Un retraité de fraîche date devra composer avec plusieurs risques liés au décaissement de ses actifs. Certains sont récents. D’autres étaient déjà présents durant la phase d’accumulation, mais leur effet pourrait s’avérer plus important compte tenu de sa nouvelle réalité.

Parmi les nouveaux risques, mentionnons à titre d’exemple celui de la séquence des rendements, soit celui d’essuyer quelques mauvaises années de rendements en début de retraite, ce qui nuit à la viabilité du plan de décaissement. L’inflation, qui fait évidemment les manchettes, constitue également un risque.

Le texte qui suit traitera du risque de survie, plus précisément celui d’épuiser son capital de son vivant.

Risque bien réel

Les retraités qui tirent de leurs épargnes une part importante de leurs revenus de retraite sont exposés à ce risque. Plusieurs outils et stratégies permettent de le gérer. Parmi ceux-ci mentionnons :

  • Utiliser les Normes d’hypothèses de projection de l’Institut québécois de planification financière (IQPF) en ce qui a trait à la durée raisonnable de décaissement dans la conception et le suivi des plans financiers;
  • Considérer le report des prestations gouvernementales (Régime de rentes du Québec et pension de la Sécurité de la vieillesse);
  • Songer à l’utilisation éventuelle de rentes viagères.

Il est facile (et périlleux) de considérer le risque de survie comme « un problème pour demain ou pour dans 25 ans ». Toutefois, il semble fréquent que la perception de ce risque survienne beaucoup plus tôt en début de retraite.

Ce qui suit n’a pas de prétention scientifique. Il s’agit d’observations basées sur ma propre pratique auprès de retraités et de futurs retraités. Imaginons un retraité de 65 ans qui détient un fonds enregistré de revenu de retraite (FERR) de 500 000 $, et qui se contente d’y effectuer le retrait minimum annuel. En posant une hypothèse de rendement annuel net de 5,0 % sur ce FERR, voyons dans le graphique qui suit l’évolution du solde du fonds au fil des prochaines années.

Au cours des premières années, le solde du FERR continue de croître pour la simple raison que le rendement présumé (5,0 %) dépasse le retrait minimum jusqu’à l’âge de 69 ans.

On peut imaginer deux points de stress pour le retraité dans une telle situation :

  • Le point d’inflexion : Le solde projeté atteint son apogée à 70 ans et est égal à 513 300 $; à 71 ans, il se chiffre à 512 600 $. Cette baisse semble modeste, mais les retraités la voient parfois comme très problématique. On peut entendre des clients dire : « Je commence à entamer mes épargnes. »
  • Le point de « non-retour » : À 76 ans, pour la première fois, le solde passe sous les 500 000 $, soit le solde de départ. On entend parfois : « Je commence à entamer mon “vieux gagné”. »

Si on se base strictement sur les chiffres, ces deux points dans le temps ne devraient pas nécessairement occasionner de soucis. Il demeure tout à fait normal d’utiliser son capital de retraite pour financer sa retraite. Et on se doit de présenter cette réalité à nos clients. Sur le plan de la finance comportementale, toutefois, les appréhensions qu’ils expriment ne sont pas moins légitimes.

Une solution

Il est possible qu’aucune explication de notre part n’arrive à éliminer totalement les craintes que ressentent nos clients. Il semble toutefois que les préparer à ces événements, à cette réalité soit une solution. En présentant une projection de revenus de retraite, il est prudent de souligner d’avance à quel moment ces points d’inflexion et de non-retour surviendront.

Le fait que ces craintes trouvent potentiellement leur origine en finance comportementale ne les rend pas moins réelles pour autant ! Préparer nos clients à les affronter semble une des solutions à appliquer.

Martin Dupras, ASA, Pl. Fin., M. Fisc., ASC, Fellow de l’IQPF, est président de ConFor financiers Préparer nos clients à affronter ces craintes semble une des solutions à appliquer.