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Bien que leur objectif principal soit de fournir un revenu à la retraite à leurs participants, les régimes de retraite peuvent couvrir plusieurs événements de vie, tels que le décès ou la cessation d’emploi. Même dans le cadre d’une rupture, il pourrait y avoir une somme payable à l’­ex-conjoint en fonction de la valeur des droits accumulés durant l’union. Regardons plus en détail ce qui se passe lorsqu’un participant vit un divorce ou une séparation.

Lorsque nous discutons de l’incidence qu’a l’application du patrimoine familial sur le régime de retraite, il va sans dire que seuls les couples mariés qui n’ont pas soustrait (par acte notarié) leur union à ces règles avant le 1er janvier 1991 et les couples unis civilement sont touchés par ces règles. Les conjoints de fait ne le sont pas.

Qu’il s’agisse d’un régime de retraite à cotisation déterminée ou à prestations déterminées, en cas de rupture, la valeur de ces régimes, accumulée durant l’union, devra être calculée et pourrait faire l’objet d’un partage en vertu des règles du patrimoine familial.

Il ne faut pas confondre le partage de la valeur d’un régime de retraite dans le cadre du partage du patrimoine familial et la priorité au conjoint en cas de décès lors du versement d’une prestation au survivant. Le conjoint marié ou le conjoint de fait (distinction à faire selon les législations) recevra en priorité la prestation de décès du régime de retraite, non pas la portion accumulée pendant l’union, mais la prestation totale.

Le partage du régime de retraite dans le cadre du patrimoine familial n’inclura que la portion accumulée durant le mariage et l’obligation de ce partage ne s’adresse qu’aux couples mariés qui n’ont pas renoncé au patrimoine familial.

En cas de partage, le conjoint recevrait, dès l’exécution dudit partage, la valeur qui lui est due. Nul besoin d’attendre que le participant prenne sa retraite.

Le partage s’effectue sur la valeur des droits accumulés, similaire au calcul en cas de cessation d’emploi, et non sur le montant de rente accumulé ou en cours de paiement. Le calcul de la valeur partageable est effectué en date de l’introduction de l’instance ou à la date de la fin de la vie commune, lorsque les conjoints en décident ainsi. Dans le cas des conjoints unis civilement, c’est la date déterminée dans la déclaration commune notariée qui sert de référence pour les conséquences de la dissolution de leur union civile.

Pour évaluer cette valeur actualisée, il faut poser des hypothèses, et c’est ici que le dossier se complique ! ­Parce que selon les hypothèses utilisées, la valeur peut être différente. Et selon la législation encadrant le régime de retraite, question d’ajouter une couche de complexité, les hypothèses ne sont pas les mêmes. Survolons les différentes législations des régimes de retraite que nous rencontrons au ­Québec et les directives d’évaluation liées.

Pour les régimes enregistrés au ­Québec, la ­Loi sur les régimes complémentaires de retraite encadre de façon très précise le calcul des valeurs partageables dans le cadre du partage du patrimoine familial. Elle décrit la méthode de calcul ainsi que les hypothèses à utiliser de façon précise.

En résumé, les hypothèses économiques (taux de rendement, taux d’inflation) et démographiques (table de mortalité) sont les mêmes que celles utilisées dans le contexte d’un calcul d’une valeur de transfert, selon la Section 3500 des ­Normes de pratique – ­Valeurs actualisées des rentes publiées par l’Institut canadien des actuaires. Le règlement précise aussi les hypothèses relatives à la date de retraite présumée. En d’autres mots, l’administrateur est obligé de faire le calcul et peut facturer des frais au participant pour ledit calcul.

Un partage est possible entre ­ex-conjoints mariés ou unis civilement, qu’ils soient assujettis ou non aux règles du patrimoine familial. Un partage est également possible entre ­ex-conjoints de fait. Toutefois, les conjoints de fait qui souhaitent le partage doivent en convenir par une entente écrite dans les 12 mois suivant la date de fin de la vie commune.

Dans le cas d’un retraité, la date de retraite est déjà fixée, mais dans le cas d’un participant non retraité, cet aspect est très important dans l’évaluation des sommes parce que la valeur en sera influencée. En fait, le règlement précise que dans la situation d’un participant non retraité, la valeur partageable doit correspondre à la moitié entre la valeur d’une rente différée à compter de l’âge normal de retraite (normalement 65 ans) et la valeur d’une rente différée à l’âge où la valeur est maximisée. L’âge où la valeur est maximisée est souvent l’âge de retraite où il est possible de prendre une rente sans réduction actuarielle ou avec une réduction inférieure au coût de la réduction actuarielle.

Une fois la valeur actualisée établie, la valeur partageable correspond à la valeur actualisée multipliée par le prorata entre les mois de participation durant le mariage par rapport aux mois de participation totaux.

En règle générale, un partage ne peut avoir pour effet de priver la personne de plus de 50 % de la valeur totale des droits accumulés dans ses ­RCR (régimes complémentaires de retraite), que ces droits aient été accumulés ou non durant le mariage, l’union civile ou l’union de fait.

Concernant les régimes des employés gouvernementaux provinciaux tels que le ­Régime de retraite du personnel employé du gouvernement et des organismes publics (RREGOP), le ­Régime de retraite du personnel d’encadrement (RRPE), etc., les règles sont établies pour le calcul des valeurs partageables par ­Retraite ­Québec et le calcul est effectué par cet organisme. Un partage est possible uniquement entre ­ex-conjoints assujettis aux règles du patrimoine familial, qu’ils aient été mariés ou unis civilement. Depuis le 1er janvier 2019, le partage est également possible entre ­ex-conjoints de fait.

La ­Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension ne prévoit pas de méthode particulière pour le calcul de la valeur partageable des régimes de retraite. Les employeurs ne sont pas tenus d’effectuer le calcul et recommandent souvent aux parties d’engager un actuaire indépendant qui les aidera à déterminer la valeur partageable dudit régime.

Les actuaires indépendants vont souvent se référer aux recommandations de l’Institut canadien des actuaires, telles que la ­Section 4500 des ­Normes de pratique, pour effectuer le calcul. On remarquera que ce n’est pas la même section que pour les régimes enregistrés au ­Québec. La principale différence se situe dans l’hypothèse des taux d’actualisation et d’indexation, le cas échéant.

Section 3540.03 – ­Hypothèses économiques : ­Deux taux d’intérêt [], le cas échéant, devraient être calculés. Le premier taux s’applique aux 10 premières années suivant la date d’évaluation et l’autre s’applique aux années subséquentes.

Section 4530.17 – ­Hypothèse – taux d’intérêt : L’actuaire devrait calculer deux taux d’intérêt, l’un s’appliquant aux vingt premières années suivant la date de calcul et l’autre s’appliquant à toutes les années suivantes.

L’actuaire doit la plupart du temps donner une fourchette de valeurs (plutôt qu’une seule valeur comme pour les autres législations) afin de refléter les différents âges de retraite possibles du participant s’il n’est pas retraité, et de calculer l’impact de l’indexation et autres paramètres qui font varier les résultats. Ceci ouvre la porte à la négociation. Le litige repose souvent sur l’âge probable de retraite du participant, qui peut faire varier la valeur de beaucoup.

Pour les régimes de retraite des employés du gouvernement fédéral, c’est la ­Loi sur le partage des prestations de retraite qui précise les règles du calcul. C’est le ­Centre des pensions qui s’occupe de faire les calculs et le partage. Un partage est possible entre ­ex-conjoints mariés, qu’ils soient assujettis ou non aux règles du patrimoine familial. Un partage est également possible entre ­ex-conjoints de fait. Par contre, le partage n’est pas possible entre ­ex-conjoints unis civilement, sauf s’ils peuvent être reconnus comme ­ex-conjoints de fait.

Prenons l’exemple d’un couple dont un conjoint participe au ­RREGOP et l’autre à un régime de retraite sous juridiction fédérale. Le participant au ­RREGOP doit partager une valeur actualisée qui présume une retraite à 65 ans, alors que celui qui participe au régime fédéral devra demander à un actuaire indépendant le calcul de la valeur partageable. L’actuaire, qui suit ses normes de pratique, pourrait effectuer plusieurs calculs et démonstrations des valeurs à différents âges de retraite.

Une discussion devra avoir lieu entre les deux parties pour s’entendre sur la valeur utilisée dans le cadre du régime fédéral. Dans cette situation, il pourrait être convenu de dire que la valeur actualisée partageable du régime fédéral sera celle d’une retraite présumée à 65 ans pour les deux parties. Question d’équité !

Conseil pertinent

Dans tous les cas, le partage ne donnera pas naissance à un facteur d’équivalence rectifié (FER). Le participant qui perd une partie de son capital retraite n’aurait donc pas nécessairement le loisir de reconstituer ce capital via une épargne supplémentaire. Un conseil en terminant : si votre client est près de prendre sa retraite, il pourrait être préférable d’introduire l’instance avant qu’il cesse de travailler puisque la valeur partageable pourrait être plus élevée dépendamment de la loi qui s’applique et des avantages de retraite auxquels il aura droit.

Prenons le cas d’une employée qui n’a pas encore pris sa retraite, mais qui sera admissible à une rente sans réduction dans six mois. Si elle quitte son emploi et se sépare, elle aura droit à une rente différée payable à l’âge de 65 ans de 34 000 $, dont la valeur actualisée est de 304 000 $. Présumons qu’elle a été mariée durant l’équivalent de 250 mois sur les 354 mois, la valeur partageable s’élève donc à 214 700 $ (304 000 $ x 250 mois / 354 mois).

Par ailleurs, si elle décide de prendre sa retraite dans six mois et d’avoir accès à une rente non réduite, la valeur actualisée de cette rente sera de 917 000 $. Et supposons que le partage n’a pas encore été effectué et que l’instance est introduite après sa retraite, la valeur partageable devient 917 000 $ !

Mélanie Beauvais est ­FICA, ­FSA, M. Fisc, ­Pl. Fin. chez ­Bachand ­Lafleur, groupe conseil