionnaire en rappelant les rendements annualisés de 9,8 % du Fonds depuis sa création en 2012, et ce, en date du 30 juin 2018.
Chose certaine, les résultats du Fonds multi-actifs mondiaux Claret ne sont pas passés inaperçus.
Tenu à Toronto depuis 11 ans, l’événement Canadian Hedge Fund Awards récompense les meilleurs fonds de couverture canadiens. En 2017, le Fonds s’est emparé de la première place pour les rendements sur cinq ans dans la catégorie des contrats à terme gérés. Un an plus tôt, en 2016, il remportait la deuxième place relativement aux rendements sur un an. Et en 2015, il raflait la première position pour le meilleur rendement sur un an.
Le Fonds fait également partie du classement Top 20 de BarclayHedge Managed Futures (CTA) des meilleurs rendements sur cinq ans, en date de décembre 2017. Ce classement s’applique aux contrats à terme gérés.
Des deux événements, le classement du fournisseur d’informations boursière BarclayHedge est le plus significatif.
«Une quarantaine de gestionnaires se partagent les Canadian Hedge Fund Awards, alors que quelques centaines de gestionnaires de partout dans le monde entrent en concurrence afin de faire partie du Top 20 de BarclayHedge. La compétition est plus vive», dit Pierre Thauvette.
Lecture des Market Wizards
La vie de Pierre Thauvette a basculé au début des années 2000, à la suite de la lecture des livres de la série Market Wizards, de Jack D. Schwager, constitués de cascades d’entrevues avec des as du placement. «J’ai été frappé par les résultats mentionnés par certains gestionnaires. Ils utilisaient la programmation informatique afin d’incorporer des règles visant à guider les décisions d’investissement», raconte le gestionnaire.
Pierre Thauvette accomplissait alors des tâches de bureau et de gestion de bases de données dans les opérations d’arrière-boutique et d’administration de fonds de Claret.
Ayant attrapé le virus de l’investissement, il s’initie à la programmation et s’empresse de développer sa formation théorique à l’Université McGill. «J’ai décroché un baccalauréat en commerce, spécialisé en finance et comptabilité, en 2005 après cinq ans d’études à mi-temps», dit-il.
Peu après, Pierre Thauvette se réoriente vers la recherche et le soutien aux gestionnaires de portefeuille. «J’ai eu la chance d’avoir un employeur à l’esprit ouvert. En 2005, je suis devenu analyste junior», dit-il.
Dans ses temps libres, soirs et fins de semaine, il conçoit alors un programme informatique. Au bout de six ans, il obtient le résultat qui allait le propulser dans le monde des gestionnaires de portefeuille.
«Je cherchais quelque chose de complémentaire aux deux principaux domaines de prédilection de Claret, soit l’approche valeur ascendante en actions et les obligations à rendement élevé. Les contrats à terme étant particulièrement connus pour fournir de bonnes performances lorsque les marchés sont en forte correction, l’appariement était parfait», dit-il.
Le produit est lancé en 2012 auprès des investisseurs de Claret. «Les gestionnaires de portefeuille de Claret ont sollicité une partie de leur clientèle. Pour ma part, j’ai tout mis sur la table !» dit-il.
De l’époque où la lecture des Market Wizards l’a inspiré à penser différemment, Pierre Thauvette a conservé la capacité de reconnaître l’originalité là où elle se trouve. «Les nouvelles connaissances se détectent aussi bien dans les rapports de recherche universitaire que dans ce que les concurrents partagent publiquement, y compris certains blogues qui contiennent énormément d’information», dit le gestionnaire de portefeuille de 40 ans.
Pierre Thauvette assure également la direction du développement stratégique de Claret. Fondée en 1996, la firme revendique 1,7 G$ d’actif sous gestion.
Prochaine étape
«Je suis assez fier de m’être démarqué. Par contre, il faut maintenant transformer le succès d’estime en succès commercial. Il faut convaincre le public investisseur, notamment en expliquant la stratégie du Fonds, ce qui n’est pas une mince affaire», dit Pierre Thauvette.
Selon Monique Gravel, chef de la direction de Claret, les 22 M$ d’actif sous gestion du Fonds multi-actifs mondiaux Claret suffisent pour sa continuation. «Nous étudions diverses voies afin de le distribuer à l’extérieur de la firme», ajoute-t-elle.
Deux options sont principalement envisagées, à savoir la distribution auprès des conseillers en gestion de patrimoine de grands réseaux de type Financière Banque Nationale et le fait de positionner le Fonds et son gestionnaire à titre de sous-conseiller de fonds communs de placement.
«Les autorités réglementaires semblent ouvrir la porte aux investisseurs non accrédités», dit Monique Gravel en renvoyant à la possible modification par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) du Règlement 81-102 sur les fonds d’investissement. La modification autoriserait la création d’une nouvelle catégorie d’actif appelée fonds alternatifs et leur distribution au grand public.
À court et à moyen termes, poursuit Monique Gravel, «l’enjeu principal sera l’éducation des investisseurs et des conseillers». En effet, c’est à cette condition que les talents des gestionnaires de fonds de couverture pourront un jour ou l’autre atteindre le grand public.