Jusqu’ici, on se demandait si le fait d’informer davantage les investisseurs allait améliorer leurs connaissances financières. La question restait théorique. Aujourd’hui, l’expérience réelle permet d’y répondre, car les investisseurs ont reçu leurs premiers relevés de placement annuels personnalisés. Au début de 2017, les sociétés de placement ont commencé à fournir à leurs clients un relevé détaillé des frais qu’ils paient et du rendement de leurs placements. Plusieurs études qui ont été menées avant et après l’arrivée des nouveaux relevés montrent que les investisseurs canadiens connaissent beaucoup mieux les décisions de placement à prendre et sont nettement plus à l’aise de les prendre.
Une étude commandée par la Commission des valeurs mobilières de la Colombie-Britannique (British Columbia Securities Commission, ou BCSC) révèle que 67 % des investisseurs avaient une bonne connaissance des frais directs et indirects en 2017, alors qu’ils n’étaient que 56 % en 2016. Au cours de la même période, on a vu augmenter le pourcentage des investisseurs qui savent que certains frais sont négociables, que des produits semblables comportent des frais différents et que chaque dollar versé en frais vient réduire le rendement.
Par ailleurs, selon une étude menée par Pollara, 85 % des investisseurs qui avaient utilisé les services d’un représentant en 2017 et qui avaient acheté des fonds communs de placement dans la dernière année savaient à combien s’élevaient les frais de courtage ; ce pourcentage n’était que de 72 % en 2015. Credo Consulting a constaté que le pourcentage d’investisseurs qui savent que leur conseiller leur facture des frais avait augmenté de 6 % de 2016 à 2017. D’autre part, le nombre d’investisseurs qui ont affirmé : «Je sais exactement combien mon représentant est payé» a augmenté de 15 %.
Le secteur financier a déployé des efforts considérables pour que les relevés utilisent un langage simple et contiennent des explications claires qui aideraient l’investisseur à mieux comprendre les chiffres, sans pour autant l’inonder de détails. Nous avons également fourni aux représentants des outils qui leur ont permis d’avoir des entretiens constructifs avec leurs clients sur les nouveaux éléments d’information à leur transmettre.
Ceux qui se sont montrés sceptiques quant à la capacité des nouveaux relevés d’augmenter le niveau de connaissance des investisseurs à l’égard des frais et du rendement des placements feraient bien de se raviser. Selon l’indice ACVM des investisseurs de 2017, parmi les clients qui se souviennent d’avoir reçu les nouveaux relevés, 71 % affirment que les données sont faciles à comprendre et 72 % signalent que les relevés les ont aidés à comprendre les frais qu’ils paient.
Plusieurs sondages ont cherché à savoir si l’amélioration des connaissances s’est accompagnée de changements de comportement. Les résultats, là encore, sont favorables.
La BCSC a constaté qu’après l’envoi des nouveaux relevés, 13 % des investisseurs ont communiqué d’une nouvelle façon avec leur représentant, 21 % ont changé de produit ou de mode de paiement des frais, et 9 % sont même allés jusqu’à changer de conseiller ou de société de placement. Autrement dit, 43 % des investisseurs ont pris des mesures.
Les ACVM ont constaté que 35 % des investisseurs ont parlé à leur représentant après avoir pris connaissance de leur relevé et que, de ce nombre, 44 % ont apporté certains changements à leur compte.
Le changement ne se produit pas du jour au lendemain ; toutefois, les premiers résultats positifs qui ressortent de tous les sondages menés auprès des investisseurs sont très prometteurs. Ils montrent que l’information, quand elle est bien divulguée, peut produire des investisseurs plus éclairés, qui posent des questions plus pointues et qui participent davantage aux décisions de placement.
À l’heure actuelle, les sociétés de placement se penchent sur les études et les recherches. Elles réunissent les données de l’économie comportementale et d’autres disciplines pour savoir comment elles pourront continuer à simplifier l’information à transmettre aux investisseurs sans risquer de perdre des éléments essentiels.
George Loewenstein, codirecteur du Center for Behavioral Decision Research de l’Université Carnegie Mellon, fait l’observation suivante : «Un avantage important des exigences de divulgation, par opposition aux modes de réglementation plus rigides, se résume à leur souplesse et à leur respect pour le fonctionnement du libre marché.»
Les organismes de réglementation canadiens ont pris une décision audacieuse en donnant aux investisseurs canadiens un accès de classe mondiale à l’information financière – une décision qui semble porter ses fruits. Ces organismes et le secteur privé devraient maintenant se concentrer sur le travail qu’ils pourraient accomplir ensemble pour rendre l’information encore plus accessible et plus avantageuse pour les investisseurs.
Paul C. Bourque
Président et chef de la direction
Institut des fonds d’investissement du Canada
NDLR. Dans ce numéro, Finance et Investissement ouvre sa page «Perspectives et analyses» à une organisation de l’industrie financière. Nous continuerons d’offrir occasionnellement cette tribune. Cette collaboration avec des organismes externes se limitera à quatre éditions par an, d’octobre à février. Les opinions exprimées dans ce texte ne reflètent pas celles de Finance et Investissement, mais bien uniquement celles de ses auteurs.